Le Stade malien de Bamako a connu trois joueurs avec le sobriquet “Pelé”. Yacouba Diarra dit Yacou Pelé, il est un pur produit du jardin d’enfants de Ben Oumar Sy. Il est de ces jeunots qui ont pris la relève au Stade, suite à la saignée provoquée par le départ en France de Cheick Diallo, Moussa Traoré dit Gigla, Mamadou Keïta dit Capi. Malheureusement son destin sera estropié par deux faits : la suspension de l’équipe type du Stade, et une fracture en mars 1978. Le deuxième s’appelle Ichiaka Traoré dit Pelé Blanc. De taille moyenne, il avait un talent magnifique, qui s’est fondu sous l’ombre des Seydou Diarra dit Platini, Abdoulaye Kaloga, Yacouba Traoré dit Yaba… Utilisé comme joker, il n’a pas pu s’imposer, à la mesure de ses potentialités techniques. Parce que son temps de jeu était insuffisant. Abdramane Traoré dit Kolokani Pelé est le troisième. C’est d’ailleurs lui qui est notre héros du jour pour la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Son distinguo avec les deux “Pelé” réside dans son style afro, et sa corpulence avec des pieds (un peu) arqués. Il a vite disparu de la scène au Mali. Qu’est ce qui a motivé ce départ prématuré du Stade ? Quelle a été la suite de sa carrière en France ? Ses activités professionnelles ? Quelles sont ses ambitions pour apporter sa contribution au développement du football malien ? A t-il tourné dos à son village natal, Kolokani ? Abdramane Traoré a eu les mots justes pour répondre à toutes ces questions. C’est bien sûr dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”.
C’est dans son village natal, Kolokani, où il évoluait dans l’équipe locale, l’OCK, qu’il a pris le surnom de “Pelé”. En plus des biennales artistiques et sportives, il renforçait également l’équipe de Nionssombougou lors des éliminatoires de la coupe du Mali, quand il faisait encore la 7ème A en 1975.
Le coup de pouce de Roland
Véritable tour de contrôle, en sa qualité de milieu offensif, Abdramane Traoré s’est imposé dans le cercle de Kolokani comme un maestro, la vedette du village. Admis au DEF en 1979 et orienté au lycée de Badalabogou, son oncle Boubacar Dossolo Traoré voulait qu’il évolue à l’AS Réal. Pourtant, Kolokani Pelé soutient deux argumentations qui ont pris le dessus sur la volonté de l’oncle : la couleur du Stade malien de Bamako, et les conseils de son professeur de sports, Mamadou Diakité dit Doudou, ancien joueur et entraîneur des Blancs de Bamako. Sans tarder, il signe sa première licence dans la famille Blanche, où les LassineSoumaoro, Moussa Kanfédeny, Issa Bagayoko, Adou Kanté, Djofolo Traoré, Ibrahim Berthé dit M’Bappé, Cheick Oumar Koné tenaient le flambeau. Détenant le pouvoir de la vitesse d’exécution, la faculté de tenir un milieu, avec comme secret la mise sur orbite de ses partenaires attaquants, Kolokani Pelé s’acclimata très vite à l’atmosphère régnante au Stade où il ne passera pourtant pas plus de trois ans. En réalité, c’est une opportunité qui s’est offerte à lui. Laquelle ? Nous en reparlerons plus bas. Déjà, il avait été convoqué en équipe nationale pour la coupe Amilcar Cabral, édition 1980, en Guinée Bissau, et remporté la coupe du Mali devant l’AS Biton de Ségou (4-2) en 1982.
Au lendemain de la finale de la coupe de la municipalité lors de la saison 1982-1983, un coopérant français du nom de Roland lui propose un contrat professionnel. Pelé se rappelle encore les détails de ce coup de pouce : «Quand Roland m’a proposé un contrat pour jouer à Strasbourg, je lui ai demandé de me donner un temps de réflexion. Pour être précis, je voulais d’abord décrocher mon baccalauréat, et continuer l’aventure de la coupe UFOA avec le Stade qui devait jouer les demi-finales. Il a accepté ma proposition. Finalement, les choses sont allées plus vite : j’ai eu mon BAC et le Stade a été éliminé. Voilà comment je suis parti du Mali, pour une aventure française.
Du coup, j’ai signé un contrat professionnel de quatre ans à Strasbourg. Compte tenu de la présence de deux Brésiliens, je ne pouvais jouer, donc je me contentais des séances d’entrainement en attendant la régularisation de ma situation administrative. Laquelle sera résolue au bout de trois mois avec ma naturalisation. J’ai pris le train en marche pour m’imposer dans l’équipe strasbourgeoise jusqu’à la fin de mon contrat. Trois mois avant la fin dudit contrat, j’ai émis l’idée de ne plus renouveler le bail, malgré l’insistance des dirigeants. J’ai de nouveau signé à Bastia, qui évoluait en D2.
La raison ? Parce que Strasbourg se battait pour le maintien tout le temps, or de l’autre côté, c’était le haut niveau du point de vue enjeu et ambitions. C’est seulement les façons de jouer qui différaient. De Bastia, je suis allé à Troyes pour deux ans (1990 -1992). C’est là où on m’a informé du passage de mes compatriotes Cheick Diallo, Moussa Traoré dit Gigla, et Issa Yattassaye.Après j’ai signé pour cinq ans au Stade Quimpérois (1992-1997).»
Faudrait-il rappelé que durant sa carrière de joueur professionnel, l’enfant du Bélédougou a toujours répondu aux appels de l’équipe nationale, notamment contre le Côte d’Ivoire en 1985 pour les éliminatoires de la CAN 1986. Il n’a pas pu participer au sacre des Aigles à Bamako, lors de la coupe Amilcar Cabral en 1989.
Convoqué par l’entraineur Kidian Diallo, Kolokani Pelé s’est blessé à l’entrainement. Le cœur meurtri, il est resté avec le groupe jusqu’à la fin de la compétition.
Appel des pieds à la Femafoot
C’est au Stade Quimpérois qu’Abdramane Traoré a pris sa retraite en 1994, avant même la fin de son engagement contractuel. Parce que le club a eu des ennuis, et s’est retrouvé en liquidation judicaire. Au-delà de cette difficulté à laquelle son équipe a été confrontée, il désirait se trouver un emploi et créer un foyer.
Pelé avait des projets puisqu’à son arrivée à Strasbourg en 1982, avec son baccalauréat en poche, il n’a pas mis de temps pour s’inscrire à la Faculté de Droit. Avec sa maîtrise, il a décroché un poste au Service Marketing et Développement de la maison d’équipement ADIDAS. Certes, il mène d’autres activités dans divers secteurs, mais Kolokani Pelé travaille toujours dans ladite société.
S’il pense que les mauvais résultats sont inhérents au football, il se rappelle encore sous forme de mauvais souvenirs les différentes éliminations des Aigles, et même parfois des clubs maliens, par leurs bêtes noires de l’époque : la Côte d’Ivoire, l’Algérie, la Guinée.
Comme bons souvenirs, il retient les moments passés avec tous ces entraineurs : Kéké, Capi, Doudou ; mais aussi l’ambiance lors des regroupements de l’équipe nationale ; et la rivalité, mais dans la convivialité, entre les joueurs, à la veille des derbys ; enfin la coupe du Mali en 1982 remportée par le Stade malien de Bamako.
A-t-il rompu avec son village natal, comme le font beaucoup d’expatriés ? A-t-il des projets pour le football malien ? Kolokani Pelé répond : “je ne saurai rompre avec mon village, qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Je vais au Mali trois fois dans l’année, et logiquement je m’en vais dans mon Kolokani natal pour voir mes amis d’enfance. Certains ont deux, trois femmes, d’autres sont malades, et ils vivent tous de la daba. C’est cela aussi la vie. Durant mes séjours, je leur rends visite et nous parlons des souvenirs d’enfance.
Pour ce qui est de mes projets pour le football malien, il est tout à fait normal que je songe à aider le sport de mon pays. Surtout que j’ai passé des diplômes d’entraineur à Clairefontaine. J’ai l’habitude de faire des propositions à l’ex président de la Femafoot Boubacar Baba Diarra. Il s’agissait de former une équipe technique autour des entraineurs des équipes nationales. C’est-à-dire à la veille d’une campagne, je prendrai un congé pour assister l’encadrement technique par rapport à la façon de s’entrainer, tout en formant les attaquants et forcer un automatisme entre eux.
Je n’ai aucune intention de faire débarquer qui que ce soit. J’ai déjà un boulot, donc il serait aléatoire que je m’engage en Afrique pour une si longue aventure. En cas d’échec, je perdrais tout. Mais, je voudrais vraiment aider mon pays, à ma façon. Pour le moment, je n’ai pas eu de feed-back de la part de la fédération. Je suis optimiste que la situation évoluera un jour, Inch Allah.”
Abdramane Traoré dit Kolokani Pelé est marié et père d’une fille du nom de Fatoumata Traoré dite Fatim, qui joue d’ailleurs avec les Aigles dames, et est sociétaire de Saint Gratien après un tour à Troyes.
Au cours de notre entretien avec l’enfant du Bélédougou, nous avons fait le constat qu’il a confiance en l’avenir, et place dans un contexte positif beaucoup de paramètres de la vie. Kolokani Pelé est un homme de cœur, qui n’aime pas l’hypocrisie, parce que, pour lui, un hypocrite est capable de tout pour atteindre son objectif, et quoi que cela puisse coûter.
- Roger Sissoko
Bonjour Roger, sauf erreur, le Stade malien a connu un autre Pélé du nom de TOURE Abdoulaye et, qui a joué à l’époque avec Kolokani Pélé, Kanfédéni etc…
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