Quand Boubacar Baba Diarra se raconte : “J’ai dirigé avec beaucoup de bonheur le football malien eu égard au résultat que le Comité exécutif a engrangé durant mon mandat”

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“La fin de mon mandat à la tête de la Fémafoot a été une période noire de ma vie. J’étais devenu l’homme à abattre”

Après un mandat de 4 ans (2013-2017) à la tête de la Fédération malienne de football, feu l’inspecteur général de police, Boubacar Baba Diarra s’était retiré du monde du football. Il avait accordé une interview-bilan à une radio de la place en langue nationale. Nous le transcrivons pour vous.

Parlant de sa carrière footballistique, Boubacar Baba Diarra a fait savoir qu’il était venu au football tout petit : “Comme tout le monde le sait, Ouolofobougou est un quartier de football et de footballeurs. Ce quartier a donné beaucoup de grands joueurs au football malien, aux différents clubs, à l’équipe nationale. Je peux citer, entre autres, Salif Kéita alias Domingo, Sadia Cissé, Faran, Waby, Sadibou, Danté, et beaucoup d’autres joueurs. Les Salif Kéita avaient créé une équipe dénommée Onze Diables de Ouolofobougou, une équipe qui gagnait tous ses matches. Les Salif Kéita, Métiou… jouaient dans cette équipe. Nous sommes nés dans les pattes des Salif Kéita et autres. Ils étaient nos grands frères et nous les accompagnions dans les stades. C’est comme  ça que nous leur avons succédé dans cette équipe et dans des compétitions de quartier quand ils ont évolué vers de grands clubs.

Quand je suis arrivé au lycée Technique de Bamako, j’ai été sélectionné dans l’équipe de cet établissement. De cette équipe, j’ai signé la licence avec l’Union sportive des fonctionnaires de Bamako. Après, cette équipe a fusionné avec l’Alliance pour devenir la Renaissance club de Bamako dont j’étais le capitaine. Quand j’ai été recruté dans l’armée, j’ai joué avec l’Union sportive des forces armées et de sécurité (Usfas). Quand je suis arrivé en France en 1979 pour faire mon doctorat, j’étais à l’Université de Caen en Normandie, l’équipe de Caen m’a recruté pour jouer en division d’honneur. J’ai passé 3 ans dans cette équipe, le temps de finir ma thèse et de revenir au Mali”, disait-il.

“Au Conseil de Tombouctou, j’ai été obligé de retirer ma candidature car ATT avait promis le poste de président de la Fémafoot à Kola Cissé”

Evoquant l’histoire de sa carrière de dirigeant, il a laissé entendre qu’étant DAF du ministère de la Défense et de la Sécurité, il faisait partie des dirigeants de l’Usfas. Dans les années 1995, Salif Kéïta a créé le Centre Salif Kéita (CSK) pour l’imposer comme 1er vice-président de ce club. “C’est comme ça que ma carrière de dirigeant sportif a commencé. J’ai été 1er vice-président du CSK pendant quand les meilleurs joueurs du Mali, Seydou Kéita, Mahamadou Diarra dit Djilla, Dissa, Scifo, Karembé et autres sortaient de ce club. Nous les avons encadrés au CSK. J’ai été pendant 2 ans vice-président du CSK, le temps qu’il monte en 1re division. Ensuite, la Caf a exigé à toutes les fédérations de créer une commission des jeunes en leur sein pour s’occuper de l’encadrement des cadets, des juniors et des U23. C’est ainsi qu’Amadou Diakité est venu me voir pour être le président de la première Commission des jeunes de la Fédération malienne de football. C’est comme ça que je suis entré dans la Fédération malienne de football en 1997 comme président de la Commission centrale des jeunes. Nous avons continué jusqu’à l’organisation de la Can-2002 au Mali. Pour cette Can, Amadou Diakité m’a pris comme manager des seniors jusqu’à la fin de la Can. Après la Can 2002, le Mali était 4e.

C’est ainsi qu’Amadou Diakité s’est retiré de la Fédération, mais en restant à la Caf et à la Fifa. Nous avons demandé à Tidiane Niambélé qui était 1er vice-président de la Fémafoot de devenir président de la Fédération. Ce dernier n’a pas fait plus de deux ans à cause de convulsions internes au sein de la Fédération. Tidiane Niambélé était obligé de quitter la Fédération. Entre-temps, j’avais aussi quitté la Fédération. C’est ainsi qu’ATT a appelé Salif Kéïta, Karounga Kéïta, pour dire qu’après la démission de Tidiane Niambélé, le football doit revenir aux anciens footballeurs. C’est comme ça qu’il a demandé à Salif Kéïta de se porter candidat pour la présidence de la Fémafoot afin de rassembler la famille du football. Salif Kéita est venu me chercher pour être 2e vice-président de la Fémafoot. C’est comme ça que je suis retourné à la Fédération. Et j’ai continué avec Salif Kéïta jusqu’en 2008 qui a vu la qualification du Mali à la Can Ghana-2008.

Mais ça n’a pas marché. Salif a décidé de démissionner, mais en me demandant d’être candidat à la tête de la Fédération. J’ai donné mon accord et je me suis présenté. Mais il y avait des problèmes parce qu’ATT avait promis le poste de la présidence de la Fédération à un de ses frères de Mopti, en la personne de Kola Cissé. Nous sommes allés au Conseil de Tombouctou. Durant 3 jours, le Conseil n’a pas pu se tenir à cause des problèmes. C’est comme ça qu’ATT a appelé mon ministre, le général Kafougouna Koné, pour lui dire de lui rendre un service en me demandant de retirer ma candidature pour qu’il ne perde pas la face. Je ne mens pas sur ATT qui n’est plus de ce monde. C’est ainsi que j’ai retiré ma candidature. Et Kola Cissé a pu être président de la Fédération. Nous avons continué comme ça. Quatre ans après, le résultat de Kola Cissé n’était pas bon. Des dirigeants de football sont venus me voir pour me demander de me porter candidat pour la présidence de la Fédération. Parmi ces dirigeants, il y avait les présidents des ligues de football de Kayes, Tombouctou, Gao, en plus de quelques présidents de clubs de Bamako. C’est comme ça que j’ai accepté. Nous avons battu campagne. Et j’ai gagné au Conseil de Mopti”.

Devenu président de la Fédération, Boubacar Baba Diarra a confié qu’il a dirigé avec beaucoup de bonheur la Fédération malienne de football eu égard au résultat que son  bureau a engrangé durant les 4 ans de mon mandat. Mais il a été très amer sur certains points de sa présidence.

“Vers la fin de mon mandat, les choses n’ont pas été faciles. L’atmosphère n’était pas du tout bonne. Ça été une période noire de ma vie. Je n’ai jamais compris que pendant que je produisais les meilleurs résultats pour le football de mon pays, c’est en ce moment que j’étais avili par quelques représentants du gouvernement malien. Nous avons remporté la 1re Coupe d’Afrique junior pour le Mali en 2015. En 2017 nous avons pris le même trophée. Sous ma présidence, le Mali a été vice-champion du monde au Chili. Nous avons été 3e mondial avec à la clé le prix du meilleur junior en Nouvelle Zélande. Le Mali a été vice-champion d’Afrique au Rwanda.

Entre-temps, j’ai fait gazonner sur fonds propres de la Fémafoot 10 terrains de football pour les clubs de 1re division. J’ai électrifié à peu près 6 terrains de football pour que les clubs de 1re division puissent avoir beaucoup de temps d’entraînement. Parce qu’au Mali les entraînements se font entre 16 h et le coucher du soleil. Ce qui équivalait souvent à une heure de temps d’entraînement. Ensuite, avec l’aide de la Fifa, mon bureau a mis du gazon synthétique de dernière génération sur le terrain de Tombouctou qui a coûté 300 millions de F CFA. J’ai pu faire bénéficier des régions quand j’étais à la tête de la Fédération.

Mais malgré tous ces résultats, j’étais devenu l’homme à abattre, la cible d’un ministre de la République commandité par les plus hauts responsables du pays. La première opposition à la Fédération malienne de football était le ministre des Sports de l’époque. Tellement nos rapports étaient difficiles, il est arrivé à fermer les stades à la veille d’une compétition en empêchant les joueurs de l’équipe nationale de s’entraîner. Pour ce match, les joueurs n’étaient pas dans de bonnes conditions. J’ai pris un hôtel de luxe pour interner les joueurs dans de bonnes conditions.

L’animosité était grande entre la Fédération et le ministre des Sports. Au départ de l’équipe au Chan du Rwanda, le même ministre a refusé d’acheter des médicaments pour les joueurs. C’est quand le Mali s’est qualifié à la finale, qu’il a voulu remettre l’argent des médicaments. Avec le ministre Housseyni Amion Guindo, pour la première fois, un ministre a refusé de payer les primes des joueurs alors qu’il avait un budget pour ça. Quand j’étais président, c’est moi qui payait les billets des clubs participant aux compétitions africaines. Le ministre des Sports n’a jamais donné un franc de l’argent que le gouvernement mettait à sa disposition pour le football. Je le défie de le démentir. Dans le budget d’Etat l’argent est donné au ministre pour les fédérations. Il n’a jamais donné cet argent. A un moment donné, il est même allé à la Fifa pour dire de me chasser parce qu’il ne s’entendait pas avec moi. Les responsables de la Fifa ont refusé de le recevoir. Je n’ai jamais vu un ministre comme lui. Ce jour, il a été la honte pour le Mali. Cela ne lui a pas suffi. Il a pris la décision de suspendre la Fédération. Le gouvernement l’a contraint de revenir sur sa décision. Ensuite, il payait des gens pour nous insulter au terrain.

Housseyni Amion Guindo ne méritait pas d’être ministre. Je ne sais ce que nous lui avons fait. Il m’a même accusé de détournement de 2 milliards de FCFA. Durant les 4 ans que j’ai passées à la Fédération, la Fifa nous a donné 1 250 millions FCFA (ndlr : 1,250 milliard). Ensuite, il a porté plainte contre nous au Pôle économique.

Pendant  3 mois d’investigation, le Pôle économique a décortiqué tous nos dossiers sans trouver quoi que ce soit. Le procureur du Pôle économique a prononcé un non-lieu. Cela ne lui a pas suffi, il a écrit des lettres anonymes à la Fifa pour nous accuser de détournement. La Fifa a mandaté un cabinet suisse, Madar, pour nous contrôler. Ce cabinet n’a rien trouvé contre nous. Voilà pourquoi je n’ai pas voulu continuer. Je me suis arrêté là. Je ne me suis pas porté candidat à ma propre succession.

J’ai arrêté en 2017. Je veux que le  ministre et ses commanditaires sortent pour dire ce que Baba leur a fait. Poulo était un bon petit frère pour moi parce que nous avons fait ensemble le bureau de Salif Kéita dans lequel j’étais 2e vice-président et lui 3e vice-président. Nous avons bien collaboré. C’est quand il est devenu ministre qu’il y a eu rupture entre nous. Qu’est-ce qui explique cette rupture ? […] J’aurais souhaité qu’il donne sa version des faits pour taire cette crise. Je le défie pour un débat contradictoire”, déplorait-il amèrement, sans jamais voir le ministre en question relever son défi d’un débat contradictoire, jusqu’à sa mort.                                                                       

Siaka Doumbia

 

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