A l’occasion du 8-Mars qui consacre la journée internationale des droits des femmes, la rubrique “Que sont-ils devenus ?” a rencontré Hadjaratou Cissé, ancienne secrétaire particulière de la Fédération malienne de football. Elle a servi notre sport roi pendant quarante un ans. Pour son cas précis, le directeur de publication a donné des instructions, il a insisté et a fini par instruire au rédacteur en chef de prendre des dispositions urgentes, pour faciliter notre déplacement. Vu que la distance est longue. La vieille loge à Sirakoro Méguétana. Bref, pour l’une des rares fois, Alou Badara Haïdara s’est impliqué dans l’animation de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” A notre question de savoir ce qui peut expliquer sa forte implication, il soutint que la vieille Hadjaratou Cissé est une secrétaire qu’il a connue, et côtoyée à travers ses visites à Malifoot. Mieux il a indiqué que sa discrétion au tour des dossiers a évité des scandales, sinon de sauver le football malien. Avec de telles affirmations, nous n’avions aucune excuse pour ne pas rencontrer cette secrétaire particulière exceptionnelle. Elle n’a pas fait de hautes études de secrétariat, pour se démarquer durant sa carrière. Elle est plutôt le fruit de la vieille école des premières heures années de l’après indépendance. Comment elle a intégré la Fémafoot ? Quelles furent ses difficultés ? Hadjaratou Cissé était tellement bien inspirée que l’interview n’a pas duré une heure de temps. Elle a tout dit. Les détails !
Le doyen Mamadou Doumbia dit l’Homme de Radio Kledu est un ancien international de basket-ball, ancien arbitre international, instructeur permanent de Fiba-Monde, et aujourd’hui grand animateur de Radio Kledu. Lors de son passage dans la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, il a tenu des propos émouvants, pathétiques. Il a fait les déclarations suivantes : “Roger, vous avez déjà dit tout ce que mes enfants, mes parents devraient entendre le jour de mon décès ou de mon enterrement”.
Cela nous a au contraire attristés parce qu’il est une icône. Et savoir que lui-même pense à la mort pendant que nous prions toujours le bon Dieu afin qu’il lui donne encore une longue vie, n’était pas chose aisée. Ce rappel pose une problématique : doit-on attendre la mort d’un grand pour parler de ce qu’il a été ? Non ! L’homme se réjouira toujours d’apprendre que son vécu a été utile.
“Que sont-ils devenus ?” s’inscrit dans cette logique. C’est fort de ce constat que notre directeur de publication a conclu que la rubrique risquerait d’être jugée par le Tribunal de l’Histoire, si elle ne s’intéressait pas cette ancienne secrétaire de la Fémafoot, Hadjaratou Cissé.
Elle était une secrétaire qui avait la capacité d’organisation et de gestion des courriers. En plus du sens de la confidentialité, elle avait également le sens du contact parce qu’elle était en jonction permanente avec tous les acteurs du football malien. Voilà comment elle s’est adaptée à tout le monde : aucun dossier n’a fuité sous sa responsabilité, elle ne rendait compte qu’à son chef hiérarchique.
Le dirigeant sportif surpris par cette discrétion lâcha : “Je te renouvelle ma confiance, tu es une vraie secrétaire”. Elle est fière d’affirmer que le football malien lui a tout donné. C’est pourquoi elle se fait un gros souci présentement ; à savoir : la qualification du Mali à la prochaine Coupe du monde. C’est l’occasion de rappeler que le Mali compte pour nous.
Pour la circonstance, elle ne cesse d’implorer dans ses prières le bon Dieu, pour une qualification historique des Aigles.
L’ancien secrétaire général et ex-président de la Fémafoot, Amadou Diakité, la définit comme la mémoire de l’institution. Parce qu’elle a vu passer plusieurs présidents et secrétaires généraux.
Calme, discrète, Hadjaratou Cissé a tous les atouts que l’on recherche chez une bonne secrétaire. Ce qui explique sa longévité à la Fémafoot. Selon Amadou il est fréquent de constater que chaque responsable renouvelle son staff, à commencer par sa secrétaire. Mais avec elle, c’est le contraire qui s’est toujours produit. En un mot, il l’étiquette “secrétaire modèle”.
Le destin la conduit dans cette administration à un moment où elle ne s’y attendait pas du tout. Et tous ceux qui ont fait au moins un tour à la Fémafoot se souviendront de cette vieille dame très calme, toujours occupée à faire son travail. Le récit de sa vie suffit pour comprendre que son comportement traduit la bonne éducation reçue dans son Sikasso natal. L’amour pour le métier de secrétaire n’explique pas pourtant une ambition qu’elle s’est fixée pour l’exercer. Elle n’a rien forcé, tel le parcours d’un certain Dioncounda Traoré ancien président de la République par intérim, les portes se sont ouvertes de façon naturelle pour forger son avenir et son devenir.
Inscrite à l’école en octobre 1963, elle est placée sous la tutelle de sa grand-mère à N’Gana. Au décès de celle-ci, en 1967, elle transféra chez une tante pour la fin du premier cycle, avant d’obtenir le DEF en 1973 à Kignan. Orientée au Centre de formation professionnelle (CFP), Hadjaratou Cissé n’effectue pas le déplacement sur Bamako.
Un parcours du combattant
Dans la capitale les conditions d’hébergement n’étant pas réunies, ses parents optèrent pour un plan B, les cours Nochi pour une formation de deux ans en dactylographie. Munie de son diplôme en 1976, elle débarque à Bamako pour un stage de perfectionnement à l’Ocinam. Le temps passé à ce niveau ne débouche pas sur un recrutement. Hadjaratou décide de changer de cap et atterrit à l’Institut national pédagogique (IPN) pour un bénévolat. Tout part de là. D’où nous révélerons que son histoire n’est pas longue et n’entretient pas trop sur des faits marquants ou extraordinaires.
Elle n’est pas non plus banale, mais nous enseigne que le bon comportement peut tout donner. Comment ?
Hadjaratou Cissé le démontre dans ses propos : “Je faisais le bénévolat à l’IPN pendant longtemps. Le directeur, l’ex-Premier ministre feu Modibo Kéita, a fini par m’accorder une prime forfaitaire mensuelle. Il arrivait aussi que la secrétaire particulière du chef du personnel du ministère de l’Education nationale me fasse appel pour tenir le secrétariat pendant ses absences. C’est dans ce contexte que j’ai eu de très bons rapports avec Awa Gakou. Un jour de mars 1979, elle m’a remis un bout de papier pour Mohamed Macalou, en son temps secrétaire administratif de la Fémafoot.
J’en ignorais le contenu, mais quand Macalou m’a immédiatement mise à la tâche derrière une machine, j’ai compris de quoi il s’agissait. De commun accord avec le Ségal de la Fédération, feu Cheick Kouyaté, Mohamed Macalou m’accorda une période d’essai de trois mois. Leurs compliments à mon égard ont facilité ma situation. Ils m’ont envoyée à l’Office national de la main d’œuvre pour un test écrit, dont les résultats furent expédiés en courrier confidentiel.
Le 1er juin 1979, j’ai été officiellement recrutée à la Fédération malienne de football. J’étais d’ailleurs la seule secrétaire jusqu’en 1992. Date à laquelle le Ségal Tidiane Niambélé m’a demandé de trouver une autre secrétaire. J’ai contacté Fatim qui est aussi devenue une bonne assistante de bureau”.
Hadjaratou Cissé a passé 41 ans à la Fémafoot. Normalement elle devait faire valoir ses droits à la retraite en décembre 2015. Seulement à cause de la grave crise qui a secoué notre football, le processus a traîné. Les dirigeants avaient d’autres chats à fouetter, que de s’occuper de la gestion administrative du personnel d’appui. En mars 2020, elle profitera du congé occasionné par la Covid-19 pour prendre sa retraite. Durant sa carrière, Hadjaratou Cissé soutient qu’elle n’a jamais eu de problème avec qui que ce soit, fusse-t-il un incident de parcours. Mais deux faits l’ont marquée. Le premier qu’elle qualifie d’incompréhension l’a opposée à un confrère de radio.
A l’époque Hadjaratou gérait les secrétariats du président et du Ségal. Le journaliste qui voulait voir le Ségal au pied levé, n’a pas apprécié les directives de l’enfant de Sikasso. Et il est allé à la radio pour couvrir la bonne dame de propos discourtois. Cela lui a fait mal, elle n’a pas réagi, et demanda même à ses enfants de savoir raison garder. Hadjaratou dit avoir été éduqué dans ce sens. Pour elle, l’accueil est important dans un secrétariat. C’est le principe fondamental de notre société.
Autre fait qui l’a pratiquement traumatisée, la crise du football, qui a créé une ambiance délétère. En sa qualité de secrétaire particulière, elle doit être au service de tout le monde. Ce qui fait qu’elle avait tendance à marcher sur des œufs. Cependant, elle soutient n’avoir pas compris que des dirigeants d’un même football s’entre-déchirent.
Sinon à la Fédération l’incompatibilité d’humeur est fréquente lors des réunions de bureau. Au bout du fil les sanctions tombent, sous la forme de moutons, poulets imposés par les aînés aux cadets. Elle ne retient que de bons souvenirs pendant sa carrière à la Fédération : la bonne relation avec tous les acteurs du football malien, les cadeaux (maillot, survêtement), l’accompagnement lors des fêtes et autres événements sociaux. Hadjaratou ne veut pas se rappeler de mauvais souvenirs, parce qu’ils risquent de tâcher sa longue et riche carrière à la Fémafoot.
Dans la vie elle aime la bonne entente, la sincérité, et déteste la diffamation, le mépris.
L’ancienne secrétaire est veuve, et mère de deux garçons.
O. Roger
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