Mustapha Berraf, président de l’Acnoa : «Nous devons continuer et faire en sorte que pendant un nouveau mandat, l’Acnoa trouve ses marques et s’inscrive dans la bonne gouvernance, l’unité et la solidarité»

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Président de l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (Acnoa) depuis 2018 et candidat à sa réélection, Mustapha Berraf s’est confié à RFI sur les principaux enjeux et événements sportifs de 2021 et des prochaines années, avec ce contexte compliqué lié à la pandémie de Covid-19. Le dirigeant algérien n’a éludé aucun sujet.

Président, restez-vous optimiste quant à la tenue des JO de Tokyo, malgré le contexte sanitaire toujours incertain ?

L’Afrique s’est prononcée. Le Mouvement olympique africain a une pleine confiance en les autorités du Japon et le Comité international olympique (CIO) pour mener à bien les Jeux. Nous sommes sûrs que tout va bien se dérouler. Il y a effectivement cette pénalité qui fait que les spectateurs (étrangers, ndlr) ne pourront pas y assister. Les places sont extrêmement limitées. Mais je crois sincèrement que les Japonais, et en particulier leurs dirigeants, sont convaincus que les Jeux olympiques auront lieu et que le monde doit continuer à fonctionner, doit continuer sa marche inexorable vers le progrès et la modernité. Les seules fois où les JO ont été annulés, c’était à cause d’une guerre (les éditions de 1916, 1940 et 1944, ndlr). Aujourd’hui, nous sommes face à une guerre sanitaire, extrêmement difficile sur le plan sanitaire et sportif. Mais je crois qu’il faut garder l’espoir. Comme l’a dit le président du CIO, le sport doit constituer aussi le chemin pour sortir de ce long tunnel de la pandémie.

Qu’est-ce qui vous fait penser que cela va bien se passer, compte-tenu des modalités d’organisation ?

Des webinaires se sont déroulés. Chaque grand dirigeant du monde sportif a pu s’exprimer sur les préoccupations et les situations extrêmement pénibles que nous vivons et risquons de vivre à Tokyo. Les réponses des dirigeants japonais et du comité d’organisation ont été très claires, ponctuées d’un grand message d’espoir.

Je pense qu’il faut rester sur ces notions et ce message d’espoir. Le monde ne doit pas s’arrêter, comme je le disais. Beaucoup ont connu la perte d’êtres chers, d’autres ont vécu des moments extrêmement difficiles avec cette maladie. Mais il faut avancer, la main dans la main, dans l’unité et l’espoir. Que le sport sorte grandi de cette pandémie !

La vaccination est l’une des clés de la réussite de ces Jeux. C’est une problématique assez prégnante en Afrique. Comment s’assurer que les athlètes africains qui vont participer aux Jeux puissent tous y avoir accès ? De quelle façon l’Acnoa s’est-elle investie pour faire avancer ce dossier ?

Nous sommes en train de travailler en étroite collaboration avec le CIO pour faire en sorte que toutes les délégations, les familles, les accompagnants, leur entourage soient vaccinés avant les Jeux. Nous avons engagé un processus et des négociations avec le Comité olympique russe et les autorités russes pour livrer aux comités nationaux olympiques (CNO) des pays nécessiteux des vaccins. L’accord a été donné par les hautes autorités russes. Aujourd’hui, nous voyons quel dispositif mettre en place pour permettre une livraison rapide et dans les normes.

Qui va être chargé de la récupération et de la répartition des doses de vaccins ?

La répartition des doses par CNO a été faite. Les demandes ont été finalisées. Il ne manque que quelques CNO qui n’ont pas encore formalisé de demande avec leur gouvernement. C’est une affaire de gouvernements qui n’ont pas encore formalisé l’approbation du vaccin Spoutnik V. Mais je peux vous dire qu’au niveau des autorités russes, une action est engagée avec la diplomatie pour que les livraisons se fassent par le biais des ambassades domiciliées un peu partout en Afrique.

Les autorités russes sont convaincues de la nécessité de fournir des vaccins au Mouvement olympique, et en particulier aux délégations africaines. Un autre dispositif a aussi été mis en place : il consiste à faciliter l’approvisionnement en vaccins chinois. Cela est déjà mis en œuvre. Quelques gouvernements ont déjà engagé l’opération.

Les vaccins chinois ont été quelque peu remis en cause par un haut responsable chinois de la santé qui estime qu’ils n’ont pas un taux de protection très élevé. Pour autant, cet approvisionnement reste une option pour l’Acnoa ?

Le vaccin chinois a été habilité et sa livraison a été agréée par le CIO. C’est le CIO qui a convenu, avec les autorités chinoises et le Comité olympique chinois, d’autoriser la livraison et la vaccination. J’ai posé moi-même la question, pour demander si les autorités japonaises avaient des appréhensions par rapport à ce vaccin. On m’a dit que ça ne posait pas de problème. Pour nous, la question ne souffre d’aucune équivoque. Quant au vaccin Spoutnik, je l’ai moi-même reçu à Alger. Et à part quelques rougeurs sur le bras, il n’y a pas eu de conséquence fâcheuse.

Y a-t-il en calendrier précis pour les athlètes ?

Nous comptons finaliser cette opération avant notre assemblée générale qui doit se tenir au Caire les 24 et 25 mai.

Y a-t-il des risques d’inégalités de traitement entre les athlètes africains expatriés en Europe et en Amérique et ceux qui s’entraînent en Afrique ?

Pour nous, la question se pose pour ceux qui résident en Afrique. Je pense que l’Europe et l’Amérique ont des dispositifs suffisamment intéressants pour s’occuper des athlètes expatriés (…) Il y a une solidarité africaine mais aussi mondiale dans le Mouvement olympique.

Rappelons que le CIO n’oblige pas les athlètes à être vaccinés pour les Jeux. Mais que va-t-il se passer pour les éventuels réfractaires à la vaccination ? Avez-vous déjà eu des retours négatifs en ce sens ?

Je pense que ceux qui sont réfractaires seront soumis à la situation de n’importe quel citoyen autorisé à fouler le sol japonais : ils auront des tests plus stricts à passer et le suivi sanitaire sera beaucoup plus rigoureux. Mais cela ne veut pas dire que ceux qui seront vaccinés n’auront pas à passer de tests. Chaque participant, chaque personne qui foulera le sol japonais sera soumise à un contrôle très rigoureux.

Beaucoup de compétitions africaines qualificatives pour les JO sont menacées de report ou d’annulation. Ne pensez-vous pas que cela risque de porter préjudice aux athlètes ? Que se passera-t-il si, in fine, des compétitions ne peuvent se tenir et que les athlètes ne savent pas à quoi s’en tenir à propos de leur participation ?

Je pense qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Il y a en effet quelques disciplines qui connaissent ce type de situation. Mais, au sein du CIO, une équipe suit ce qui se passe. Personne ne sera pénalisé. Les qualifications qui ne peuvent avoir lieu dans un pays sont transférées dans un autre.

C’est le cas par exemple des compétitions de lutte Afrique-Asie qui devaient se dérouler au Maroc et qui ont été transférées en Tunisie, où tout s’est très bien passé. Ce sont des aléas qui peuvent se poser aussi en situation de non-pandémie. Le CIO suit ces qualifications avec beaucoup d’attention. Je pense que tout ira pour le mieux, ne vous inquiétez pas. Nous sommes tenus au courant au jour le jour et des solutions sont apportées à toutes les problématiques.

Les prochains Jeux africains sont prévus au Ghana en 2023. Où en sont les préparatifs, compte-tenu du contexte sanitaire ?

Il y a beaucoup de difficultés, en effet. Certains budgets connaissent des retards. Nous sommes chargés de l’organisation, du marketing et du management des Jeux africains. Nous avons fait une réunion avec l’Union africaine dernièrement, et avec la commissionnaire qui s’occupe de plusieurs secteurs.

Nous avons revu les termes de notre contrat (…) La satisfaction exprimée par les autorités de l’Union africaine nous a permis de continuer sur notre lancée et notre partenariat. Il nous a été confirmé que l’Acnoa sera organisatrice, en charge du marketing et management des prochains Jeux au Ghana.

Le Ghana est un grand pays, avec un grand potentiel et de grandes potentialités. Les choses, d’ici 2023, avanceront très bien. Entre-temps, nous avons les Jeux africains de la jeunesse qui se tiendront en 2022 et qui seront un tournant très important.

Le Ghana vous a-t-il déjà présenté un projet précis de sites qui serviraient de cadre aux compétitions ?

Nous avons eu une réunion par visioconférence. Il y a eu une petite conclusion sur la répartition des rôles. Nous avons apporté des mises au point. Une réunion est programmée avec l’Union africaine fin avril, en particulier avec le président de la Commission de l’Union africaine, pour tout mettre au point. Il y aura ensuite le déplacement d’une délégation au Ghana pour prendre connaissance de la situation, en termes de logistiques prévues ou d’infrastructures en vue d’abriter les Jeux.

En cas de nécessité, le Burkina Faso pourrait être une solution de recours pour 2023. Le pays s’est aussi déclaré intéressé pour 2027. Ce pays serait-il un recours intéressant ? Aurait-il les moyens d’organiser une compétition multisports telle que les Jeux africains ?

J’ai eu maintes réunions, dont une avec ma délégation et avec les dirigeants du Burkina – dont le ministre des Sports – à Rabat. Ils ont effectivement posé leur candidature. Je pense que c’est une candidature très solide, des gens très sérieux qui envisagent l’organisation des Jeux africains en 2027. Maintenant, à propos de 2023, je ne pense pas que le Ghana défaille ou ne souscrive pas à ses obligations.

Vous êtes candidat à la présidence de l’Acnoa, à l’occasion de l’assemblée générale prévue fin mai. Pourquoi rempiler ?

Je fais partie intégrante de ce Mouvement olympique. J’ai longtemps été dirigeant de l’Acnoa, en tant que 2e vice-président, vice-président, et président depuis trois années. J’ai d’excellentes relations avec tous les CNO, et je pense que nous devons continuer et faire en sorte que, pendant un nouveau mandat, l’Acnoa trouve ses marques et s’inscrive dans la bonne gouvernance, l’unité et la solidarité.

Nous avons un programme très important, qui implique que même les CNO qui ne disposent pas de sièges soient soutenus et qu’ils puissent abriter correctement leurs activités. Le précédent exercice a été très difficile, mais nous avons pu fonctionner presque normalement malgré ces difficultés.

Nous avons eu une assemblée générale à Addis-Abeba qui a remis en ordre nos statuts et notre règlement intérieur. Nous avons mis en place un code de l’éthique qui permet d’éviter tous les débordements possibles. Nous avons finalisé nos pourparlers avec l’Union africaine, nous avons mis en place des opérations importantes de marketing qui vont permettre de soutenir les CNO.

La fondation Olympafrica a fait de grands pas ; nous sommes à presque 50 centres Olympafrica pour les jeunes démunis. Beaucoup d’activités nécessitent une continuité (…) Nous travaillons dans une restructuration associée à la transparence et à la bonne gouvernance. Nous avons eu quelques incompréhensions avec quelques membres. J’ai eu des discussions très intéressantes et poussées avec certains membres qui voyaient les choses d’une autre manière. Il y a eu une mise au point et nous sommes dans une logique d’unité et de fraternité qui ne souffre d’aucune équivoque.

Vous aurez au moins une candidate face à vous : Lydia Nsekera, l’ancienne patronne du football burundais, qui se présente à nouveau contre vous. Elle a adressé une lettre de candidature aux membres de l’Acnoa dans laquelle elle dénonce “une navigation à vue, un manque de réalisations concrètes, de vieilles pratiques”… Comment y réagissez-vous ?

Chacun a sa méthode. Moi, je lui offre tout mon respect, et je ne me permets pas de porter des jugements de valeurs sur les gens et sur le fonctionnement de ma propre institution. Il y a peut-être une méprise sur les activités de l’Acnoa, qui sont actuellement prises en exemple dans le monde entier.

Nous avons beaucoup progressé. Ça ne veut pas dire que nous sommes parfaits. Le parfait n’existe pas. Mais nous avons beaucoup progressé. Toutes nos commissions sont opérationnelles. Nous avons été les premiers à tenir nos réunions par visioconférences. Nous sommes maintenant dans la mise en œuvre des programmes d’égalité des sexes, de lutte antidopage…

Mme Nsekera a tout mon respect. Je ne vais pas lui souhaiter bonne chance, naturellement (rires). Mais c’est la démocratie, elle est libre de se porter candidate. Mais le respect doit être de mise entre les gens. C’est ce que je prône depuis toujours. La solidarité, l’unité et la fraternité sont notre leitmotiv.

Vous ne craignez pas une campagne un peu dure, où elle risque de vous attaquer frontalement sur des dossiers précis ?

Sur quels dossiers peut-elle m’attaquer ? Ma conscience est tranquille. Les présidents des CNO connaissent bien la situation. Nous avons eu à prendre des décisions difficiles. La masse salariale était exorbitante. Il fallait remettre les choses au point. Les revenus financiers de l’Acnoa doivent revenir aux athlètes et aux CNO. C’est ma vision. Il y a eu des diminutions d’effectifs, une révision de la masse salariale pour l’ajuster par rapport au mode de vie du siège. Il y a un nouveau siège magnifique, qui a été inauguré par le président du CIO. Malheureusement, elle (Lydia Nsekera, ndlr) était absente. Elle était également absente à la dernière assemblée générale à Addis-Abeba, où elle aurait pu s’apercevoir qu’il y a une large adhésion – pour ne pas dire une unanimité puisqu’il n’y a eu que deux abstentions – du Mouvement olympique et associatif africain.

Si vous êtes réélu, quelles seront vos priorités ?

Nous avons mis en place une commission de développement et une commission stratégique. Cette dernière a terminé ses travaux, qui doivent être analysés par l’assemblée générale. Et la commission de développement, qui est présidée par M. Hamad Kalkaba (président de la Confédération africaine d’athlétisme), travaille d’arrache-pied pour présenter un programme. Je pense que ce sera deux des axes principaux de nos actions.

Il y a aussi la question qui concerne les CNO qui n’ont pas de siège. Avec toutes les économies que nous avons eu à faire durant l’exercice précédent, nous avons proposé à la solidarité olympique de transférer ces montants importants pour soutenir les sièges. Le directeur exécutif de la fondation Olympafrica, M. Thierno Diack, s’occupe de ce projet. Nous avons 15 CNO sur 54 qui n’ont pas de siège, ou des sièges nécessitant rénovation. Ce sera une priorité.

Les athlètes représentent une autre priorité. Nous avons dégagé deux millions de dollars pour les soutenir. Tous les athlètes qui pouvaient avoir des résultats positifs ont bénéficié de bourses olympiques, et ils ont maintenant de quoi vivre décemment tout en se préparant dans de bonnes conditions dans leur pays. La vision est là.

Réalisée par RFI                                      

 NB : Le Titre est de la Rédation.

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