Que sont-ils devenus… Dramane Danté : Les beaux jours de l’arbitrage malien dans l’arène internationale

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Il est établi que le Mali a connu de grands arbitres internationaux, à l’image de Modibo Ndiaye, Drissa Traoré dit Driboss, Sidi Békaye Magassa, Koman Coulibaly. Cela ne fait l’objet d’aucun doute que Dramane Danté aussi, par son parcours, est une icône de l’arbitrage malien. L’enfant de Kayes sur la pointe des pieds (il est très discret et moins bavard) a dominé l’arbitrage africain, européen et mondial.

Notre rencontre avec l’ancien assistant n’a pas dépassé une demi-heure parce que c’est avec  lui que nous avons réalisé la première interview de notre carrière journalistique, en juillet 1998. A l’époque, nous faisions nos débuts dans la presse au quotidien “Le Républicain”. C’était au lendemain de la Coupe du monde “France-98” à laquelle Dramane Danté a pris part. Nous parlions des circonstances dans lesquelles il est devenu arbitre, il n’était pas nécessaire que l’on revienne sur ces questions auxquelles il avait répondues il y a 22 ans. Notre entretien-éclair ne nous a pas empêchés de rappeler cette finale de la Can-2000, qui a opposé le Nigeria au Cameroun, dont Danté était un des arbitres assistants. Ce 13 février 2000 au Stade Surulere de Lagos, les Nigérians ont été victimes d’une injustice involontaire du corps arbitral. Victor Ikpeba lors de la séance des tirs au but établit la parité. Son tire cogne la barre transversale et rebondit à l’intérieur. Mais l’arbitre central tunisien Mourad Daami ne valide pas le but. Le Goal Line Technology n’avait pas encore vu le jour. Hélas les Camerounais s’imposent sur le fil du rasoir par quatre buts à trois. Le mal est déjà fait, Dramane Danté considère cette finale comme le seul mauvais souvenir de sa carrière parce qu’il est convaincu que si le but du joueur avait été accordé, le résultait allait être autre. Après le match, se rappelle-t-il les arbitres sont rentrés à l’hôtel discrètement. La tension était vive, et tout le peuple nigérian ne parlait que de cette erreur arbitrale. Diplômé de l’Institut national des arts (Ina), M. Danté est plasticien de profession. Jusqu’à la création de sa propre entreprise, il était laborantin dans une imprimerie de la place. L’ancien arbitre international assistant est marié et père de sept enfants. Il nous a reçus à son bureau, au Badialan I. Nous retrouvâmes sur place un autre ancien arbitre international, Seydou Traoré dit le Fis. Homme à l’humeur toujours égale, il nous a chaleureusement accueillis, avant de nous conduire au bureau de notre héros de la semaine.

Prologue : un inconditionnel de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, Lamine Souley Sidibé ingénieur conseil/expert immobilier assermenté, par son geste, nous a émus. S’il est évident que ses coups de fil pour nous encourager sont fréquents, le week-end dernier, M. Sidibé a décidé de nous rendre visite en famille pour manifester toute sa gratitude à notre égard et réaffirmer son soutien à la rubrique.

Ce fut un honneur pour nous d’accueillir un aîné dans un contexte particulier, celui de la reconnaissance du travail bien fait d’un journal dont à la naissance ne présageait pas un bel avenir, compte tenu de plusieurs facteurs. C’est le même sentiment qui nous a animés le jour où le doyen Gaoussou Drabo nous a remerciés d’avoir reconnu et vanté le travail des journalistes qui ont animé durant des années l’emblématique journal Podium.

Dramane Danté avec le président ATT

Nous rassurons Lamine Souley Sidibé d’avoir pris acte de ses conseils, par rapport à l’édition d’un livre, compilation d’articles dédiés, intitulé “Que sont-ils devenus ?” La direction du journal est dans cette logique. Pour ce projet les sponsors seront les bienvenus. Revenons à présent de notre héros de la semaine, Dramane Danté.

Nul n’est sans savoir que les arbitres maliens ont été toujours sur le banc des accusés, pour leur appartenance à tort ou à raison à un club. Mais Dramane Danté a été l’un des rares de sa génération à bénéficier du respect, de la considération et de l’estime des supporters. Il n’a jamais été directement au cœur d’un scandale, dans une rencontre de football.

Pourtant, de par sa position de premier arbitre assistant, il refusait des buts décisifs ou signalait des hors-jeux au tournant du match. D’un naturel calme, il partait toujours droit vers son but : la réussite du match, dans une concentration discontinue.

Avoir confiance en soi

Selon Danté la préparation d’un match pour l’arbitre commence dès sa désignation. Il se voit en face des deux équipes, dans son statut de juge impartial. C’est au même moment que l’arbitre doit psychologiquement rassembler ses atouts pour éviter le faux pas. Autre handicap, autre danger, la pression. Comment un arbitre se défait de la pression avant, et pendant le match ? Quel est ce match qui l’a effrayé ?

“La pression dépend de l’enjeu du match, des deux équipes, des supporters, bref de l’environnement. Comment se défaire de la pression ? Il faut avoir confiance en soi, appliquer les lois de jeu en toute franchise en tant que juge. Ce sont des atouts qui chassent la pression. Je n’ai jamais eu peur d’un match. Parce que je prenais toutes les rencontres au sérieux, elles avaient les mêmes ampleurs pour moi. Une fois sur le terrain, je ne pensai qu’à la réussite. L’arbitre est la troisième équipe d’un match de football, par rapport au corps arbitral qu’il représente”.

C’est en 1985 qu’il décide de faire carrière dans l’arbitrage. Faudrait-il rappeler qu’il a été influencé par ses aînés Driboss et Magassa avec lesquels il s’entraînait tous les soirs. Cela a facilité ses premiers pas dans le métier. Un an après, il est promu au grade d’arbitre du district, de ligue en 1988, fédéral en 1992, assistant international en juin 1993.

De ce jour à sa retraite en 2006, Dramane Danté n’a pas chômé. Lauréat du Challenge Craven-A à deux reprises (1994, 1998), meilleur arbitre assistant à la Can de 2006, il a officié sur le plan international 105 matches entre nations, 30 entre clubs, 10 Coupes du Mali, 7 Can (de 1994 à 2006), 3 Coupes du monde (1998, 2002, 2006), une finale de Super Coupe afro-asiatique (1995), deux finales de vainqueurs de coupes (1995, 1997), une finale de Super Coupe (2006).

Mieux Dramane Danté a participé à la Can junior (1995), à la Coupe du monde de Qatar (1995), à la Can cadet à Bamako (1995), aux Jeux olympiques d’Atlanta (1996), au tournoi de France (1997), à l’Euro-2000, à la Coupe des confédérations (2001), à la Coupe du monde Pérou 2005. Avec un tel parcours peut-on dire que Damane Danté est un homme comblé ? Oui parce qu’il croit avoir réussi dans sa  carrière ?

Les relations sociales avant l’argent

A la question de savoir ce que l’arbitrage lui a rapporté, l’enfant de Kayes s’appesanti beaucoup plus sur les relations, la découverte du monde (il a beaucoup voyagé) que sur l’argent qu’il est censé avoir gagné durant tout ce périple.

La raison ? Les sommes d’argent se dépensent, pour assurer l’indépendance, mais jamais elles ne pourront remplacer les relations humaines, ou les bons souvenirs des différents voyages.

A sa retraite en 2006, il s’occupera en temps plein de son imprimerie, devint président de la Commission des arbitres sous Boubacar Baba Diarra à la Fémafoot. Au même moment, il intégrera la Commission des arbitres de la Confédération africaine de football. Présentement, il est assesseur des arbitres de la Caf.

Paradoxalement Dramane Danté n’a pas voulu qu’un de ses enfants lui emboite le pas dans l’arbitrage. Pourquoi ?

 “Je ne veux pas que mes enfants subissent la même pression que j’ai vécue. Il n’est pas exclu durant ma carrière que j’ai posé des actes qui n’ont pas plu à certains. Ceux-ci pourront le leur faire payer. En Afrique, les choses ne sont pas faciles. Des enfants d’anciens arbitres ont été contraints d’écourter leur carrière. C’est le cas du fils de l’ancien arbitre tunisien  Ali Ben Nasser. Celui-là qui n’a pas vu la faute de main de Diego Maradona lors du match Argentine-Angleterre en 1/4 de finale de la Coupe du monde 1986.

Chaque fois que son enfant arbitrait un match, on scandait ‘la main de Dieu’. Il en a été tellement choqué qu’il a fini par mettre un terme à sa carrière d’arbitre.

Mieux est-ce mon enfant pourra faire autant ou plus que moi ? A défaut, c’est mon honneur qui est en jeu. Puisqu’il est difficile de répondre à cette question, le mieux serait qu’il évite l’arbitrage”.

La Coupe du monde de “France-98” est le meilleur de ses bons souvenirs parce qu’il a été retenu pour le 2e tour de la compétition, même si son jeune âge l’a handicapé pour être désigné pour la finale. A cela s’ajoutent la Coupe d’Europe de 2000 co-organisée par la Belgique et les Pays-Bas, son trophée de meilleur arbitre assistant à la Can-2006, sa distinction comme chevalier de l’Ordre national la même année par le président Amadou Toumani Touré.

O. Roger

Tél (00223) 63 88 24 23

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