«Pourquoi les pays convoitent-ils avec tant d’ardeur l’organisation des Jeux olympiques ou la Coupe du monde de football et sont prêts à tous les sacrifices pour l’obtenir» ?
C’est la question qu’un lecteur nous a posé après la série d’articles consacrés aux Jeux et au sport en République populaire de Chine.
La question est sans doute anodine, mais elle est loin d’être naïve car il est difficile pour le citoyen lambda de comprendre les enjeux sociopolitiques et surtout économiques liés à ces événements prestigieux.
Mais, référons-nous à notre propre expérience avec l’organisation de la CAN «Mali 2002». Conçu alors comme un projet de développement par le président Alpha Oumar Konaré (qui a mis tout son poids politique dans la balance pour que le Mali puisse avoir l’organisation de la compétition), cette manifestation a marqué le début de la métamorphose actuelle de notre capitale et des capitales régionales (Kayes, Sikasso, Ségou et Mopti) qui ont abrité des rencontres de cette CAN.
Même s’il est vrai qu’à cause du Diatiguiya (hospitalité malienne) prônée comme valeur, notre économie n’a pas ressenti l’impact économique comme on aurait souhaité.
Mais, ce genre d’événements est l’occasion rêvée par les sponsors et les médias pour se remettre en valeur en termes d’images et d’audimat.
L’arrivée de grands événements sportifs comme les Jeux olympiques «Pékin 2008» (Chine) a été une aubaine pour les grandes marques qui ne cherchent qu’à passer devant leurs rivaux et à augmenter leur chiffre d’affaires.
Ainsi, les J.O de Beijing ont été «le plus gros succès commercial du 21ème siècle», avait déclaré M. Gerhard Heiberg, directeur du marketing du Comité international olympique (Cio).
Le sponsoring se caractérise, dans le cas des jeux olympiques, comme une opération de commerce visant essentiellement à promouvoir ou à valoriser des produits à travers l’image du sportif. Il présente alors plusieurs intérêts pour les entreprises comme le développement de la clientèle ou encore la publicité de ses produits.
Le sponsoring est aussi avantagé grâce aux médias. En effet, lors des jeux, les sportifs sont filmés avec leur maillot sur lequel on peut apercevoir les marques qui les sponsorisent. Ce qui assure une publicité efficace permettant aux marques de tirer des bénéfices de ces grands événements sportifs.
Au niveau international et dans les pays développés ou émergents, les médias sont un excellent levier du sponsoring. Surtout que toutes les vedettes et jeunes talents du sport mondial sont sponsorisés par des marques plus ou moins connues selon la célébrité de ceux-ci. Ce qui fait des maillots et d’autres équipements de vrais «panneaux publicitaires» suite au nombre imposant de sponsors intéressés par les jeux.
Il est vrai que la relation sponsor-média assure une rente qui est profitable aux entreprises et aux marques, mais les médias sont aussi gagnants dans ces événements.
En effet, les droits de retransmissions sont répartis entre les chaînes de télévision permettant à celles-ci de réaliser un score d’audience particulièrement élevé lié à la passion des téléspectateurs qui ne peuvent assister à ces prestigieux événements sportifs pour diverses raisons.
Une juteuse concurrence
Le principal but des sponsors est bien sûr d’attirer l’attention des spectateurs sur eux afin d’entraîner un besoin de consommation. Ce qui crée une grande rivalité entre les diverses marques, car chacune tente de tirer le meilleur bénéfice de ces jeux au détriment d’un investissement considérable sur ceux-ci ou sur les sportifs.
Pour les J.O 2008, l’exemple marquant a été celui de la rivalité entre deux équipementiers, en l’occurrence Adidas et Nike. Jusqu’en 2008, Nike dominait le marché chinois. Mais, Adidas qui souhaitait assurer une visibilité supérieure à celle de son rival américain a déboursé 100 millions de dollars pour être l’équipementier officiel des Jeux Olympiques, «Beijing 2008».
Cet évènement sportif était pour l’équipementier allemand l’occasion de doper son chiffre d’affaires en Chine. Et pour y parvenir, il avait quotidiennement ouvert plus d’un point de vente de proximité. Mieux, pour toucher la population, Adidas avait sponsorisé Yao Ming.
Né le 12 septembre 1980 à Shanghai, ce dernier est un ancien joueur chinois de basket-ball qui évoluait aux Rockets de Houston (Usa) au poste de pivot. Il était le joueur le plus grand de la National Basketball Association (Nba) avec une taille de 2,29 mètres. Il était en activité au moment des J.O de Pékin.
D’après une étude chinoise, en 2005, Nike a réalisé 600 millions de dollars de chiffre d’affaires contre 385 millions de dollars pour Adidas. Mais la marque allemande, grâce aux J.O de 2008, tablait sur 1,36 milliards de dollars de chiffre d’affaires contre 1 milliard de dollars pour Nike en 2010.
«Les Jeux Olympiques ne sont pas seulement une compétition sportive mais aussi un immense business pour ces marques qui veulent s’affirmer et être le numéro un», souligne un chroniqueur et spécialiste du marketing du Sport.
Prestige et croissance économique
Toutefois, les retombées économiques pour les pays organisateurs ne sont pas non plus moindres.
Elles sont très importantes, que ce soit sur le point dépenses ou recettes, les jeux coûtent cher comme le montre l’exemple de Montréal en 1976, la ville remboursa sa dette 30 ans après l’organisation des jeux.
Ce désastre économique fut provoqué par le budget insuffisant et le retard considérable qu’avaient pris les travaux. Ce coût s’explique surtout par la construction des infrastructures ainsi que les travaux effectués dans certaines villes (rénovation, entretien…).
Si les pays cherchent à s’endetter autant pour l’organisation, c’est pour les retombées économiques à long terme qui sont pour le moins propices dans le domaine touristique et sportif.
En effet, les jeux ne rassemblent pas que des sportifs de haut niveau; ils rassemblent aussi des reporters et des fans venus du monde entier. L’intérêt que certains portent aux jeux est immense.
Ce qui apporte de bonnes rentrées d’argent pour les commerces avoisinants le Village olympique ou encore la vente de billets qui se compte par millions. Ce gain d’argent, à long terme, s’explique par les infrastructures construites qui accueilleront par la suite un bon nombre de compétitions non-olympiques. Comme les 15e championnats du monde d’athlétisme que Beijing vient d’abriter dans le célèbre «Nid d’Oiseaux» du 22 au 30 août 2015.
Cette rentrée d’argent peut se comprendre par l’emballement des spectateurs pour le sport. Ce qui est une très bonne aubaine pour la ville organisatrice. Cet engouement se traduit également par une importante augmentation du nombre de licenciés dans les associations sportives. Ce qui n’est pas anodin pour un pays pour qui sait que ce phénomène engendre des rentrées d’argent plutôt confortable pour l’économie nationale.
Les jeux permettent aussi la création de nouveaux emplois, certes non stables, mais qui ne sont pas négligeables pour la ville. Il est ainsi attendu de l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de 2022 la création d’environ 600 000 nouveaux emplois à travers les industries du sport, de la culture, du tourisme et des loisirs à travers le développement de la ceinture culturelle et touristique de Pékin-Tianjin-Hebei.
Une autre rentrée économique est celle des commerces environnants, les magasins de sport font des bénéfices de même que les fast-foods ou autres commerces qui incitent le consommateur à acheter un des produits représentant son pays favoris.
L’organisation d’un événement sportif prestigieux comme la Coupe du monde, les mondiaux d’athlétisme ou les J.O contribue donc au développement de trois secteurs d’activités. Il s’agit de la création d’emplois, du tourisme qui engendre des recettes, et l’économie du sport qui permet une augmentation de la pratique sportive, donc une utilisation courante des équipements sportifs achetés en magasin.
Pour le président de la République de Chine, Xi Jinping, l’ambition d’accueillir les Jeux de 2022 est liée à la conviction que cet événement sera «une source d’inspiration pour la participation de plus de 300 millions de Chinois à la pratique des sports d’hiver».
Un tremplin pour la modernisation urbaine
L’organisation des Jeux olympiques par Pékin en 2008 a été une expérience assez édifiante sur les enjeux d’une telle responsabilité. A l’époque, la Chine était en pleine croissance économique. Organiser les jeux a donc été un tremplin pour lancer de nombreux travaux urbains et interurbains sur un budget considérable estimé à 40 millions de dollars pour doter le pays en infrastructures modernes.
La Chine a profité de l’aubaine pour démontrer sa puissance, sa modernité et son efficacité à travers des chantiers de construction des routes et d’immeubles gigantesques (immeubles de 30 étages). Le prix de l’immobilier, suite à la spéculation, était alors monté en flèche.
Selon les économistes, les Jeux de Pékin ont donné du punch à l’économie nationale sur fond de hausse de la consommation chez les Chinois, accélérant surtout l’émergence d’une classe moyenne.
Sans compter que les entreprises chinoises ont également profité de l’opportunité pour soigner leur image aux yeux des visiteurs en mettant en évidence leur force dans une sphère des technologies, des marchandises et des services.
Elles se sont ainsi mieux positionnées pour conquérir de nouveaux marchés. De la 3e position, la République populaire de Chine est par la suite devenue la 2e économie du monde en supplantant son grand rival en Asie, le Japon.
Aujourd’hui, elle est en passe de damner le pion à l’économie américaine. Et l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de 2022 sera un précieux coup de pouce pour atteindre ce but !
Moussa Bolly