L’heure de goûter aux délices d’une participation à une Coupe du monde de football senior s’annonce-t-elle pour les Aigles du Mali en cette deuxième moitié de l’année 2021 ? La question a sa place dans le débat autour de la sélection nationale à la faveur de la campagne éliminatoire en cours pour Qatar 2022.
La réponse à la question est à multiples facettes tant l’enjeu est complexe. Un empêcheur de tourner en rond pourrait répondre par oui ou non. La démarche ici est de poser le débat et de pointer le doigt sur les écueils à éviter et sur les conditions à remplir pour relever le défi d’une première qualification pour le Mali, pendant qu’il est encore temps.
Les éliminatoires ont débuté et en deux matches, le Mali, tête de poule et mieux coté à l’indice Fifa que ses trois autres challengers (Kenya, Ouganda et Rwanda, ndlr), a manqué de prendre le large avec un capital de 6 points possibles. De l’avis général, les « Cranes » ougandais étaient amplement prenables si les Maliens n’avaient pas manqué de panache devant les buts adverses.
Dans sa réaction d’après match face à la presse, le sélectionneur national, Mohamed Magassouba, a mis en avant la pelouse détrempée par une grosse pluie à l’entame du jeu mais ne compte pas cracher dans la soupe avec ce point pris à l’extérieur.
À la décharge du technicien qui l’a même souligné en passant, les « péripéties » du voyage entre le Maroc et l’Ouganda. On se rappelle que les Aigles avaient reçu le Rwanda le 1er septembre à Agadir au Maroc, et non au stade du 26 Mars, pas encore homologué par la FIFA, avant de rallier Kampala pour la deuxième rencontre de groupe.
Par les temps actuels de l’évolution du football, le calendrier international est devenu une véritable gageure pour les nations. Concilier compétitions nationales pour les joueurs et sollicitations des sélections relève de plus en plus d’une véritable gymnastique entre le temps et les distances.
Qu’à cela ne tienne, les Fédérations et leur Etat, chacun en ce qui le concerne, retroussent les manches pour répondre à ces exigences et atteindre les résultats visés. Il s’agit, ni plus ni moins, que d’être professionnel ou périr, sinon perdre pour rester dans le langage du sport. Plus que perdre, c’est le mot «éliminé» qu’il faut redouter. Les éliminatoires de la Coupe du monde sont là pour rappeler la nécessité d’être «au top» de toutes ces exigences envers soi, selon que l’on est joueur, fédération, ministère ou Etat.
Si les Confédérations ont chacune leurs procédures dans leur zone et leurs compétitions, la Coupe du monde, elle, est unique avec la FIFA, patronne mondiale du football avec des places limitées et donc, très chères à prendre dans chaque zone continentale. Quand il s’agit de de Coupe du monde de la FIFA, il faut être à la hauteur ou passer à la trappe.
«Les moutons se promènent ensemble mais n’ont pas le même prix», dit un proverbe africain et dans le monde des compétitions sportives, chaque nation ou chaque compétiteur doit démontrer qu’il est le ‘’mouton’’ le plus cher.
L’Egypte semble avoir porté ce manteau en limogeant son sélectionneur avec le même bilan que le Mali après deux journées des éliminatoires (pourtant jamais défait depuis qu’il a pris les rênes de l’équipe), à savoir une courte victoire et un nul. Mais, nous dira-t-on, l’Egypte, c’est 7 trophées de CAN et surtout 3 phases finales de Mondial dont une fois huitième de finaliste. Enfin de compte, tout dépend de l’ambition que chacun se donne ici.
Dans le cas du Mali, difficile d’être ambitieux avec un discours assez diffus, selon que l’on soit du staff technique où l’on met en avant l’argument de la reconstruction et de la jeunesse de l’équipe, alors que chez les officiels, on entend bien engranger une qualification en Coupe du monde et un trophée de CAN.
Réussir à se qualifier à une Coupe du monde, voudrait dire avoir du répondant au niveau des infrastructures (un stade aux normes FIFA, selon un cahier des charges), d’avoir une intendance sans faille sur les voyages, les stages et gérer les commodités internes comme les primes et autres. Pour cette entame des qualifications au Mondial 2022, le Mali a-t-il été à la hauteur de ces exigences ?
La réponse est mitigée, au regard de quelques faits de parcours. D’abord sur le plan des infrastructures, le stade du 26 Mars, temple des Aigles, n’est toujours pas homologué. Pour le premier match à domicile, les nôtres ont dû aller recevoir hors du pays. Les avantages du domicile sont compromis à ce niveau, même si au final une victoire a été engrangée à Agadir.
Ensuite, pour ce premier match contre le Rwanda, le regroupement des joueurs ne s’est pas fait sans quelques impairs comme l’arrivée tardive au regroupement qui implique de manquer la rencontre. Disons que cela a été sans incidence avec la victoire. Que dire du voyage Agadir-Kampala ? Il y aurait eu des soucis avec l’opérateur charter contracté par le Département des sports et l’équipe n’a ni quitté le sol marocain le moment prévu, ni foulé le sol ougandais le moment voulu. Et enfin, pour les commodités internes, un débat sur une majoration des primes a été tenu entre le ministre et les responsables fédéraux d’une part et les joueurs, d’autre part.
C’est dire que si le Mali veut réussir une première en se qualifiant à un Mondial depuis son indépendance en 1960, il doit dégager les écueils qu’il s’est lui-même mis en travers du chemin. Au plus vite, il faut parer à cela et les remèdes sont connus.
Fort heureusement, le ministre des sports lui-même a reconnu qu’il faut retrousser les manches et que d’urgence il faut ramener la sélection dans son stade fétiche pour recevoir ses adversaires, répondre vaillamment aux défis de la logistique et de l’intendance.
L’expérience nous a démontré que, par le passé, la gestion des relations entre fédération et département des sports a souvent fortement altéré les résultats de la sélection senior avec les conflits de responsabilité et des égos de part et d’autre. Même si aujourd’hui les deux parties, de par leurs premiers responsables, font des efforts pour faire bonne figure, la mayonnaise a du mal à prendre véritablement.
La fédération par délégation gère le football mais en ce qui concerne les sélections nationales, le département qui représente l’Etat, détenteur du cordon de la bourse, tient la bride et ne la laisse pas à la première qui est censée être le répondant reconnu de la CAF et de la FIFA dans les compétitions.
D’un point de vue opérationnel, la délimitation des responsabilités est difficile surtout face à de gros défis comme la phase finale de CAN ou les éliminatoires du Mondial. Le Département qui représente les pouvoirs publics veut des résultats, la fédération veut avoir l’emprise totale sur sa matière qui est l’équipe de football.
Tout cela est facile si l’on met l’intérêt supérieur de la nation avant tout. Les responsables actuels peuvent amplement le faire, comme ils tentent d’en donner les bons gages. Il faut absolument une cohésion totale autour de la sélection nationale qui, à son tour, doit l’avoir en son sein. À ce niveau, les signaux semblent au vert, tout au moins pour ce que l’on tente d’afficher. Tant mieux ! Au sein du Comité exécutif de la fédération, la cohésion doit être de mise sur ce parcours vers Doha, avec la sélection en noyau.
S’il y a un révélateur de la mauvaise organisation actuelle dans cette campagne éliminatoire, c’est bien l’absence d’un officier média auprès de la sélection, tel que l’exige la FIFA. Il s’agit d’un spécialiste des médias et de la communication qui est l’interface entre la sélection nationale et les médias, aux fins des sollicitations d’interviews, les conférences de presse et toutes les informations sur l’équipe destinées à la communication extérieure.
En cela, il est un point focal pour la FIFA. Il est impérieux pour la Fédération et le département d’intégrer ce poste, sinon nous resterons à la traine en termes d’image. Si tout cela n’est pas en place, nous avons jusqu’au 5 octobre, veille du prochain match, ou alors arrêter avec cette ambition de Coupe du monde qui n’autorise guère le tâtonnement et l’à-peu-près. Après Agadir et Kampala, il faut un recadrage de toute l’organisation autour des Aigles. C’est urgent et nécessaire.
Rappelons simplement que nous sommes au cœur des éliminatoires et il faut être professionnel sur toute la ligne. L’objectif est de sortir du groupe et s’en servir si tout marche pour préparer au mieux la double confrontation contre un gros morceau, à n’en pas douter. Qui sait si ce sera un abonné africain au Mondial en soif d’y retourner, donc mieux préparé, mieux averti.
La personnalité que nous afficherons tout au long de la première phase éliminatoire de la Coupe du monde en dira long sur nos ambitions à la prochaine Coupe d’Afrique des nations. Notre personnalité à la CAN en dira long sur notre ambition finale, et les moyens qui devront aller avec, pour la dernière phase des éliminatoires du Mondial.
C’est le challenge que nous donne le calendrier et nous devons faire un sans-faute. Le test du sans-faute pour tout le reste du parcours sera sans nul doute la double confrontation avec le Kenya en octobre prochain. En un mois de préparation pour y aller, département, fédération et staff technique doivent trouver l’alchimie collaborative qui sied.
Alassane SOULEYMANE/Journaliste