Cela fait trois ans qu’un fidèle lecteur du quartier Hippodrome, nous parlait de Gagny, un homme de l’ombre qui a beaucoup contribué à la formation de plusieurs jeunes basketteurs. Il a tellement insisté sur ses qualités que nous en étions émus. Parce que nous sommes convaincus d’une vérité absolue : ces catégories de personnes se contentent de la seule satisfaction morale dont la source réside dans la passion qu’elles éprouvent pour la discipline. Sinon au-delà elles vivent dans des conditions difficiles. Notre entretien a fini sur un goulot d’étranglement : il n’a pas le contact de Gagny. Dommage ! Le dossier est resté là durant tout ce temps. La semaine dernière, en revenant sur ce coup de fil de 2019, une ancienne joueuse de Gagny présente sur les lieux, nous a filé le contact de son mentor. Et voilà que Gagny signe son passage dans la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
Notre héros de la semaine et l’ancien feu le président, Amadou Toumani Touré ont le même prénom et le même nom, sans autre lien de parenté. Mais ils ont en commun l’amabilité, l’art de se familiariser avec le visiteur comme s’ils se connaissaient depuis des années. Ajouté à cela le sens de l’humour basé sur “le sinankounya”.
Gagny est comme un grand-père de toutes ces jeunes joueuses qu’il a formées dans les différents clubs : Djoliba, Stade malien, AS police, AS Mandé de la Commune IV. Il supporte toutes leurs caprices. Cela est un plaisir pour moi, dit-il. “Parce qu’elles constituent une fierté, le fruit de mon amour pour le basket-ball”, soutient-il. Il ajoute : “J’ai la satisfaction morale que ces jeunes me soutiennent de leur mieux. Fatoumata B. Dia, ex-internationale du Stade malien et du Djoliba AC, Mouneni Bah depuis la France et Yamina M’Bodj m’entretiennent beaucoup. Aux mois de ramadan, je n’achète pas de sucre. La plupart de mes joueuses me donnent le sésame et de l’argent. C’est réconfortant”.
Amadou Gagny Touré est un professeur d’éducation physique et sportive (EPS), sorti de l’Institut national des sports (INS) en 1983. La même année, il est affecté à Diandioumbera (dans la région de Kayes) comme secrétaire d’arrondissement.
Cinq mois après, il est remis dans ses droits avec sa mutation à l’Ecica comme professeur D’EPS. Comme au lycée de Jeunes filles, les élèves constituaient un goulot d’étranglement pour l’administration scolaire, l’on a pensé à un professeur de la génération intermédiaire pour recadrer les jeunes dames. Elles étaient irrégulières dans la pratique de l’EPS.
Autrement dit, elles n’accordaient pas trop d’intérêt à la matière. Or le lycée voulait bâtir une équipe en basket-ball, et en athlétisme. Gagny est muté au lycée de Jeunes filles pour stabiliser la situation. De façon évidente il réussit à contenir les différentes promotions pendant neuf ans (1984-1993).
De 1993 à 1996, il occupe les postes de conseiller pédagogique à l’inspection générale de l’enseignement secondaire. Après ce saut dans l’administration, il retourne au lycée de Jeunes filles, baptisé entre-temps lycée Ba Aminata Diallo, où il prend sa retraite en 2017.
L’EPS est une matière introduite dans presque tous les programmes d’enseignement. Chez nous elle fait partie des matières secondaires. Certains élèves préfèrent négocier des fiches de dispense. Avec un professeur d’EPS, pourquoi ne pas lui demander son importance ? Amadou Gagny Touré en bon technicien répond qu’elle permet à l’élève d’assurer sa sécurité et celle des autres, d’entretenir sa santé, de développer l’image et l’estime de soi. Selon lui, l’éducation physique et sportive est un facteur indispensable pour le bien-être, de la santé et de la forme physique.
Parlons à présent de l’autre facette de Gagny, sa passion du basket-ball. Comment il a aimé la discipline ? Quel fût son parcours ? Comment est-il devenu le grand-père de toutes ces jeunes filles ? A l’INS, le basket-ball était son option au détriment de la natation, de l’athlétisme et autres disciplines. Ainsi, il s’entraînait à l’école fondamentale de Bolibana.
Une carrière contrariée
Au début des années 1980, il intègre l’équipe junior du Stade malien de Bamako. Sa mutation dans la région de Kayes freine sa progression. Sélectionné en équipe nationale junior, il n’a pu répondre à l’appel, la distance et son statut de fonctionnaire stagiaire en sont pour beaucoup. De retour à Bamako, Gagny monte de grade pour se retrouver à l’équipe B des Blancs de Bamako.
Un autre coup dur le frappe. Pendant qu’il est sélectionné en équipe nationale senior, un mal de genou anticipe sa retraite. Les dirigeants du Stade en profitent pour lui confier l’équipe junior féminine. C’est le début d’une longue carrière d’entraîneur pour Amadou Gagny Touré. Au bout de deux ans, il rejoint l’encadrement technique du Djoliba. C’est la période où il a côtoyé les Djénébou Sanogo, Seynabou Diop, Salamata Maïga et sa sœur, Djénébou Touré, et autres. Sa connaissance autodidacte et sa patience le proclament entraîneur des juniors filles du Djoliba de 1986 à 1994. Entre-temps Gagny ambitionne de donner une dimension à son amour pour le basket-ball. Son séjour au Djoliba est entrecoupé de stages.
Il décroche un diplôme de 1er degré en avril 1990. Deux ans plus tard, il bénéficie d’un stage sur les Etats-Unis à l’Institut technique Professionnel (1992-1993). Il participera à d’autres stages organisés par le Comité international olympique (avril 1990, août 1995, juillet 1996), approfondir ses capacités techniques…
Il prend les rênes de l’équipe junior féminine de l’AS Mandé de la Commune IV (1994-1996). Gagny parvient à stabiliser cette équipe communarde, avant que les Stadistes ne viennent le chercher pour continuer sa mission. Même si ses premiers fruits ont déjà mûri, il forme trois nouvelles générations entre 1996 et 2004. Quel était son secret pour endoctriner ses joueuses ?
“Ce sont mes filles, d’autres ont profité de l’enthousiasme pour me coiffer de la casquette de grand-père. Je veillais sur elles jusque dans les quartiers, pour me rassurer de l’application de mes conseils. Mieux certains parents aussi m’aidaient aussi dans l’encadrement des filles. Ils m’appellent pour s’informer sur leur régularité aux entraînements. Tous ces paramètres m’ont permis de maîtriser ces joueuses. Sinon pas un secret particulier, mais un suivi quotidien. Je n’ai fait que deux ans au Stade avant de prendre en main l’équipe féminine de Géant Hippo à Koulikoro, pour deux ans. De là, je suis nommé entraineur de l’AS Police féminine avec laquelle je remporte le trophée du tournoi d’ouverture de la saison face à l’Usfas”.
Son ambition chez les Policiers s’estompe au bout d’une saison parce qu’il devait prendre en main l’équipe féminine junior. Ce qu’il a perçu sous l’angle d’une rétrogradation. Gagny est vite approché par Daouda Tékété (pas notre confrère et doyen de l’ORTM), commerçant de matériels médicaux lui fait appel. Parce que celui-ci a l’habitude d’être la cible de Gagny afin qu’il donne plus de liberté à sa fille. M. Tékété crée une équipe féminine et met Gagny devant le fait accompli pour guider les premiers pas du nouveau bébé. Tant bien que mal, il forme les jeunes et donne même une notoriété à l’équipe. Seulement chaque chose à son temps. En un moment donné, il faut savoir arrêter certaines choses. A partir de 2020, Gagny commence à casser le rythme, tout en confiant le centre de formation aux jeunes techniciens qu’il a formés.
Les bons souvenirs qui ont marqué sa passion pour le basket-ball sont : la première Coupe Guateli remportée par l’équipe féminine du Djoliba en 1990, celle remportée également par le Stade malien en 1996.
Au rayon des mauvais souvenirs : ses deux sélections dans les équipes nationales junior et senior entravées par des facteurs de circonstances, la politique des dirigeants dans la gestion des équipes nationales et des clubs.
Amadou Gagny Touré est marié et père de quatre enfants. Dans la vie, il a un amour fou pour les enfants, une passion pour le sport et l’enseignement. Il déteste l’hypocrisie, le mensonge et la méchanceté.
O. Roger Tél 00223 63 88 24 23