Que sont-ils devenus… Fernand Coulibaly : retour sur la vie du buteur d’El Mensah !

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L’homme a inscrit son nom en lettres d’or dans les annales du football malien, en inscrivant le 1èr but des Aigles en match d’ouverture de la CAN de Tunisie 1994 après vingt-deux ans d’absence sur la scène internationale. Les Tunisiens qui ont investi des millions d’euros dans l’organisation de l’Ă©vĂ©nement sont cueillis Ă  froid par un outsider. Ce but (pourtant son seul de la compĂ©tition) a fait de lui un gĂ©nie. Cet homme qui avait brisĂ© les espoirs du pays hĂ´te s’appelle Fernand Coulibaly. Il est le hĂ©ros de la semaine pour la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Le public malien a dĂ©couvert ce Franco-malien quelques annĂ©es plutĂ´t, en 1991, Ă  la faveur des Ă©liminatoires de la CAN de SĂ©nĂ©gal 1992.  ConvoquĂ© en Ă©quipe nationale par l’entraĂ®neur Kidian Diallo, il n’a pu jouer les deux dernières rencontres contre la Sierra Leone et le Cameroun. La raison est toute simple : Fernand avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© avec les cadets de la France. Le cas des binationaux est finalement tranchĂ© Ă  la veille de la CAN de Tunisie 1994. L’entraĂ®neur feu Mamadou KeĂŻta dit Capi ne pouvait rĂŞver mieux. Contrairement Ă  beaucoup de nos expatriĂ©s binationaux, Fernand Coulibaly parle un bambara  correct, comme l’a soulignĂ© dans le temps Papa Oumar Diop de l’ORTM. La rubrique “Que sont-ils devenus ?” a pu retrouver les traces de l’ancien Aigle. Pour le bonheur et les bons et vieux souvenirs !

Certes il est petit de taille, mais Fernand Coulibaly Ă©tait un joueur de talent, et pĂ©tri de qualitĂ©s qui ont fait de lui un grand attaquant du Mali et d’Afrique. Il avait la latitude de dĂ©saxer n’importe quelle dĂ©fense, juste par un jeu de reins, juste par un mouvement de corps, juste par un contrĂ´le, juste par une circulation de balle. Il avait de la vivacitĂ©, de la pĂ©nĂ©tration, des dribbles chaloupĂ©s. Ses passements de jambes crĂ©aient des brèches  et mettaient dans le vent n’importe quel adversaire d’en face.

L’Ă©motion du Parc des Princes !

C’Ă©tait un joueur dotĂ© du sens du placement et du dĂ©placement, et qui savait lire la trajectoire de la balle. En Europe, certains observateurs ont l’habitude de dire qu’il joue au chat et Ă  la souris avec la balle. C’est-Ă -dire que Fernand avait du plaisir Ă  jouer pour lui-mĂŞme, et faire du spectacle pour tout le monde. Il Ă©tait tellement rapide, qu’il savait dribbler dans un mouchoir de poche. Bref, il Ă©tait un joueur multidimensionnel en termes d’atouts techniques.

Parti en France pour des raisons de famille en 1980, Fernand Coulibaly est passé par le centre de formation du FC Laval, au détriment du RC Lens, parce que les Lavallois donnaient plus de chances aux jeunes.

Cadet en 1986, performant avec le statut de meilleur buteur du championnat national cadet, il est naturalisĂ© Français en une semaine. Le but recherchĂ© Ă©tait son dĂ©barquement Ă  Clairefontaine, oĂą les cadets français Ă©taient internĂ©s. C’est dans ce temple des stages bloquĂ©s des diffĂ©rentes Ă©quipes nationales que Fernand Coulibaly rencontre des camarades de catĂ©gorie comme Christophe Dugary, Pascal Nouma, Pedros, Nicolas et le grand Zinedine Zidane.

Meilleur buteur de sa catĂ©gorie, titulaire au FC Laval, sa sĂ©lection parmi la soixantaine de jeunes, ne faisait l’objet d’aucun doute. Fernand lui-mĂŞme confirme sa sĂ©rĂ©nitĂ© au moment du rĂ©sultat final, qui consacra la publication d’une liste de 20 joueurs. La fin de cette Ă©preuve coĂŻncida avec celle de la CAN oĂą certains cadres du FC Laval laissèrent des plumes. Le temps de les rĂ©cupĂ©rer, l’encadrement technique puise dans la catĂ©gorie des jeunes. Et Fernand est appelĂ© le matin pour l’informer de sa convocation au match contre le Paris Saint Germain au Parc des Princes. Quel coup de tonnerre dans son cĹ“ur ! Ses pieds ont tremblĂ© en pensant au grand stade parisien et contre des internationaux français.

L’entraĂ®neur Lavallois a bien fait de dissiper son Ă©motion et sa peur en insistant sur sa jeunesse. Autrement dit, il n’avait rien Ă  perdre, et quelle que soit sa prestation face au PSG, son âge le sauverait ou le propulserait au-devant de la scène. C’est exactement ce qui s’est passĂ©. Fernand n’a jouĂ© que vingt minutes. Ce temps de jeu a suffi pour qu’il crĂ©e la sensation par sa vivacitĂ© sur le flanc droit, et dans l’axe. Le lendemain, le journal français, France Foot, titre sur “les bĂ©bĂ©s lavallois”. Comme pour dire que le centre de formation du FC Laval a laissĂ© des tâches indĂ©lĂ©biles Ă  son coup d’essai. Il n’en fallait pas plus pour que l’encadrement technique maintienne Fernand Coulibaly dans l’Ă©quipe A.

Laval-Brest-Saint Etienne…

Pour son jeune âge, il est parfois utilisĂ© comme joker pour supplĂ©er le Camerounais François Omam Biyick. Mais faudrait-il que ses conditions soient amĂ©liorĂ©es par un contrat professionnel. Sur ce plan, les dirigeants lavallois traĂ®nent le pied, et le joueur se rĂ©volte. Comment ? Fernand explique “Mes dirigeants ont effectivement mis du temps pour rĂ©gulariser ma situation. Il faut quand mĂŞme souligner que le FC Brest me faisait des yeux doux. C’est d’ailleurs sa direction qui m’a mis la puce Ă  l’oreille par rapport Ă  mon sous  traitement au FC Laval. Comme dĂ©jĂ  j’Ă©tais dans une logique de rĂ©volte, les dirigeants de Brest m’ont chargĂ© de demander Ă  ceux du FC Laval combien peuvent coĂ»ter mes frais de formation dans leur centre. Et quand ils ont dit le montant, les Brestois n’ont pas cherchĂ© Ă  nĂ©gocier, et sĂ©ance tenante, ils ont remis le chèque qui matĂ©rialisait mon transfert dans leur club. Mais, le problème Ă©tait que je ne pouvais pas jouer, parce que le club Ă©tait interdit de recrutement. 

Durant trois mois, je m’entraĂ®nais, sans possibilitĂ© de prendre part Ă  une rencontre officielle. Cela s’est passĂ© en 1988. Un jour, l’ancien gardien de but camerounais, Joseph Antoine Bell, m’a conseillĂ© de prendre Pape Diouf comme manager. A la suite de ma première  rencontre avec le SĂ©nĂ©galais, il me proposa l’AS Saint Etienne. J’ai acceptĂ© l’offre et le lendemain tout est rĂ©glĂ© en une heure de temps. Sur ordre de l’entraĂ®neur stĂ©phanois, Christian Sarramagnan dĂ©signa le GuinĂ©en Aboubacar Titi Camara comme mon mentor”.

L’aventure de Fernand Ă  l’AS Saint Etienne sera interrompue en 1992 par l’intervention de l’Ambassadeur d’Arabie Saoudite  en France. En effet, le diplomate saoudien lui fait une proposition allĂ©chante au nom d’un club de son pays. Il n’a pas rĂ©sistĂ© Ă  la tentation. Au terme des pourparlers, il plie bagage et rejoint le Royaume saoudien. Mais, tout se gâta entre les deux parties après un an et demi de collaboration, parce que Fernand s’est retrouvĂ© avec six mois d’arriĂ©rĂ©s de salaires. Il profita de la CAN pour envoyer sa femme en France et rejoint les Aigles pour la prĂ©paration de la CAN de Tunis 1994.

Le but de tous les bonheurs

Les Maliens, qui n’avaient pas eu le temps suffisant pour apprĂ©cier les qualitĂ©s de Fernand Coulibaly, le dĂ©couvrent au match d’ouverture de la CAN tunisienne contre le pays organisateur, la Tunisie. Ce jour, l’homme Ă©tait insaisissable. Que dire de  ce but splendide sur un centre de SoumaĂŻla TraorĂ© dit SoumaĂŻlaba (un de nos hĂ©ros). C’Ă©tait la dĂ©solation totale dans les gradins, au mĂŞme moment Bamako Ă©tait en dĂ©lire. Ce seul but qui a tracĂ© les sillons de la victoire des Aigles bouleversa tous les pronostics. Les recruteurs se signalent et Fernand devrait choisir entre une dizaine de proposition de contrats. Quel Ă©tait l’Ă©tat d’âme du joueur face Ă  cette plĂ©iade de sollicitations ? Quel a Ă©tĂ© l’impact de ces propositions sur ses prestations ?  RĂ©ponse : “Après le premier match, j’ai Ă©tĂ© beaucoup sollicitĂ© par les recruteurs. J’Ă©tais moralement dĂ©stabilisĂ©, heureusement que certains camarades me conseillaient. Je pensais dĂ©jĂ  aux Ă©ventuelles retombĂ©es. Je ne saurai rĂ©pondre rĂ©ellement si ces sollicitations ont eu un impact sur mes prestations.

Il est Ă©vident que je jouais la carte de la prudence. Contre l’Egypte, Moussa KeĂŻta dit Dougoutigui a profitĂ© d’un coup franc, pour me prendre par les colles. Cet incident a Ă©chappĂ© aux camĂ©ras. Et lĂ , il m’a fait une mise en garde sous la forme d’insultes grossières. . J’ai pris cela au sĂ©rieux, parce qu’il Ă©tait  capable de m’agresser. A partir de ce moment, je me suis donnĂ© Ă  fond”.

Après la CAN Fernand dit avoir analysĂ© toutes les propositions, pour ensuite s’engager avec Adana Sports de Turquie oĂą il signa un contrat d’un an. Cela fut le dĂ©but d’une longue aventure dans ce pays. Laquelle le conduira successivement au FC Ganziantep Sports (1995 -1997), Ankaragucu (1997-1998), Gaziantep (1998-1999), Syrte Geta Sports (2000-2001), Denizli ( 2002, 2003, 2004), Diharbakir Sports ( 2004 -2005). C’est dans ce club qu’il a pris sa retraite en 2006, parce que l’Ă©quipe a connu des difficultĂ©s financières.

En vacances Ă  Bamako, Fernand Coulibaly n’a daignĂ© rĂ©pondre Ă  l’appel de ses dirigeants. Dès lors, il s’est converti en manager. En juin 2019, il est directeur sportif de Konya Sports de Turquie.

Son absence Ă  la CAN 2002 est consĂ©cutive Ă  un malentendu avec l’entraĂ®neur Christian Sarramagnan. EnvoyĂ© chez ce dernier par le prĂ©sident de la Femafoot Amadou DiakitĂ© pour discuter de sa participation aux diffĂ©rentes phases de prĂ©paration de la CAN, le technicien ne l’a pas accueilli Ă  bras ouverts. Selon Fernand, il lui a sèchement dit qu’il n’a pas une Ă©quipe type, et si Fernand doit figurer sur sa liste, il doit se soumettre au test comme les autres. Pour l’ancien lavallois, cela Ă©tait un mĂ©pris Ă  son endroit. Parce que Sarramagnan a Ă©tĂ© son entraĂ®neur, il connait ses qualitĂ©s. Cette attitude l’a tellement choqué  qu’il lui a balancĂ© des mots discourtois. Après cet incident, il n’a plus Ă©tĂ© rappelĂ© en Ă©quipe nationale.

Durant son passage en Ă©quipe nationale, a-t-il vĂ©cu des bons souvenirs, ou des mauvais souvenirs ?  Fernand Coulibaly rĂ©pond : “Mon premier match au Parc des Princes, la CAN de Tunis 94  et mon passage Ă  Gaziantep sont mes bons souvenirs. Pour ce qui de mon mauvais souvenir, il s’est produit lors des Ă©liminatoires de la CAN 1996 contre le BĂ©nin Ă  Bamako. Après avoir pris un coup au genou, je n’ai pas voulu sortir quand le staff mĂ©dical m’a demandĂ©. J’ai  rĂ©sistĂ© jusqu’Ă  un certain moment oĂą les douleurs ont eu raison de ma volontĂ©. L’entraĂ®neur Capi m’a sorti, et c’est le moment choisi par certains supporters pour m’accompagner par des insultes et des projectiles. Cela m’a choquĂ© très sincèrement.”

Qu’est ce qui l’a le plus marquĂ© durant son sĂ©jour Turque ? Fernand Coulibaly se rappelle de cette scène sauvage d’une fille. Dans le village de Syrte oĂą il Ă©voluait, son enfant a Ă©tĂ© mordu. Il se trouve que ces villages n’ont jamais vu un noir. Donc, sa fille est sortie, une autre l’a assimilĂ©e au chocolat  et elle l’a mordue. Sa femme, traumatisĂ©e par cet acte ignoble, s’est enfui en France quand Fernand Ă©tait Ă  l’internat. Elle a pris le soin de laisser une note pour motiver son dĂ©part du village. Fernand, Ă©galement déçu mais surtout dĂ©sorientĂ©, n’a pas manquĂ© d’alibi pour casser le contrat au bout de quatre mois.

Fernand Coulibaly est mariĂ© et père de 4 enfants, dont une fille. Il aime le football et dĂ©teste l’hypocrisie.

O Roger

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