Toute la carrière d’Aly Diarra au Stade malien de Bamako, l’entraineur des jeunes du club, Lamine Traoré dit Jules, l’appelait ” Bamanan “. Par ce sobriquet, il comparait sa bravoure et son endurance à celles des vaillants guerriers du royaume bambara de Ségou. Natif de la région de Mopti, Aly Diarra s’est retrouvé à Bamako en 1983, un an après l’obtention du Diplôme d’Etudes Fondamentales (DEF). Au terme d’un tour d’inspection des terrains d’entrainement du Djoliba (au stade Mamadou Konaté), du Stade malien (à Hamdallaye, actuelle zone comprise entre le rond point de l’Eléphant et l’ANAC) et de l’AS Réal (terrain annexe du stade Modibo Kéïta), son cœur a balancé pour les Blancs de Bamako (le Stade), parce que, selon lui, leur football répondait à ses aspirations : le football technique. Sans complexe, il se présenta à l’entraineur Mamadou Diakité dit Doudou et manifesta son désir de jouer au Stade malien. Le technicien se rassura de ses origines et de ses qualités. C’est le point de départ d’une longue carrière au Stade malien de Bamako. Bamanan a saisi sa première chance, pour s’imposer aussi bien dans son club qu’en équipe nationale durant plus d’une décennie. Aly Diarra, est détenteur du diplôme de l’Ecole des Infirmiers du Point G (EIPG). Alors, comment a-t-il pu concilier Etudes et football ? Comment ses deux contrats au Koweït et en France ont-ils échoué ? Et ce match des Aigles contre le Cameroun où sa sortie a provoqué une hémorragie? Quelle a été la suite de sa vie après sa retraite footballistique ? L’enfant de Sévaré se souvient de tout. C’est la tribune de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”.
n des héros de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” a parlé d’une anecdote qui s’est passée en 1988 en Guinée Bissau, lors du tournoi Amilcar Cabral. Puisque l’acteur principal de ce fait insolite était sur notre tablette, nous nous sommes réservés de mettre la charrue avant les bœufs. En réalité, l’histoire concerne notre invité de la semaine, Aly Diarra.
Un coup de foudre venu de Bissau
Que s’est-il passé ? Bamanan explique : “C’est pendant cette compétition que l’entraineur Kidian Diallo m’a intronisé capitaine des Aigles. Il m’a parlé de son angoisse pour le match d’ouverture face à la Guinée Conakry où un certain Fansiné Camara troublait son sommeil. Je l’ai rassuré, et dès le premier quart d’heure, en complicité avec Bakary Diakité dit Bakariny, j’ai envoyé le joueur sur civière et il ne s’est plus relevé pour continuer le match. Bref, pendant ce tournoi, j’ai séduit par la qualité de ma prestation, jusqu’à ce qu’une belle jeune fille est tombée amoureuse de moi. Elle nous a suivis jusqu’à l’aéroport, et c’est là où le Ministre des Sports, feu Bakary Traoré, m’a dit “Diarrakèny, on va faire comment ?” et on a rigolé. Intraitable dans la manifestation de son amour, la police a été obligée de la menotter pour l’amener en ville. Je suis à l’aise en sachant que vous êtes déjà renseignés sur ces faits. C’était émouvant ! Mais quelle solution ? Quand la police l’a embarquée, je suis rentré dans l’avion avec une grande pitié pour la jeune dame”.
Aly Diarra a fait ses débuts au Bani Club de Mopti en 1973. Son père, hostile à sa pratique du football, l’envoya à Tombouctou. Cela ne l’a pas empêché de monnayer son talent dans la Cité des 333 Saints. Il évolua d’abord à l’Avenir, puis à Al Farouk.
Avec le DEF en poche, il est orienté au lycée de Sévaré. Il profita de ce come-back pour signer au Débo Club, juste une saison. L’année suivante, il est admis au concours d’entrée à l’EIPG.
A Bamako, Aly Diarra dit avoir fait d’une pierre, deux coups en conciliant Etudes et football. Cela, sur la base d’un emploi du temps bien établi. C’est-à-dire qu’à petit trot, sac au dos, il arrivait à l’école à 6H30mn. Le temps de se débarbouiller, manger pour suivre les cours. Il a forcé l’admiration de ses camarades, par le fait que ses voyages, ses séjours à l’internat n’ont eu aucun impact sur ses performances pendant les devoirs et examens.
Au sein d’une cuvée dorée
Force est de reconnaitre que Bamanan a eu une chance de mine d’or, pour avoir coïncidé avec la génération dorée du Stade malien de Bamako, formée par le grand entraineur, feu Mamadou Kéïta dit Capi. Voilà un groupe qui a atteint le sommet du football malien. Il s’agit des Lassine Soumaoro, Adou Kanté, Yacouba Traoré “Yaba”, Seydou Diarra “Platini”, Diofolo Traoré, Mamadou Coulibaly “Kouicy”, Modibo Doumbia dit Modibo 10. Son arrivée a été un plus pour ce groupe qui a dominé le football malien pendant trois ans, avec trois coupes du Mali (1984, 1985,1986), le premier doublé de l’histoire du football malien (saison 1983-1984), une finale de coupe UFOA (défaite contre le New Nigérian Bank du Nigéria en 1984).
Très actif sur le couloir gauche, Aly Diarra a été incontestablement indéboulonnable durant au moins une décennie. Une performance qui lui a valu sa première sélection en équipe nationale (en 1985) où il a également produit tout le bien qu’on attendait de lui. Il est corollaire que nous avons suivi la carrière d’Aly Diarra au Stade malien de Bamako. Parce qu’il nous a trouvé au centre de formation du club.
Venu de Mopti, Aly Diarra était un latéral gauche très rapide, ultra offensif. Alter égo de Mamadou Coulibaly dit Kouicy, qui occupait le couloir droit, il savait dominer son vis à vis pour stabiliser le bastion défensif stadiste. Sur le flanc gauche, le Stade malien et l’équipe nationale avaient en lui un deuxième ailier gauche, qui apportait son appui offensif pour aboutir à la victoire finale.
Ses qualités défensives ont d’ailleurs convaincu à un moment donné, l’entraineur des Aigles Kidian Diallo, à le placer dans l’axe central. Et, l’on se rappelle ce mach mémorable contre le Cameroun le 28 avril 1991, où son remplacement a provoqué une hémorragie dans la défense malienne, soldée par la défaite des Aigles (0-2). C’était dans le cadre des éliminatoires de la CAN Sénégal 1992.
A propos de ce match, sa sortie a fait l’objet de beaucoup de commentaires. D’aucuns pensent qu’il n’a pas supporté la pression de l’attaquant vedette camerounais François Oman Biyick (dont il avait la charge), pour simuler une blessure. Aly se justifie : ” Rappelez-vous que j’avais eu des discussions chaudes avec François Oman Biyick sur le terrain, parce que je ne lui donnais pas le temps de se transcender. Je profitais des duels aériens pour lui asséner des coups de tête, afin de le neutraliser. Ce jour, le Mali évoluait avec deux stoppeurs, Moussa Keïta dit Dougoutigui et moi. C’était une façon de contrecarrer l’attaque camerounaise. Donc, je ne saurai abandonner par lâcheté, et laisser mes camarades dans la gueule du loup. Mais, subitement j’ai été victime d’un claquage musculaire, un mal qui ne se négocie pas. La solution était obligatoirement mon remplacement. Ce qui a libéré François Oman Biyick. En conclusion, je n’ai pas triché, d’ailleurs à notre époque, l’amour de la patrie et l’honneur pour nous de porter le maillot national ne nous permettaient pas d’adopter un comportement négatif.”
Deux aventures pro ratées !
En 1989, après le tournoi Cabral de Bamako, il débarque en France pour un test à Nancy. Dans l’attente de la signature d’un contrat professionnel, un scandale éclate dans le club. L’arrestation de plusieurs responsables de l’équipe lui a fait déduire que son rêve à Nancy sera plutôt un cauchemar. Déboussolé, Aly Diarra retourne au pays. Pourtant, selon lui, l’entraineur Français, Aimé Jacquet (à qui Molobaly Sissoko l’avait confié) s’était engagé à lui trouver un club, dont le Paris Saint Germain.
Il reprend service au Stade malien et en équipe nationale, où le coach Kidian Diallo lui vouait une grande estime.
La malchance le hantera quelques années après. En 1995, l’agent de joueur, Amany, a trouvé pour lui un club au Koweït. Mais cette aventure a été malheureusement un échec. La raison ? Un coup de fil anonyme d’un compatriote de mauvaise foi informa les dirigeants du club, qu’Aly Diarra n’est pas un Malien. Et pire, qu’il a même falsifié ses documents pour diminuer son âge. Le président du club, pris de panique, a renoncé à garder l’enfant de Mopti. Il lui a remis beaucoup d’argent, pour le consoler. Ce compatriote (dont nous taisons le nom pour des raisons personnelles) selon Aly, a agi ainsi parce qu’il n’a pas été à l’origine du contrat. Dommage et regrettable !
Ce deuxième coup foiré consacrera définitivement sa retraite footballistique, surtout qu’il a été accueilli à son retour au Stade par un mépris de l’encadrement technique. La même année, en sa qualité d’infirmier, il décroche un contrat de quatre ans pour servir dans différents centres de santé de la région de Gao.
De 2000 à 2007, Aly est recruté par l’ONG “Médecins du Monde” pour servir comme Point focal chargé de la Fistule végico-vaginale. En 2008, il signe un contrat avec “Médecins Sans Frontières”. Il était l’infirmier chargé du choléra.
Depuis quelques temps, l’ancien international du Stade malien de Bamako est au chômage. Il nous a confiés qu’une suite favorable n’a pas été réservée à ses différentes postulations pour les appels à candidature de diverses ONG, notamment la Croix Rouge Internationale.
Avec les Blancs de Bamako, Aly a remporté 6 Coupes du Mali (1984,1985, 1986, 1988, 1990, 1992), 4 titres de champion (1984, 1987, 1989, 1993) ; réalisé un doublé (1984). A cela, s’ajoute la coupe Cabral remportée à Bamako par le Mali en 1989.
S’il est difficile pour Aly Diarra de parler de tous les bons souvenirs de sa carrière, il retient quand même quelques mauvais notamment : les différentes éliminations des Aigles, la lourde défaite du Mali contre la Côte d’Ivoire en 1985, la défaite en finale du tournoi Cabral en Guinée Bissau (1988), le match contre le Cameroun à Bamako (1991), le mépris de l’encadrement du Stade à la fin de sa carrière.
L’enfant de Mopti, âgé de 58 ans, est marié et père de 4 enfants dont trois filles.
O. Roger