Nous avons l’habitude d’écrire dans cette rubrique que la position géographique d’un athlète peut être un facteur négatif dans son ascension. Cette semaine nous avons rencontré un homme qui constitue une exception à cette règle. Son nom ? Moumini Berthé, ancien arbitre assistant international. De son Sikasso natal il s’est imposé dans l’arbitrage malien. Comment ? Ses nombreuses désignations pour les duels Djoliba-Stade, ses désignations multiples avec Koman Coulibaly sur le plan international l’attestent. Pourquoi est-il devenu arbitre ? Comment il est venu dans ce métier ? Comment il est devenu arbitre assistant ? Comment se manifeste la complicité entre un arbitre central et son assistant ? Est-ce possible qu’il y ait désaccord entre les deux ? Quelles peuvent en être les conséquences ? Et d’autres questions nous permettent de tout savoir sur la carrière de cet ancien arbitre international.
Moumini Berthé est professeur d’enseignement secondaire. Il est diplômé de l’Ecole normale supérieure, option histoire-géographie, en 1994. Après un an de vacatariat au lycée Askia Mohamed de Bamako, il passe au concours d’entrée à la fonction publique en 1997. De cette date à 2018, il enseigne au lycée de Sikasso. Présentement, il sert à la division recherches et formation de l’Académie de la troisième région. L’homme est marié et père de cinq enfants. Il a pris sa retraite d’arbitre en 2012 et va intégrer aussitôt l’administration du football. Il occupe les fonctions de président de la Commission des arbitres de la Ligue de Sikasso. Il est également instructeur et inspecteur d’arbitre. Aujourd’hui sa grosse déception au terme d’une riche carrière sur le plan international, est sa non participation à une phase finale de Can. Un brin fataliste, Moumouni Berthé soutient que tout ce qui arrive à l’homme découle de la volonté du bon Dieu.
Nonobstant cela, il a participé au tournoi Cabral de 2006 organisé par la Guinée-Conakry, officié la finale de la super Coupe de la Caf le 29 janvier 2011 entre le Tout Puissant Mazembe du Congo et le Fus de Rabat avec Koman Coulibaly. S’y ajoutent la 1/2 finale de la Ligue des champions qui a opposé El Hilal du Soudan à l’Espérance de Tunis, les finales de coupes du Mali à Sikasso en 2005, et à Kayes en 2007. Tout ce tableau luisant est soutenu par ses multiples désignations pour les éliminatoires de Can et de Coupe du monde.
C’est un ancien arbitre assistant international que nous avons connu de loin, à travers la radio et les gradins. Alors difficile de savoir les détails sur sa carrière. Mais lui-même sur notre insistance se livre à un auto jugement. “Mes qualités étaient basées sur la concentration, le sprint et la bonne condition physique. Cet aspect est déterminant pour avoir le même alignement que le dernier défenseur. Parce que la gestion du hors-jeu est la bête noire des arbitres assistants”.
Notre premier contact direct avec Moumini Berthé date de 2005, à la faveur de la finale de la Coupe du Mali jouée à Sikasso entre le Djoliba AC et l’ASB. La presse logée au stade Babemba Traoré est arrivée au même moment que le corps arbitral dirigé par Koman Coulibaly aux environs de 18 h. Un homme de taille moyenne se signale par des salutations amicales, perturbées par des jeunes qui lui servaient du “Bonsoir Monsieur”. Koman nous le présente comme son deuxième assistant pour la finale. Il profite pour lui dire de rester avec sa famille et de les rejoindre le lendemain matin à l’internat afin qu’ils fassent chemin ensemble pour le terrain.
La nuit l’ancien arbitre international que nous avons rejoint en ville dans une villa affectée aux arbitres nous apprend que Moumini Berthé enseigne au lycée et ce sont ses élèves qui le saluaient au moment de la présentation. Il était venu les accueillir au stade pour prendre des instructions de Koman par rapport à la conduite à tenir. C’est-à-dire dormir avec ses collègues ou pas ? Koman lui facilite les choses. Bref voilà ce que nous pouvons dire sur notre héros de la semaine.
La carrière de l’ancien arbitre international, Drissa Traoré dit Driboss originaire de Sikasso aurait pu inspirer Moumini Berthé pour le sifflet parce que celui-ci fut un grand arbitre sur le plan africain et mondial. Généralement dans les régions ou villages l’idolâtrie des cadets envers les ainés les conduit à emprunter les mêmes métiers. Ce n’est pas le cas pour notre héros de la semaine.
Difficile aussi d’affirmer qu’il a fait un saut dans l’arbitrage par le plus pur des hasards. A l’origine, il n’était pas préparé à exercer ce métier. Cependant, il a répondu à l’appel à candidature de la Ligue de football de Sikasso pour une formation de jeunes désireux de devenir arbitres.
Moumini Berthé passe ce test et devint arbitre district en 1998. Et le fait de ne pas avoir mûri l’ambition de faire carrière dans l’arbitrage n’a pas influé sur sa volonté de réussir. Aussitôt admis il commence à siffler les rencontres de 2e division, et des compétitions inter quartiers, surtout que la spécialisation n’était pas encore effective. Donc il s’est fait la main en tant qu’arbitre central et assistant jusqu’à sa désignation définitive comme arbitre assistant.
Un travail de concentration
Entre-temps, il gravit les échelons : arbitre de ligue en 2000, fédéral en 2003 et international en 2005. Comment il s’est retrouvé assistant alors qu’il a tous les atouts pour officier au centre ? Et qu’en est-il de la complicité entre un arbitre central et son assistant dans un match de football ?
Moumini répond : “La spécialisation ne dépend pas de la volonté de l’arbitre, mais plutôt de l’appréciation de la Commission centrale des arbitres lors des examens de passage de grade. Actuellement, la gestion de la complicité est facile avec l’utilisation des micros. Sinon auparavant c’est le contexte visuel, le coup d’œil du central à l’assistant au départ et à la fin de l’action. Ce qui lui permet de ne pas rater les signaux. Sinon trois signaux ratés sont assimilables à une mauvaise collaboration. Or l’arbitrage est un travail collégial. Le désaccord arrive rarement dans un match de football entre les arbitres. Et si c’est le cas, il peut dégénérer en conflits. Cette incompréhension peut s’expliquer aussi par le manque de concentration de l’arbitre assistant. Or il est responsable d’un drapeau de coin à l’autre bout. Dans cette zone le central doit se plier aux décisions de son assistant”.
La corruption et l’arbitrage ? A tort ou à raison elle est monnaie courante dans le secteur. Cela est d’autant plus plausible que l’environnement footballistique ne peut apporter le moindre démenti. Sur la question Moumouni Berthé n’a aucune retenue pour confirmer une réalité. Mais pour son cas précis il se dit serein de ne jamais été approché ni au Mali, ni à l’extérieur. D’ailleurs la mine serrée de son visage fait de lui un homme à craindre. Bref, il n’a pas vécu de tentative de corruption durant sa carrière.
Le riche parcours de l’enfant du Kénédougou est aussi lié à de bons souvenirs notamment les deux matches internationaux cités plus haut. Les mauvais souvenirs sont au nombre de trois : un derby Marocain officié par un trio malien (sur demande de la Fédération royale marocaine) a souffert du froid qui était de 6 degrés, aussi cet autre match entre le Libéria et l’Ethiopie où les images d’enfants soldats armés à Monrovia l’ont déboussolé et enfin l’attaque dont l’hôtel des arbitres a fait l’objet de la part des rebelles au Congo.
O. Roger Sissoko