Aïssata Cissé (ancienne journaliste de Radio Mali), Bréhima Traoré dit Allah Ka Bourama (ancien international du Djoliba) et Ousmane Farota (ancien gardien de buts de l’AS Réal, du Stade malien de Bamako et des Aigles) sont les fidèles lecteurs de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Ils ne cessent de nous appeler pour faire des observations sur la plume et donner des conseils. Eu égard à leur parcours et à leur statut, ne sont-ils pas de héros potentiels de cette rubrique ? Bien sûr que oui. Dommage qu’ils déclinent toujours de façon courtoise nos multiples sollicitations. Heureusement qu’ils proposent toujours d’autres acteurs très valables à leur place. C’est le cas de notre héros du jour. C’est Allah Ka Bourama qui nous a orientés avec insistance vers le vieux Mamadou Traoré, ancien joueur de l’Aigle Noir du Soudan français, ancien entraineur adjoint des Jeux africains de Brazzaville en 1965, ancien directeur technique national de la Fédération malienne de football, ayant accompagné l’équipe à la CAN de Yaoundé 1972, où le Mali de Kidian Diallo et Cheick Fantamady Kéïta s’est incliné en finale face au Congo de M’Bono le Sorcier et François M’Pelé. Le doyen Traoré nous a reçus dans une atmosphère conviviale chez lui à N’Tomikorobougou à la Cité des joueurs. Mamadou Traoré est un vieux bien organisé, avec, apparemment, un programme qu’il respecte à la lettre. Nous avons coïncidé, ce jeudi 2 mai 2019, avec l’heure du petit déjeuner, où une bonne alimentation dosée et adaptée à son âge est installée par son épouse, Mme Traoré Aïssata Sidibé dite Aïda. C’est un vieillard de 88 ans qui nous a relaté, dans les moindres détails, ce qui s’est passé aux Jeux Africains de Brazzaville où le Mali a été battu en finale par le Congo, au nombre de corners. Quel coup dur ! Ce règlement n’était-il pas injuste ? Comment la délégation malienne a-t-elle vécu cette situation ? Est-ce qu’il est venu à l’idée d’attaquer ce règlement pour sauver dans l’avenir d’éventuelles victimes ? Quelle a été la réaction des autorités maliennes au retour de la délégation ? Mamadou Traoré, en bon pédagogue, donne des mots justes pour recadrer certains passages des deux premières pages de l’histoire du football malien.
Né en 1931 à Bamako, contrôleur des Postes et Télécommunications (PTT), il est sorti de la vieille école avec un niveau moyen. C’est plutôt dans l’apprentissage du coran qu’il s’est distingué, en devenant un as. Devenu un talibé à la voix d’or, qui récite le coran à main levée, ses maîtres ont mûri l’idée de l’amener à Touba, dans le cercle de Banamba, pour approfondir ses connaissances. Refus catégorique de son père. Quelques mois après, apprenti menuisier et footballeur à ses temps libres, Mamadou rejoint son grand frère au Sénégal.
Dans l’équipe de l’AOF !
A Dakar, il évolue au FC Foyer France Sénégal (actuel Jaraaf, suite à sa fusion avec l’Espoir de Dakar) jusqu’à son retour au bercail en 1953. Les dirigeants de l’équipe vedette du quartier populaire de Bamako Coura, Aigle Noir, ne perdent pas de temps pour le contacter. Evoluant dans l’axe central, il contribue à renforcer le bastion défensif du club. La même année, il est sélectionné dans l’équipe d’Afrique Occidentale Française (AOF) avec les Ben Oumar Sy, N’Faly Kanouté, Massa Djibril, Makan Kouyaté. A la suite de cette campagne, Mamadou Traoré est recruté contre sa volonté par les services des PTT.
Comment cela est-il arrivé ? Quelles étaient les motivations de cette décision de l’administration des postes ?
Le doyen se rappelle : “Le but recherché des responsables du service des PTT n’était autre que mon débauchage de l’Aigle Noir pour renforcer leur équipe, dans le cadre des éliminatoires régionales de la coupe d’AOF, qu’elle a même remportée après mon arrivée. Donc pour me motiver, les responsables m’ont proposé un recrutement avec le grade de contrôleur des PTT. J’ai décliné l’offre sans état d’âme.
Drissa Diarra, secrétaire politique de l’US-RDA a informé mon père de tout ce qui s’est passé. Sur la question, mon père a été intraitable. C’est-à-dire qu’il n’a pas répété deux fois ses instructions. Voilà comment j’ai été recruté pour servir comme contrôleur des PTT, et pour renforcer l’équipe”.
Dès lors, Mamadou Traoré est employé des PTT avec lesquels il joue et remporte la coupe d’AOF des AS-PTT en 1955. Il est en plus un élément incontournable de la sélection du Soudan, pour les compétitions de l’AOF.
En 1961, il bénéficie d’une bourse d’entraineur en Allemagne. Ce choix porté sur sa personne était un honneur à exploiter. En effectuant le déplacement de l’ex-RDA, Mamadou Traoré était convaincu d’une chose : servir le football de sa mère patrie au lendemain des indépendances en Afrique. Il est resté collé aux actualités sportives et culturelles du Mali que les nouvelles autorités, et plus précisément le président Modibo Kéïta, s’affairaient à mettre sur de nouveaux rails. Et, c’est à juste titre qu’il est nommé à son retour, en 1962, comme entraineur adjoint de l’équipe nationale de football du Mali.
Deux défaites historiques
Son patron Ben Oumar Sy ne s’empêchait de l’utiliser parfois comme joueur, parce qu’il était encore solide pour tenir main forte à une défense en difficulté. En plus de cette double casquette, il est aussi chargé de former les entraineurs locaux à Kayes, Ségou, Mopti, Tombouctou. Le duo Ben Oumar Sy et Mamadou Traoré conduit les destinées de l’Equipe Nationale pour les éliminatoires de la Coupe Kwamé N’Krumah, celles des Jeux des Forces Montantes en Indonésie en 1963. Des joueurs comme Cheickna Traoré dit Kolo National, Ousmane Traoré dit Ousmanebleny, Abdoulaye Diawara “Blocus”, Kidian Diallo, Yacouba Samabaly dit Calin, Abdoul Karim Touré “Bakoun”, Abdoulaye Traoré ” M’Baye élastique “, Seydou Daw dit Petit Daw, Bakaridjan Samaké et autres constituaient la première génération de l’équipe nationale du Mali, juste après l’indépendance.
Après sa défaite en finale de la coupe d’or Kwamé N’Krumah en 1963, face au Ghana, l’équipe malienne reste soudée jusqu’aux premiers Jeux Africains de Brazzaville en 1965. C’est le premier fait d’armes remarquables, qui se termina avec un gout d’inachevé.
Que s’est-il passé ?
Le Mali, logé dans le groupe A, s’est classé 1er avec 4 points, 8 buts marqués et 4 encaissés. En demi-finale, il élimine l’Algérie, sur deux coups de patte de Yacouba Samabaly et de Karounga Keïta dit Kéké. Le 25 juillet 1965 marque un tournoi décisif dans l’histoire du football malien. Le temps règlementaire et les prolongations sont sanctionnés par un score vierge. Mais notre pays est éliminé par corners 7 à 2. Quel coup dur !
Ce règlement n’était-il pas injuste ? Comment la délégation malienne l’a vécu ? Est-ce qu’il est venu à l’idée d’attaquer ce règlement pour sauver dans l’avenir d’éventuelles victimes ? Quelle a été la réaction des autorités maliennes au retour de la délégation ? L’entraineur adjoint au moment des faits donne des explications sur les faits : “Ce règlement, connu et accepté par tout le monde, était loin d’être injuste, comme vous le pensez aujourd’hui. L’affaire n’a pas été tranchée selon la tête du client. Seulement, le Mali a manqué de chance.
Nous l’avons vécu avec amertume, mais ce n’était pas la fin du monde. Nous pouvions aussi gagner par corners. Si c’était le cas, serions- nous d’accord qu’on attaque devant la CAF ledit règlement ? Je n’ai pas eu connaissance d’éventuelles remontrances des autorités par rapport à la défaite de l’équipe nationale. C’est au niveau de la Fédération qu’une auto critique à l’interne a eu lieu. Ce qui était tout à fait normal.”
Deux entraineurs se succèderont à la tête des Aigles au lendemain des Jeux Africains de Brazza, le Hongrois Georges Toth et l’Allemand Karl Heinz Weigang. Celui-ci a eu l’honneur de qualifier le Mali à une phase finale de CAN en 1972 à Yaoundé, au Cameroun, où notre héros assurait la Direction technique.
Pour parler de ce second faux pas de notre équipe nationale, Mamadou Traoré analyse la défaite des Aigles en tant que technicien. Il ne la considère pas comme un échec, parce qu’ils n’étaient pas favoris avant la compétition. La CAN de Yaoundé 72 est un incident de parcours, soutient-il. Handicapée par la blessure de l’un des piliers de la défense, en la personne de Cheickna Traoré dit Kolo, et surtout la sortie prématurée de Salif Keïta, lui aussi atteint à la cheville, l’équipe nationale du Mali doit comprendre qu’elle a manqué de chance. Sinon …Une deuxième page noire de l’histoire du football malien se referma ainsi, et continue d’être un repère pour les différentes générations de l’après indépendance.
Notre héros du jour a quitté le poste de DTN, non pas parce qu’il a été limogé, mais il prend les rênes du Club Olympique de Bamako (COB). Avec des jeunes (dont la plupart était des étudiants) comme Moussa Konaté, Seydou Traoré dit Saint Clair, Salia Diakité, Mamadou Fané, Jo Cuba, Ben, il fait qualifier le COB à la 13ème édition de la coupe du Mali. Finale de coupe remportée par le Djoliba.
Mamadou Traoré, après cette finale, quitta pour de bon le monde du football, avec des bons et des mauvais souvenirs. Lesquels ? Le vieux Traoré les énumère : “Avec l’âge, il n’est pas facile de tout retenir, mais certains événements s’effacent difficilement. Je pense encore aux victoires de l’équipe du Soudan contre la Guinée Bissau en 1954, de la J.A et des AS-PTT en coupe d’AOF en 1955. Sur la même lancée, les défaites de l’équipe nationale aux Jeux Africains de Brazza de 1965, et à la CAN de Yaoundé 1972, coupent encore mes moments de sommeil à chaque fois que j’y pense. La finale perdue du COB contre le Djoliba par le score de 2 buts à 0, qui aurait dû être le couronnement de mes efforts est aussi un de mes mauvais souvenirs”.
Après son retrait du football, il s’est intéressé au Jeu de dame et à la pétanque.
Il faut cependant signaler que nous avons été marqués par le cri de cœur du vieux Mamadou Traoré. Certains, à son âge, sont atteints d’amnésie ou manquent de lucidité pour analyser une situation. Mais lui constitue une exception. Malgré son âge très avancé, il a un souci : l’avenir du football malien.
Au tout début de notre entretien, il a commencé par condamner les divergences entre les dirigeants, qui prennent le football et l’avenir des enfants en otage. Le vieux Mamadou Traoré a aujourd’hui 88 ans, avec 7 enfants. Il consacre son temps aux prières et informations.
O. Roger SISSOKO
…BRAVO AU VIEUX FAAROH…
Bonjour
Tout ça pour du sport?
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