Le journal sportif “Podium” dans sa parution du mercredi 9 juillet 1988 titrait ainsi : “Petit grand gardien” pour annoncer la qualification des Aiglons pour les quarts de finale de la Can de leur catégorie. Ils venaient d’éliminer le Maroc (2-1) après une courte victoire d’un but à zéro à Bamako. C’est surtout les commentaires du journal sur la grande classe du portier Bouba Diabaté qui ont donné plus d’éclat et d’enthousiasme à l’exploit des juniors maliens. Ce gardien est notre héros de la semaine dans “Que sont-ils devenus ?” A ses débuts, il était un attaquant très rapide et vivace devant les buts. Par un seul fait du hasard, il finira sa carrière au poste de gardien de but de haut niveau. Et pour cause ! Il fut gardien de but des Aiglons qui ont joué la finale de la Can de leur catégorie et la phase finale de la coupe du monde jouée en Arabie saoudite en 1989. Sociétaire du Djoliba, petit de taille, mais avec ses grandes qualités (la vigilance, l’intelligence, l’anticipation), il a émerveillé le public sportif malien, tant à Bamako qu’à l’extérieur durant la Can. Feu Demba Coulibaly avait la passion de cette génération de juniors composée de Kassim Touré, Amadou Bass, Sory Ibrahim Touré, Alassane Diallo dit Tom Foot, Oumar Guindo, Boubacar Barry, etc. Il a forcé l’admiration des Maliens pour ces jeunes. En rencontrant Bouba Diabaté, nous avons su que l’Etat n’a rien fait de conséquent pour ces jeunes. Quels étaient leurs traitements? Quelle a été la récompense après la Can et la Coupe du monde ? Les non-dits de ce fameux match contre le Brésil ? Sa retraite footballistique anticipée ? Bouba Diabaté refait l’histoire, dans l’interview qu’il nous a accordée.
Après le FC Santos et le Benso FC du Badialan III, Bouba Diabaté a fait ses grands débuts au centre de formation du Stade malien de Bamako. Son départ pour l’antre rouge découle d’une leçon de morale de son oncle, djolibiste et ancien chauffeur du lieutenant-colonel Tiécoro Bagayoko (ancien membre du CMLN, tout-puissant directeur général des services de sécurité, et ardent supporter du Djoliba AC). L’oncle dit à son neveu qu’il est incompréhensible que celui-ci joue au Stade. Il lui conseille de transférer immédiatement dans l’équipe de cœur de son père. Voilà comment Bouba Diabaté rejoint les cadets du Djoliba, entraînés par feu Aly Koïta alias Faye. Au bout d’un an, il est admis dans la catégorie des juniors, en compagnie des Kassim Touré, Amadou Bass, Mamoutou Tolo, Alassane Diallo dit Tom Foot. De temps à autre, l’entraîneur Karounga Kéïta dit Kéké les utilise pour compléter l’effectif des seniors.
Mais Faye insiste sur le cas de son jeune gardien, dont les qualités séduisent l’encadrement technique. Mais Bouba Diabaté a sur son chemin Karamoko Diané, Maciré Diop et Mamadou Diarra dit Zami. Son cas est trop compliqué. Il se dit qu’à son âge il doit s’armer de patience et de courage. La grande considération de Kéké à son égard lui sert beaucoup.
Le revers de la médaille abouti à son départ de l’équipe, et la suite des événements le convainc à mettre un terme à sa carrière. Pourquoi ? Le nouvel entraîneur du Djoliba à l’époque, feu Mory Goïta, fait transférer le portier de la Commune II, Samba Diarra. Il lui offre une place de titulaire indiscutable dans l’effectif au détriment des anciens gardiens. Bouba Diabaté, lui, se contente de petites touches de balles sur le terrain annexe.
Son orgueil juvénile le pousse à interpeller l’entraîneur sur cette nouvelle donne, qu’il juge discriminatoire. C’est la goutte d’eau de trop parce que Mory Goïta n’apprécie pas cette attitude du jeune gardien. Bouba Diabaté quitte alors le Djoliba pour l’AS Mandé de la Commune IV (1989-1991). Les difficultés de déplacement ont finalement eu raison de sa volonté de persévérer. Il se résigne alors à arrêter sa carrière footballistique pour chercher un emploi. En tant qu’aîné, la norme des choses lui impose une certaine contribution dans la famille pour épauler son père. Il n’empêche, sa carrière au Djoliba est couronnée par un parcours honorable en éliminatoires de la Can junior, sanctionné par une défaite en finale contre le Nigeria, et une phase finale de Coupe du monde en février 1989. Pour ce grand rendez-vous mondial, le match contre le Brésil reste une arête en travers de la gorge des Maliens. En effet, après une première mi-temps vierge, les Aiglons sont atomisés (5-0) à la surprise de tous.
Les différents commentaires s’articulent autour de l’inexpérience des nôtres, la suprématie de l’encadrement technique brésilien. Bouba Diabaté, lui, consent à nous donner sa version des faits. “Je relève que l’abstinence de l’entraîneur de donner de nouvelles consignes à la mi-temps a déconcentré les joueurs. En plus d’être un entraîneur, Nany était pour nous un père. Donc ses mots constituaient de la drogue pour nous remonter le moral. Non, il a dit aux autres membres de l’encadrement technique de laisser les joueurs se conseiller entre eux.
A la reprise, les Brésiliens ont changé de système, en procédant par de longues balles et de petites passes sur les flancs. Cela m’a inquiété, et immédiatement j’ai demandé qu’on applique un système défensif en laissant Malick Tandjigora seul à la pointe de l’attaque. Par finir, nous aurions pu nous ressaisir pour apporter la réplique. En toute sincérité, j’ai vu la défaillance d’un des latéraux, et cela nous a coûté très cher avec ce score fleuve de 5 buts à 0″.
Cette carrière est néanmoins liée à de bons souvenirs : la Can junior, le match de demi-finale contre l’Algérie qui a consacré la qualification des Aiglons pour la Coupe du monde. Quant aux mauvais souvenirs ils se résument aux primes dérisoires
Le football l’a-t-il nourri ? Sa promptitude à répondre à cette question prouve à suffisance qu’il est déçu. Pratiquement au Djoliba, hormis la grande estime de Faye et de Kéké, il n’a rien eu. Cependant, il se rappelle qu’un supporter lui a remis un jour 5000 F CFA. En équipe nationale, en tout et pour tout, les joueurs n’avaient que 30 000 F CFA par mois comme prime d’internat. En plus, le président de la République, feu le Général Moussa Traoré a octroyé à chaque joueur et à l’encadrement un terrain à usage d’habitation. A défaut d’avoir les moyens pour construire le sien, Bouba Diabaté soutient l’avoir vendu pour appuyer son père dans les dépenses de la grande famille.
Péripéties
Son beau-frère lui trouve un poste de plongeur au restaurant “Relax”. Employé sans contrat, il n’a eu que 3000 FCFA comme droits après les événements du 26 mars 1991 qui ont occasionné le saccage et l’incendie de la pâtisserie.
En amont, le pâtissier, un Français l’admire pour son courage et l’utilise pour ses petites commissions. Il finit par lui apprendre, les techniques de préparation de gâteaux avec l’espoir que Bouba puisse le remplacer, parce que sa présence au Mali est liée au séjour de son père, un coopérant militaire français.
Après le départ du Blanc et la réhabilitation de la pâtisserie, il se voit confier la lourde responsabilité de pâtissier, la peur au ventre parce qu’il est convaincu que le Libanais, sans état âme dans le domaine du business, peut le renvoyer à la moindre erreur. La direction lui propose une augmentation de salaire à hauteur de 10 000 FCFA, soit un net à payer de 28 500 F CFA. Un compatriote travaillant au même service lui conseille de rejeter cette offre qui serait un piège dans l’avenir.
Entre-temps une nouvelle opportunité s’offre à lui. Le chef cuisinier de l’hôtel de l’Amitié qui fréquente également le Relax, sollicite les services d’un pâtissier pour combler un vide suite au départ en congé de son technicien. Le 15 décembre 1993, l’employeur commet l’erreur d’envoyer Bouba Diabaté à l’hôtel de l’Amitié. Ici, en tant que stagiaire, il gagne une prime d’encouragement de 60 000 FCFA.
Un tel changement de traitement salarial crée la tentation de décrocher de l’autre côté dont l’avenir n’apparait pas prometteur. Finalement le problème se retrouve devant les tribunaux. La pâtisserie Relax porte plainte pour débauchage. A la fin du contentieux, Bouba Diabaté est recruté à l’hôtel de l’Amitié avec un contrat. Malheureusement trois mois après, l’établissement hôtelier est vendu. L’ancien gardien international est licencié, il prend ses droits et reprend service au restaurant “Complexe Technopôle de Bamako” pour deux ans.
En novembre 2019, un ancien collègue le fait recruter à l’hôtel Kempinski. Un autre coup de théâtre se produit avec l’apparition de la Covid-19 qui renvoie Bouba Diabaté au chômage pour trois mois. Les deux hôtels : l’Amitié et Kempinski étant géré par la même administration, le licenciement occasionné crée un vide.
L’administration est obligée de rappeler en activité l’ancien gardien international. Et à ce jour il y travaille toujours.
Bouba Diabaté est marié et père de trois garçons. Dans la vie, il aime le sport, la musique, le travail, et déteste le mensonge et la négligence.
O. Roger Tél (00223) 63 88 24 23
Merci grand frère, je suis grand admirateur de toi depuis tout petit, ne te décourage pas, DIEU EST GRAND.
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