Cette semaine, la rubrique “Que sont-ils devenus ?” est allée à la rencontre d’un homme considéré comme le complice attitré de la jeunesse. Parce qu’il se donne le temps de la côtoyer, de la comprendre et de lui rendre service sans arrières pensées. Il s’appelle Moussa Ben Déka Diabaté, ancien arbitre assistant international. Il est l’un de ces référés qui ont porté haut le flambeau de l’arbitrage malien sur le plan continental. Quand nous l’avons contacté, il n’a pas hésité à nous transférer tous ses pouvoirs. Comme pour dire que la présence d’un cadet dans la famille de son aîné lui confère le droit de tout se permettre. Bref, il s’est montré aimable à notre endroit pour faciliter notre travail. Il a été un bon joueur une partie de sa jeunesse, avant d’arrêter définitivement la pratique du football. Sa venue dans l’arbitrage est consécutive à une note médiocre qu’il a reçue en maths alors qu’il faisait la série sciences exactes terminales (SET) en 1984 au lycée Prosper Kamara. L’appréciation de son professeur après un devoir surveillé le troubla. Et il s’est dit que son admission au baccalauréat dépendra des enseignements qu’il tirera de cette note de 6/20. Ainsi il cessa de jouer au ballon, pour rebondir comme arbitre. Comment ? Au cours d’un match de championnat entre le Stade et le Réal de Bamako, de façon instantanée, il décida d’embrasser le métier d’arbitre. Sans perdre de temps il envoya une demande à la Commission régionale des arbitres de Bamako. Selon lui la présence de Sidi Békaye Magassa et Danté dans les sphères lui a facilité un saut dans l’inconnu. Ils l’ont encouragé. Quelle fut sa carrière ? Comment et pourquoi il a accepté de siéger dans le Comité de normalisation mort-né ? Sa retraite ? Sa migration dans la politique ? Moussa Ben Deka Diabaté nous a apporté des éléments de réponses à toutes ces interrogations.
Dans un premier temps Moussa Ben Deka s’engagea vaillamment avec de la documentation, soutenue par ses séances d’entraînement. Cependant, un vide se créa dans ses ambitions à son départ pour la Tunisie où il devait suivre des études en assurances. A son retour, il est retourné à la case départ avec le grade d’arbitre de district, puis de ligue en 1992. A ce niveau, il ne lui restait que le statut de fédéral pour prétendre être arbitre international, sur la base d’un certain nombre de critères.
Moussa Ben Déka sautera cette étape, à l’issue d’un stage international à Bamako animé par l’Algérien Belaïd Lacarne, instructeur Caf. Les résolutions de cette mise à niveau basée sur la performance des stagiaires en test Cooper, leur maîtrise des textes et leur jeunesse constituèrent des arguments valables afin quel’émissaire de la Caf les propose comme arbitres internationaux.
Voilà comment la carrière de Moussa Ben Deka Diabaté à pris son envol pour quinze longues années à travers le Mali, les stades d’Afrique, avec à la clef des matches dans 43 pays sur 54, plusieurs finales de Coupe du Mali, la finale de la Coupe d’Afrique des clubs champions entre JSK d’Algérie et l’Etoile sportive de Sousse ( 2001), deux phases finales de Can Junior (Burkina Faso 2003, Bénin 2005).
L’homme prendra finalement sa retraite anticipée en 2007 pour deux raisons fondamentales : d’abord il voulait créer son cabinet, donc les contraintes de l’arbitrage ne lui permettaient plus de continuer. Ensuite Ben a eu échos d’un projet de la Fifa, qui consistait à reverser les anciens arbitres dans l’instruction et l’encadrement des jeunes sifflets. Il voulait profiter de ce projet. Ce qui expliquait ses distances avec les séances d’entraînement et les compétitions nationales à l’époque. Raison pour laquelle, il n’a pas voulu faire le test Cooper, à l’issue duquel la liste des arbitres internationaux du Mali a été renouvelée. En d’autres termes, sa non sélection pour cette épreuve n’est pas une sanction automatique, mais une volonté délibérée de raccrocher pour des raisons personnelles.
Cette riche carrière est aussi liée à de bons souvenirs : le dernier match qualificatif de la Can de 1998 entre le Libéria et la Tunisie en pleine guerre, où tous les chefs de guerre ùont exigé leur hymne. C’est ce seul jour où il n’y a pas eu de coups de feu. Il a compris que le football est un facteur de cohésion. Et comme pour mauvais souvenirs, il retient la rencontre Djoliba-Espérance de Tunis lors du dernier tour éliminatoire de la ligue des champions où les Rouges de Bamako sont tombés à la porte de la phase de poule.
Autre mauvais souvenir, Cameroun-Egypte où un nul suffisait pour propulser les Camerounais au Mondial-2010. Les Lions indomptables ont été éliminés et le public déchainé en voulait à tous. Il a fallu l’intervention de l’armée pour exfiltrer les officiels et les deux équipes.
Sur son cas personnel concernant le lien entre l’arbitrage et la corruption, Moussa Ben Deka soutient n’avoir jamais été approché pour une tentative de corruption. Toutefois, il se refuse de porter un jugement sur les autres. Pour trouver un raccourci, il conclut que la tentative de corruption dépend de la personnalité de l’arbitre.
L’art de parler, le secret de convaincre
Moussa Ben Deka Diabaté est un grand intellectuel. Il a décroché plusieurs diplômes dont un de technicien supérieur en comptabilité à l’EHEP de Bamako, un d’assurances en Tunisie, une maîtrise en économie obtenu Technolab-Ista, un DESS en audit et contrôle de gestion à l’Ecole supérieure de gestion de Paris et un doctorat au Conservatoire nationale des arts et métiers de Paris. Il a l’art de parler et le secret de convaincre.
Mieux il a un sens élevé de la légalité et enseigne toujours la bonne conduite à ses cadets. C’est comme cela que nous l’avons connu dans le quartier depuis notre jeune âge. Mais en sa qualité d’ancien arbitre international, sachant bien que la Fifa ne cautionne pas l’intrusion du politique dans la gestion du football, comment Moussa Ben Deka a pu embarquer dans un bateau d’illégalité ? C’est à dire le Comité de normalisation mis en place par l’ancien ministre des Sports, Housseyni Amion Guindo.
Sa réponse est on ne peut plus claire : “J’étais au bureau de l’ancien arbitre international Dramane Danté, quand j’ai reçu un coup de fil du ministre Housseyni Amion Guindo. Après avoir pris mes nouvelles, il me dit qu’un de ses conseillers m’appellera d’un moment à l’autre. Faudrait-il préciser que nous avons de bons rapports. Effectivement, son collaborateur m’a appelé pour dire je suis membre d’une commission. Sur le coup j’ai demandé qu’il m’envoie les textes y afférents. Les choses sont restées ainsi jusqu’à 19 où un arbitre m’appela pour me féliciter. Je tente de rentrer en contact avec Danté, et mon aîné Sidi Békaye Magassa, pour mieux comprendre. Malheureusement je ne les ai pas au téléphone. Mais comme une réunion devait se tenir le lendemain, donc j’avais l’occasion de mieux cerner tous les paramètres. Au cours de ladite réunion j’ai dit au ministre que sa démarche ne marchera pas parce que la Fifa réagira dans les heures qui vont suivre. En plus j’ai promis de m’engager si le Conor se proposait de concilier les deux parties. Ce jour-là rencontre s’est terminée en queue de poisson, à cause de mes déclarations. Lors de la deuxième rencontre, il a été question de rendre visite aux personnalités et leaders religieux. J’ai dit que je n’irai pas, parce que tous ceux-ci étaient là durant tout le temps de la crise. Encore j’ai alerté le ministre sur les conséquences de sa décision. A partir de cet instant, j’ai pris mes distances vis-à-vis des activités du Conor”.
Alors pourquoi Moussa Ben Deka n’a pas fait de déclaration officielle pour clarifier ses positions par rapport à un Comité de normalisation mort-né ? Faudrait-il y penser, répond l’ancien arbitre international.
Moussa Ben Deka est aussi un politicien. Sous les couleurs du RND, de l’URD et du PMDR de Cheick Modibo Diarra, il a été candidat aux trois dernières élections législatives. A quelques jours du dernier scrutin, il jeta l’éponge, parce qu’il ne pouvait pas confiner sa famille et exposer d’autres à la pandémie du coronavirus qui venait de frapper à notre porte. Pour la circonstance Ben officialisa son retrait par une conférence de presse. Comment il s’est d’ailleurs retrouvé dans le marigot politique ?
Question difficile à répondre pour lui, mais il est évident qu’en un moment donné il a muri l’idée d’être utile et de jouer un rôle dans son pays. A la lumière de ses connaissances et relations, il a migré dans la politique sans être un accroc. Moussa Ben Deka a même été conseiller communal pour le compte de l’URD. Une aventure qui s’est soldée par sa démission du parti, parce que le comité exécutif et la section de la Commune III n’ont pas réagi à sa correspondance par rapport au comportement de certains de ses camarades.
Dans sa logique de dénonciation de la gestion du maire, l’ancien arbitre international s’est mis sur le dos une large partie du conseil communal, acquise à la cause de l’édile. Parce qu’il s’était opposé à l’adoption du compte administratif.
Moussa Ben Deka Diabaté est marié et père de trois enfants. Dans la vie, il aime la lecture, la musique, le sport et il déteste le mensonge. L’homme a toute une panoplie de qualifications, entre autres, consultant en audit, consultant en plaidoyer, consultant en élaboration, montage, et gestion de projet, expert évaluateur Norme ISO vs 26000 dans les entreprises, etc.
O. Roger
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