Attaquant de classe exceptionnelle de l’As Réal de Bamako, des Aigles et du Stade Rennais en France, Cheick Fantamady Kéïta est l’un des animateurs de Yaoundé 1972, en référence à la CAN jouée au Cameroun. Le Mali a occupé la deuxième place avec les titres de meilleur gardien de but et de meilleur buteur décerné à Cheick Fantamady Kéïta. Dans le cadre de la rubrique « Que sont-ils devenus ? » nous l’avons rencontré pour parler de sa carrière, de sa retraite dorée en France. Histoire oblige, il revient sur les péripéties de la CAN de Yaoundé, qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, surtout son cas, où la rumeur liée à une promesse de Baccalauréat non respectée, a longtemps animé les débats de rue à Bamako.
C’est la deuxième fois que nous revenons sur l’histoire de Yaoundé. Le sujet avait été abordé avec l’emblématique capitaine des Aigles d’alors, Kidian Diallo. En tant qu’acteur, il était censé nous éclairer par rapport à certains points sombres du séjour des Aigles dans la capitale camerounaise en 1972. L’homme nous avait éclairés avec des réponses claires sur la maladie de Salif Keïta dit Domingo, le Baccalauréat promis à Cheick Fantamady Keïta et la défaite du Mali. En sa qualité d’ancien capitaine, de haut cadre de l’Administration, Kidian Diallo peut être entravé par le droit de réserve que lui confèrent certains paramètres de son statut.
La vraie version du baccalauréat promis
Avoir sous la main un acteur comme Cheick Fantamady Keïta, au centre d’une des polémiques, offre à coup sûr l’opportunité d’être encore édifié sur ce feuilleton de l’une des pages de l’histoire du football malien. Cela pas dans le but de réveiller les vieux démons ou de remuer le couteau dans la plaie, mais dans le but de recadrer les faits.
En effet, il a été rapporté qu’à la veille de la CAN de 1972, les autorités maliennes avaient promis le Baccalauréat sur titre à Fantamady Kéïta, mais qu’à son retour, la promesse n’aurait pas été respectée. En plus, pour toute récompense, l’Etat aurait remis à chaque joueur une moto de marque C.T. Fantamady en aurait été tellement déçu qu’il s’exila en France. Voilà la version des faits qui nous a vu grandir.
L’intéressé soutient que cette information a été entretenue par les supporters, sinon la réalité est toute autre. Alors que s’est-il passé ? Cheick Fantamady Kéïta recadre les faits : « Nous sommes partis à la CAN avant le Bac et nous sommes restés dans cette mouvance pendant un mois. Un étudiant qui fait tout ce temps sans revoir ses cours est exposé à l’échec. Donc, après la compétition, j’ai pris des cours de rattrapage de gauche à droite. Etait-ce suffisant ? Difficile de répondre au moment des faits. Mais la réalité est que j’ai échoué au Bac. Aucune disposition particulière n’a été prise à mon endroit, qu’on pouvait qualifier de faveur. Il n’y a pas eu d’accord secret ou de promesse entre les autorités et moi, concernant l’examen. Il fallait faire un choix entre les études et la défense du drapeau national. J’ai été guidé par l’esprit patriotique au détriment de mes études. De tous les temps, j’entends les supporters développer les mêmes arguments que vous avez évoqués plus haut. Mais voilà la réalité des choses ».
Quelles explications à la défaite des Aigles au bout d’une compétition où ils étaient favoris ? Cheick Fantamady affirme qu’il est convaincu que l’entraineur faisait seul le classement. Mais en finale, il y a eu trop de remue-ménages quand il s’est agi de faire le classement. L’analyse de telles affirmations aboutissent à des conclusions que nous taisons ici.
Sur le dernier point qui a fait l’objet de polémique, Cheick Fantamady Kéïta est formel que Salif Keïta « Domingo » avait le pied plâtré et qu’il a forcé pour jouer.
De l’histoire de Cheick Fantamady, nous retenons deux événements qui ont contribué à donner de l’éclat à sa carrière : la CAN de Yaoundé 1972 où il fut meilleur buteur avec 5 réalisations. Et ce match des éliminatoires de la CAN de 1978 où le Mali a rencontré la Côte d’Ivoire à Bamako un 19 juin 1977. Les Aigles se sont imposés par 1-0 grâce à Fantamady. Ce jour-là, héritant d’une balle sur le couloir droit, il se joue de deux défenseurs et d’un lobe superbe il surprend le gardien de but ivoirien. Les deux matches aller et retour ont été émaillés d’incidents, de telle sorte que les deux pays ont été disqualifiés et remplacés par la Haute Volta (actuel Burkina Faso).
C’est dans la tanière des Scorpions que Cheick Fantamady Kéïta a fait ses débuts en 1970, quand il était encore élève au lycée de Badalabougou. Les dirigeants du Réal l’ont repéré au cours d’un tournoi interscolaire et sur le coup tout a été mis en œuvre pour lui faire signer sa première licence. Son talent donnera un coup de fouet à son aventure avec les Scorpions. En effet, vu son talent, un coopérant français, à l’époque ophtalmologiste à l’Iota, le conseilla au Stade Rennais de France. Déjà, Cheick avait intégré l’équipe nationale la même année où il a joué avec le Réal.
Artisan de la qualification des Aigles à la CAN de Yaoundé, Cheick Fantamady y laissa une empreinte indélébile par son statut de soulier d’or de la compétition avec 5 buts.
Certes, il avait des qualités d’un joueur de grande classe, mais la CAN aura été l’occasion pour lui de se faire encore plus valoir, avec à la clé un contrat professionnel.
Mali-France-Etats-Unis-Espagne-Portugal
Une fois au Stade Rennais, Cheick Fantamady Kéïta signe un contrat professionnel de trois ans, au bout desquels les dirigeants estiment qu’il coûte très cher à l’équipe. Puisqu’il n’est pas question pour le jeune Aigle de négocier sa valeur intrinsèque, il quitte la France et met le cap sur les Etats Unis, à Philadelphie. Mais là, il ne dépasse pas une saison, son départ du Stade Rennais a plongé l’équipe dans la disgrâce. La seule alternative pour sortir la tête de l’eau est le retour du Malien. On lui donne un contrat d’un an (saison 1977-1978).
A la suite d’un second désaccord, Cheick Fantamady quitte le Stade Rennais et rejoint Angoulême pour une saison. A la fin de l’année 1979, il débarque au FC Chaumont où les dirigeants lui proposent un contrat.
Pourquoi des contrats de courte durée ? La raison est que Fantamady coutait très cher à l’époque. Donc, il était recruté pour juste redresser la barre par-ci, par-là. Ce qui explique d’ailleurs ses mouvements entre l’Espagne, le Portugal et Moutiers la terre Antillaise.
Durant tout ce temps, sa carte de séjour en France est périmée et les Français n’étaient pas dans une logique de la lui renouveler. C’est ainsi qu’il a eu la bonne idée de commanditer une interview dans le journal sportif français « L’Equipe ». Le journaliste a démontré par tous les arguments que Fantamady reste l’un des meilleurs joueurs africains en France.
Le FC Chaumont qui se trouve en deuxième division mord à l’hameçon, recrute l’oiseau rare et accède en première division sous la coupe de Fantamady. Après cet exploit, il écrit à la Fédération Française de Football pour déclarer la fin de sa carrière en tant que joueur professionnel en 1984. Il commençait à sentir le poids de l’âge. Mais Moutiers la terre Antillaise, non loin de Lyon, ne donna pas le temps de traitement du courrier à la Fédération. Cheick Fantamady Kéïta n’était pas du tout prêt à rejouer au football, parce que pour lui il fallait tenter autre chose pour donner une base solide à son avenir. Mais les dirigeants de Moutiers l’ont contacté avec dans les bagages une proposition d’emploi et des primes. Logiquement, il accepta l’offre et continua même le boulot après sa carrière footballistique. Cette opportunité lui permit de bénéficier aujourd’hui de la pension. Raison pour laquelle il ne regrette pas d’avoir quitté le Mali, pour une discipline qui l’a beaucoup servi. Autrement dit, dans son cas précis, le football a « nourri son homme » depuis le jour où il a signé son premier contrat professionnel sous la couverture de l’un des dirigeants du Réal, Boubacar Dossolo Traoré, et son compatriote Salif Keïta. Ceux-ci ont-ils continué à l’assister dans ses différentes aventures espagnoles, portugaises ? L’ancien attaquant des Aigles répond par la négative. Pour le reste de ses contrats, il s’est débrouillé seul, ayant compris déjà beaucoup de choses durant la première expérience.
Agé aujourd’hui de 69 ans et après tant d’années en France, envisage-t-il de revenir au bercail ? Notre héros n’y voit aucun inconvénient, seulement il est lié en quelque sorte à sa femme qui travaille dans l’Hexagone. Donc, il serait difficile de décider tout de suite de revenir s’installer au Mali. Néanmoins, Cheick Fantamady Kéïta reste attaché à son pays. La preuve est qu’il effectue fréquemment des déplacements au Mali.
Cheick Fantamady Keïta a 5 enfants, dont 2 filles. Paradoxalement, ils n’ont pratiqué aucun sport pour suivre les traces de leur père, qui a été ce grand joueur en Afrique, en Europe et en Amérique.
O. Roger SISSOKO