Dans notre dernière parution de l’année 2020, marquée par le passage d’Oumar Traoré dit Barman dans la rubrique “Que sont-ils devenu ?”, nous parlions des ailiers de métier pour magnifier les qualités de l’ancien joueur du Djoliba. Parmi les ailiers de métier il y a Mohamed Koné, ancien international du Club olympique de Bamako (COB). Son talent le conduira plus tard dans d’autres équipes. Il a intégré l’équipe nationale en 1985, à un moment où l’entraîneur national Kidian Diallo avait de la peine à faire sa sélection définitive. Tous les joueurs étaient bons, le choix était difficile. C’était l’apogée des Idrissa Traoré dit Poker, Abdoulaye Kaloga, Bréhima Traoré, Seydou Diarra dit Platini, Bakary Diakité, Yacouba Traoré dit Yaba, Papa Coulibaly, Karamoko Diané, Boubacar Traoré dit Artiste, Fagnery Diarra, Drissa Konaté dit Driballon, Ousmane Doumbia dit Man, Adama Traoré dit Adama Boxeur, etc. Mieux le Djoliba, le Stade malien et l’AS Réal pouvaient, chacun, fournir l’ossature de l’équipe nationale au moins à 70 %. Car ils avaient tous un effectif homogène et de qualité. Généralement, Kidian, à la veille du voyage, libérait les joueurs de l’internat et chacun devait être collé à un transistor le soir pour connaître son sort. A tous les coups, le jeune Mohamed Koné était retenu. A l’époque, le jeune pied gauche magique éprouvait la grande forme, et son statut d’ailier gauche attitré le favorisait davantage. Surtout que Mamadou Coulibaly dit Benny de l’AS Réal amorçait le virage de la retraite. Venu fraîchement de Sikasso il a créé la sensation à Bamako et finira par être la convoitise des grands clubs. C’est le Djoliba qui réussit à le débaucher du COB, au prix d’une action judiciaire. Comment Mohamed Koné a rejoint Bamako ? Quels furent ses débuts ? Son parcours ? Dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, nous avons retrouvé l’un des joueurs les plus talentueux de sa génération.
L’ancien international du Djoliba Seyba Coulibaly qui vit actuellement en France, a l’habitude de dire qu’il n’y a pas de bon défenseur, mais de mauvais attaquant parce que, pour lui, un attaquant est censé avoir les qualités requises pour déstabiliser n’importe quelle défense. Ceci nous amène à affirmer qu’un de ses cadets Mohamed Koné a confirmé ce postulat toute sa carrière durant.
Notre héros du jour est en effet un ailier gauche explosif, soutenu par l’accélération, la vivacité, la puissance sur une courte distance. Il avait la technique suffisante pour éliminer son vis-à-vis, pour concrétiser l’objectif final : faire une passe décisive ou marquer un but. Dans l’une de ses œuvres lors du tournoi Amilcar Cabral à Banjul en 1985, le doyen feu Demba Coulibaly a failli écraser le micro tant il a crié.
Que s’est-il passé ? Sur un centre au cordeau de Mohamed Koné, Seydou Diarra dit Platini coupe la trajectoire du ballon par un puissant coup de tête qui bondit sur la barre transversale. L’émotion et la passion de notre aîné s’expliquaient par deux phases successives anthologiques : le geste technique de l’ailier gauche pour dérouter le latéral droit cap verdien, la promptitude et le jaillissement de l’avant-centre (Platini) qu’il aimait le plus. Pour être précis, Mohamed Koné était un animateur de l’attaque du COB et des Aigles. Une qualité qui a fait de lui la priorité des grands clubs.
Sinon, c’est l’Espoir de Bougouni qui l’a vu grandir dans son adolescence, avec des atouts techniques prémices de lendemains enchanteurs.
Admis au DEF en 1980, il est orienté à l’Institut pédagogique d’enseignement général (Ipeg) de Sikasso, une zone où il n’était pas un novice. Les dirigeants du Stade malien local qui ont appris son orientation à la radio, posèrent très tôt les sillons de son enrôlement. Milieu dépositaire, l’enfant de Bougouni s’impose comme une étoile montante, qui malheureusement créera une surprise désagréable. Il abandonne les études en 2e A, retourne dans son fief natal pour gérer la fourrière du cercle.
Au début de la saison 1984-1985, il est démarché par les dirigeants du COB. Compromis arrêté avec les Olympiens : un emploi dans une imprimerie, une moto de marque Piaggio. Sa carrière va prendre un bol d’air dans ce club d’intellectuels, décidés à mettre les joueurs dans les bonnes conditions avec les moyens de bord.
En tant qu’ailier gauche, il ne se souciait pas de ce qui pouvait lui arriver en s’attaquant aux grandes équipes. Seule sa volonté de démontrer son savoir-faire avec le ballon comptait, et rien n’entravait ses chevauchées sur son flanc au terme de dribbles éliminatoires. Ce cran face au Djoliba ou au Stade malien de Bamako favorise sa sélection en équipe nationale. Et c’est Sadia Cissé qui lui notifie dans les vestiaires sa convocation pour la préparation du Tournoi Cabral de Banjul, édition 1985.
L’ancien international du Djoliba était à l’époque le directeur technique national. Il venait d’être témoin d’une prestation remarquable de Mohamed Koné contre les Rouges de Bamako en match de championnat. Le lendemain, il entend son nom sur les antennes de Radio-Mali, dans l’émission Mondial Sport.
“A l’époque comment la convocation d’un jeune de Bougouni en équipe nationale pouvait ne pas créer une émotion ? Je prenais le dîner chez un dirigeant du COB à Bamako-Coura quand feu Demba Coulibaly annonçait la liste des Aigles pour le Tournoi Cabral. Je suis resté inerte pendant un bon moment avec le film de ma vie de Bougouni à Bamako en passant par Sikasso défilant dans mon esprit. Soudain je décidai de rentrer à la maison. Tellement j’étais encore ému j’ai rejoint mon logement à Bolibana en footing. Et là j’ai pris du thé avec mes amis jusque tard dans la nuit pour fêter à notre manière cette sélection en équipe nationale. Mais comment être titulaire dans un groupe de vedettes ? Cette problématique entrecoupera mon sommeil dans la nuit”, s’exclame-t-il.
A partir de ce premier coup d’essai, Mohamed Koné n’a plus quitté l’équipe nationale, pour les éliminatoires de la Can de 1986, la Coupe Cédéao et le Tournoi Cabral joué à Dakar en 1986.
Guéguerre COB-DAC
Son projet de transfert en gestation sera finalement mis en œuvre par le Djoliba au détriment du Stade malien de Bamako. De passage en moto devant la BIAO, Aly Koïta dit Faye l’arrête et lui conseille de donner bonjour à Karounga Kéïta dit Kéké. Il est appâté par la somme de 20 000 F CFA comme prix de carburant. Au moment de se quitter, le dirigeant djolibiste lui propose un transfert, et les tractations ont pris de l’allure quelques heures après cette entrevue.
Mohamed Koné signe au Djoliba contre un emploi et une moto de marque Econo-Power. Conséquence immédiate de ce transfert : l’assignation du Djoliba en justice. Les dirigeants olympiens ont soutenu avoir beaucoup investi pour Mohamed Koné. Donc en aucune manière celui-ci ne peut quitter leur club sans coup férir. A l’issue d’un jugement au Tribunal de la Commune III, selon Mohamed Koné, le Djoliba est condamné à payer 2 millions de F CFA, 20 ballons, 22 paires de crampons et 2 jeux de maillots.
Au Djoliba, il a passé trois saisons (1986-1989), lesquelles ont enregistré un titre de champion (1988), trois finales de Coupe du Mali toutes perdues (1986, 1988, 1989). En 1989, victime d’une blessure à la hanche, Mohamed Koné connait une hibernation au profit du jeune N’Faly Kanté, fraîchement revenu de la Coupe du monde junior. Il n’a pu retrouver sa place, et la solution alternative résidait dans un transfert. Il atterrit au Sigui de Kayes pour deux ans (1990-1992), avant de profiter de la campagne lancée par les autorités militaires pour renforcer l’Usfas.
C’est dans ce club qu’il prend sa retraite footballistique en 1998 pour être encadreur, à sa sortie de l’Institut national de la jeunesse. L’année suivante, il a encadré (1999-2000) la 18e promotion de la gendarmerie. Après cette aventure Mohamed Koné sert de 2001-2005 à Ségou, Goundam de 2005 à 2009, Mopti (2009-2011), Markala (2011-2016), Gao (2016-2020). Il a été affecté en 2020 à Kayes.
Les bons souvenirs de Mohamed Koné sont : sa première sélection en équipe nationale, son premier match en Coupe Cabral contre le Cap Vert, et le Tournoi de l’amitié à Conakry où le Djoliba a perdu en finale contre le Hafia Football Club.
Quant aux mauvais souvenirs, il retient son agression par des jeunes à la veille d’un derby contre le Stade malien. Il venait du domicile de Kéké à la Cité des joueurs, quand des jeunes l’ont lapidé jusqu’à provoquer une blessure sur la tête, l’élimination des Aigles par les Eléphants de Côte d’Ivoire en 1985, sa blessure qui a entravé sa carrière internationale et un contrat en Italie.
Dans la vie, il aime sa famille, l’élevage, la promenade en brousse. Il déteste l’injustice. Adjudant-chef de gendarmerie, Mohamed Koné est marié et père de cinq enfants, dont trois filles.
O. Roger
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