Bass, comme l’appelaient familièrement les supporters, est ainsi entré dans l’Histoire, mais la carrière du prodige sera stoppée net par une grave blessure au genou. L’Essor a rencontré l’ancien international qui a émerveillé les supporters par son génie créateur pendant une demi-dizaine d’années
Nous sommes en 1989. Lors des préliminaires de la CAN-Junior (ancienne appellation du Championnat d’Afrique U-20), un jeune milieu offensif crève l’écran en marquant 8 buts dans la double confrontation entre le Mali et le Sénégal. Score final : 8-2 pour le Mali sur l’ensemble des deux matches. Cet exploit inédit dans les annales du football malien et africain a été réalisé par Amadou Bass.
Le jeune milieu offensif est ainsi entré dans l’Histoire et semblait bien parti pour être la nouvelle star du football malien. Ce, d’autant que quelques mois auparavant, le même Amadou Bass avait claqué un doublé contre le Stade malien en finale de la Coupe Thierry Sabine (pilote de rallye français, fondateur du Rallye Paris-Dakar, décédé le 14 janvier 1986 dans un accident d’hélicoptère, à huit kilomètres de Gourma-Rharous, ndlr), permettant ainsi au Djoliba de s’imposer 3-1 et de s’adjuger le trophée.
Après le Sénégal, la sélection nationale junior, alors dirigée par feu Nani Touré, élimine successivement le Maroc, l’égypte et l’Algérie pour se hisser en finale. Amadou Bass et les Aiglons étaient à une marche du sacre continental mais devaient battre le Nigeria pour réaliser ce rêve. à l’époque, la phase finale n’existait pas et la CAN-Junior se disputait en aller-retour. Au match aller à Bamako, les Aiglons se font surprendre 2-1, avant de s’incliner à nouveau 2-0 à Ibadan lors de la manche retour. Amadou Bass et ses partenaires se contentent alors de la médaille d’argent et du ticket de la Coupe du monde de la catégorie, une première pour une sélection malienne.
En Arabie saoudite, les protégés de feu Nani Touré obtiennent le nul 1-1 contre les états-Unis lors de leur première sortie, avant de sombrer face au Brésil (5-0) et à l’Allemagne (3-0). Conséquence : le Mali quitte le Mondial dès le premier tour. «La Coupe du monde a été catastrophique pour nous. L’équipe est complètement passée à côté du sujet», lâche Amadou Bass. Après la Coupe du monde, le jeune milieu offensif intègre la sélection nationale senior dirigée alors par Kidian Diallo.
Avec les Aigles, il participe aux éliminatoires des CAN, Algérie 1990 et Sénégal 1992 et aux Jeux africains, Caire 1991 où le Mali atteint les quarts de finale. L’ascension d’Amadou Bass est fulgurante, au fil des matches, le joueur s’impose dans l’entre jeu des Aigles. Le jeune milieu offensif a tout pour séduire : un pied gauche magique, une bonne vision de jeu, sa générosité dans l’effort.
Malheureusement, la carrière d’Amadou Bass s’arrête brusquement en 1994, suite à une grave blessure au genou. Le prodige ne se remettra jamais de cette blessure et sera contraint de mettre un terme à sa carrière en 1994 après plusieurs tentatives infructueuses de rechausser les crampons. Auparavant, il avait remporté deux titres de champion du Mali avec le Djoliba (1988 et 1990) et une Coupe du Mali (1992). Peu, presque insignifiant pour un joueur qui restera comme l’un des plus talentueux de sa génération, voire du football malien.
-PELERINAGE A LA MECQUE-Après cette retraite forcée, Bass, comme l’appelaient familièrement les supporters, a disparu des écrans radars ou plutôt de la planète foot du pays. «J’ai tourné le dos au football pour me concentrer sur les études», indique Amadou Bass qui décroche son diplôme universitaire de technicien supérieur (DUTS) à l’école des hautes études pratiques (EHEP), l’actuel l’Institut universitaire de gestion (IUG). En 2001, il est admis au concours de recrutement de la Banque nationale de développement agricole (BNDA) et affecté à Sikasso.
«J’ai commencé à Sikasso avant d’être affecté au siège mère à Bamako. Dieu merci, je suis chef section clientèle et tout se passe bien pour moi», se réjouit l’ancien international. Parlant de sa carrière sportive, Amadou Bass dira que le football lui a permis d’apprendre beaucoup dans la vie et de rencontrer des gens, dont il se souviendra toute sa vie. «Il y a aussi, soulignera-t-il, les nombreux voyages effectués à travers le monde, surtout ce pèlerinage à la Mecque lors de la Coupe du monde junior.
J’ai pu voir la Kaaba, ce jour-là, j’ai pleuré à chaudes larmes. C’est mon meilleur souvenir. C’est grâce au football que j’ai vu ça à cet âge. C’était incroyable», insiste Bass qui révèle également avoir vécu son plus mauvais souvenir en Arabie saoudite, à savoir la lourde défaite subie face au Brésil au premier tour du Mondial (5-0).
«Après ma retraite, j’avais des projets de football en tête. Je participais également aux activités de l’Union nationale des anciens footballeurs du Mali (UNAFOM). Malheureusement, avec la situation actuelle du football du pays, déplore l’ancien international, je préfère rester à l’écart et me concentrer sur mon travail».
«Ceux qui sont aujourd’hui à la tête du football ont-ils un projet, une vision ? Pour moi, la réponse est claire, c’est non». «Aucune politique digne de ce nom n’a été élaborée pour les dirigeants de notre football, enfonce Amadou Bass. Pour avoir une équipe nationale, il faut qu’il y ait une bonne base. Si on choisit de faire une sélection nationale à base de joueurs locaux, il faudra organiser des compétitions nationales dignes de ce nom, ce qui n’est pas le cas en ce moment.
Il ne faut pas se voiler la face, le niveau de notre championnat est faible et c’est pour cette raison qu’aucun club malien n’a encore réussi à atteindre la phase de poules de la Ligue des champions, plus de vingt ans après la création de cette compétition», argumente Amadou Bass.
«Concernant nos expatriés, je pense qu’il y a un problème de discipline et un manque d’engagement sur le terrain. Porter le maillot de son pays, doit être une fierté pour tous les joueurs. L’équipe nationale, c’est le haut niveau, donc des résultats. Quand une sélection ne performe pas et accumule les échecs, il faut avoir le courage de se remettre en cause et changer de fusil d’épaule.
Malheureusement, nos dirigeants font toujours du bricolage», pointe Amadou Bass qui a été formé au FC Ajax de Ouolofobougou Bolibana, avant de rejoindre le Djoliba, le club qui l’a révélé au grand public. «J’ai connu des moments merveilleux au Djoliba aux côtés des Drissa Traoré «Poker», Abdoulaye Koumaré «Muller», Bourama Traoré, Fanyeri Diarra, feu Mamadou Doumbia ‘’Ouolof’’, Seyba Coulibaly, Seyba Sangaré.
J’ai beaucoup appris avec ces grands noms du football malien», souligne l’ancien international devenu banquier. Marié et père de huit enfants, dont six garçons, Bass se dit prêt, si les conditions sont réunies, à revenir dans le monde du football «pour apporter ma petite pierre à la construction de l’édifice national».