Dans une déclaration à l”AFP, El Hadji Diouf réclame le déplacement de la CAN de janvier à juin. Il n”est ni le premier, ni le dernier à le faire, renforçant les tentatives toujours restées sans suite jusque là des grands clubs européens. Un tel changement de calendrier est inconcevable pour toutes sortes de raisons…Gérard Dreyfus lui répond.
Dans un entretien à l’Agence France Presse, l’attaquant international sénégalais de Bolton, El Hadji Diouf, a suggéré le déplacement de la Coupe d’Afrique des Nations au mois de juin, c’est-à-dire après le dernier match du championnat d’Angleterre. Il n’est pas le premier à soulever le lièvre. Cela fait au moins deux bonnes décennies qu’à intervalles réguliers la question est remise sur le tapis. En règle générale ce sont les employeurs européens qui s’insurgent contre le départ « intempestif » des internationaux, les années paires, vers l’un ou l’autre des pays africains. Ils oublient que, de manière aussi récurrente, lorsqu’ils engagent un joueur africain, ils disent tenir compte de son absence pendant la Coupe d’Afrique. Paroles presque aussi vite prononcées qu’oubliées.
Loin de moi l’idée d’encourager une nouvelle polémique sur le sujet. Mais il m’a semblé utile de rappeler quelques notions de base.
– le calendrier international a été élaboré par la FIFA en totale harmonie avec les différentes Confédérations continentales. Chaque fois qu’il vient à la CAN, le président Sepp Blatter ne cesse de le répéter : la Coupe d’Afrique des Nations a lieu au début de l’année, il n’y a aucune raison de modifier ses dates. Ceux qui étaient en 2006 au Caire se souviennent des propos qu’il avait tenus lors de sa conférence de presse ;
– et puis, comment ferait-on les années de Coupe du monde, d’Euro et de Jeux Olympiques ? Pas de CAN ces années-là ! Le football africain serait rabaissé à une sorte de satellite du football européen, tenu de se soumettre aux bonnes dispositions des clubs qui cherchent par tous les moyens à imposer leur loi ! Vous imaginez la CAN en concurrence directe avec l’Euro ?
– certains suggèrent donc de déplacer la CAN aux années impaires. Le calendrier de ces années est suffisamment chargé avec les Coupes du monde cadets et juniors, sans parler du Mondial féminin pour ne pas ajouter d’épreuves supplémentaires
– le calendrier africain ne peut pas ne pas tenir compte des paramètres climatiques. Le mois de juin n’est pas le plus propice au déroulement d’une manifestation qui réclame, pour la qualité des terrains ni trop de sécheresse, ni trop de pluies ;
– jouer en fin de saison européenne hypothèquerait grandement le rendement des joueurs physiquement éprouvés par une saison que l’on sait trop longue et, pour beaucoup, les priverait de vacances. Le niveau de la compétition s’en trouverait nécessairement amoindrie.
– Enfin quelques uns aimeraient bien que la CAN ne se déroule plus que tous les quatre ans. Ce serait aller contre le développement du football en Afrique, notamment au niveau des infrastructures.
Dernière remarque sur ce point : le président Blatter a récemment suggéré que la saison dans tous les pays d’Europe démarre en février-mars pour s’achever en octobre – novembre. Si une telle proposition voyait le jour – et pourquoi pas – les dates de la CAN susciteraient-elles encore la moindre controverse ?
Il ne suffit pas d’émettre des critiques encore faut-il argumenter, développer ses idées et proposer des solutions de remplacement qui en soient vraiment. Le drame c’est que lorsque ces critiques sont émises par un joueur de grande renommée, deux fois désigné footballeur africain de l’année, elles encouragent les dirigeants européens à continuer leur travail de sape.
Un travail qui a notamment contraint la plupart des sélections africaines à venir faire leurs stages de préparation en Europe y compris à la veille de rencontres devant se dérouler en Afrique. Un travail dont on sait qu’il a empêché certains joueurs de répondre présent aux rendez-vous internationaux.
Quant à la valeur des représentants africains à la dernière Coupe du monde, « je les respecte, dites-vous Monsieur Diouf, mais chacun sait que les grandes équipes d’Afrique n’étaient pas en Allemagne ». Là encore le débat est clos. Pour fixer les esprits en avril 2004, à la veille des éliminatoires jumelées CAN/Coupe du monde, le Sénégal occupait la 32e place mondiale au classement FIFA, la Tunisie était 34e, la Côte d’Ivoire 75e, le Ghana 84e, le Togo 89e et l’Angola 90e. En octobre 2005, à la fin des éliminatoires, le Sénégal avait perdu deux places, le Togo gagné 40, le Ghana 33, l’Angola 30, la Côte d’Ivoire 27 et la Tunisie 7. Aujourd’hui le Ghana est la 19e équipe mondiale (+ 65), la Côte d’Ivoire 20e (+ 55), l’Angola 57e (+ 33) et le Togo 71e (+ 28). Deux pays ont rétrogradé, le Sénégal 45e (- 13) et la Tunisie, pourtant présente à la Coupe du monde, 46e (- 12). Ce ne sont que quelques chiffres établis sur la base des résultats obtenus par les sélections nationales. Il ne s’agit pas d’établir une hiérarchie en fonction du talent des joueurs ou des potentialités de telle ou telle équipe. Seule la vérité du terrain compte. Pour terminer, à la veille de la Coupe du monde 2002, Hossam Hassan et Hani Ramzi, Noureddine Naybet et Mustapha Hadji auraient pu aussi déclarer que les meilleures équipes africaines n’étaient pas en Asie puisque l’Egypte et le Maroc, par exemple, n’étaient pas du voyage. Ils ne l’ont pas fait.
Le football africain a son identité propre. Le rôle des plus en vue n’est pas de le minimiser et d’accepter la règle du terrain. La question la plus préoccupante du moment est celle des compétitions nationales désertées par les joueurs qui quittent le continent par brassées, même quand ils ne sont pas les meilleurs. Un exode qui entraîne une dramatique désaffection du public qui reste devant sa télé pour regarder le meilleur (enfin pas toujours !) du football européen.
par Gérard Dreyfus
Article publié le 04/04/2007 Dernière mise à jour le 04/04/2007 à 09:15 TU
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