“Nous nous engageons à terminer le championnat national et également le championnat D2 pour la montée”
Le sport, comme d’autres secteurs activités, subit les effets de la Covid-19. Les stades sont fermés et les joueurs sont au chômage. Qu’en est-il des compétitions nationales ? L’année sportive sera-telle sauvée ? Le Mali reçoit-il l’appui de la Caf et de la Fifa ? Quelles sont les perspectives de sortie de crise sanitaire du football malien ? A toutes ces questions, Mamoutou Touré dit Bavieux, le président de la Fédération malienne de football (Fémafoot), donne des réponses précises, non sans préciser, au passage, l’état des relations de la Fémafoot, d’une part avec le département des Sports et d’autre part avec le Comité national olympique et sportif (Cnosm) dont il apprécie particulièrement l’efficacité discrète de son président.
Aujourd’hui-Mali : Monsieur le Président, comment vivez-vous cette pandémie de Covid-19 ?
Mamoutou Touré dit Bavieux : Le Mali, à l’instar de tous les pays du monde, subit aujourd’hui, avec beaucoup d’acuité, l’effet de la pandémie du coronavirus. Au niveau de la Fédération malienne de football, lorsqu’avec les autorités nous avons apprécié la situation, très rapidement nous avons décidé de libérer tout le personnel, à l’exception du secrétaire général, de la secrétaire particulière et du planton pour protéger les jeunes, aussi surseoir au championnat national et à la coupe du Mali et essayer de faire en sorte que nous puissions être conformes aux mesures édictées par les autorités du pays. C’est la raison pour laquelle vous voyez qu’à la devanture du siège de la Fémafoot, nous avons mis tout ce qu’il faut pour nous protéger nous-mêmes et protéger tous ceux qui viennent rencontrer le monde du football.
Mais justement, à cause de la Covid-19 les stades sont fermés, les footballeurs sont au chômage. Quelles en sont les conséquences pour la Fémafoot ?
Comme je l’ai dit à l’entame de mes propos, lorsque nous avions décidé de suspendre les compétitions, nous savions que, dans le contexte malien où la crise que nous avions connue a vraiment joué sur les clubs, l’ensemble des équipes qui sont aujourd’hui dans le championnat national peinent à se remobiliser. Puisque nous ne sommes pas encore dans la phase du football professionnel, disons que c’est le football semi-professionnel, les dirigeants qui sont là sont toujours amenés à payer les joueurs et l’encadrement. S’il n’y a pas d’activité, c’est une charge supplémentaire qui se greffe sur le dos de ces responsables-là. Nous savons donc que les clubs ont suffisamment de problèmes aujourd’hui et que les joueurs également ont aussi des problèmes.
En ce qui concerne la fermeture des stades, cela concourt à l’effet de la pandémie. Hier justement (ndlr : mardi 02 juin 2020) le Comité exécutif de la Fédération a tenu une réunion pour essayer de relancer le département (ndlr : le ministère) afin que nous puissions recommencer à jouer au ballon, mais en prenant des mesures spécifiques pour qu’on n’expose pas trop les acteurs du football.
Pour le redémarrage des compétitions, on pense aussi aux partenaires du football que sont les sponsors. Sont-ils toujours là ?
Disons qu’ils sont là, mais très peu visibles. Nous étions en discussion avec notre sponsor principal, Orange-Mali. Malheureusement, jusqu’à cet instant, le nouveau contrat n’est pas signé et les efforts que le Comité directeur a été amené à faire en faveur des clubs, dans le cadre du sponsoring qui nous lie, nous l’avons fait souvent sur fonds propres pour permettre aux équipes de pouvoir compétir. Mais la semaine dernière seulement, nous avons envoyé des émissaires auprès de notre partenaire pour qu’ensemble on revoie dans quelle mesure on peut être amené à signer le contrat.
En fait, je les comprends un peu, du fait qu’ils se disent qu’il n’y a pas de compétition et que, eux aussi, ils sont frappés par cette pandémie, donc la visibilité en termes de sponsoring ne se voit pas. C’est pourquoi, à notre niveau, nous allons tout mettre en œuvre pour honorer nos engagements contractuels envers Orange-Mali. D’autres partenaires qui étaient au portillon de la Fédération ont pris un petit recul à cause de la pandémie de Covid-19.
Mais je suis convaincu que, lorsque nous allons reprendre à jouer au ballon, tous ceux-ci vont venir et nous allons continuer de plus belle nos compétitions.
Dans cette perspective, quelle est la stratégie mise en place par la Fémafoot pour sauver la saison en cours ?
Vous savez, le cas malien est un peu difficile. Nous sortons d’une crise qui a impacté tous les segments de notre football. Nous avons l’un des championnats les plus longs au monde, avec notamment 23 équipes. Nous avons dit que nous allons terminer ce championnat-là, jouer en même temps le championnat de D2 en ce qui concerne la montée. Ça va nous permettre d’avoir une base réelle et solide en termes de quorum par rapport aux assemblées à venir et surtout donner la possibilité aux enfants de jouer au ballon car depuis un certain nombre d’années, il n’y a pas de football en tant que tel au Mali. Nous nous engageons à terminer le championnat national et également le championnat pour la montée.
Nous-mêmes, vous les journalistes et tous ceux qui sont dans la dynamique du football sentent en réalité, que ce qui se passe aujourd’hui c’est en faveur du développement du football malien.
Par rapport à la pandémie de Covid-19 que nous vivons actuellement, est-ce que vous avez le soutien de la Caf et de la Fifa ?
Tout à fait ! Et je m’empresse de vous dire que parmi les fédérations qui ont été choisies par la Caf et la Fifa, avec la grâce du Bon Dieu, le Mali fait partie de ce quota qui échange régulièrement en vidéoconférence avec la Fifa et la Caf. Il y a quelques jours seulement, la Caf a mis à la disposition des 54 associations, qui la constituent, un montant pour appuyer l’effort des différentes associations afin de faire face à la pandémie. Il en est de même pour la Fifa qui, depuis un bon moment, a pris vite le devant pour annoncer non seulement l’appui en faveur des différentes associations, mais également l’appui en faveur des acteurs du football. Que le président Gianni Infantino en soit remercié à travers votre micro et vos colonnes.
La confusion est née autour de ces subventions que beaucoup de gens interprètent à tort ou à raison. Mais il faut comprendre, qu’au niveau de la Fifa, il y a ce qu’on appelle le Coût opérationnel. C’est un fonds donné à toutes les associations affiliées à la Fifa. Ce fonds est libéré en deux tranches. Une première tranche est donnée à l’entame de la saison, avec des critères spécifiques, bien définis. A ma connaissance, puisque nous venons d’arriver, il n’y a aucune fédération, je ne dis pas en Afrique mais je dis bien au monde, qui ait pu se conformer aux 10 critères d’éligibilité par rapport à ce fonds. Il s’agit, entre autres, de la tenue d’un certain nombre de compétitions, notamment au niveau sénior, junior, cadet, football féminin également, en plus des compétitions internationales. Il y a donc des critères préalablement définis, mais les fédérations n’arrivaient toujours pas à honorer cet engagement de se conformer auxdits critères. Ça a fait l’objet d’un certain nombre de débats entre nous-mêmes au niveau de la Fifa et donc, le président de la Fifa, Gianni, dans une bonne intelligence, a dit, puisque tout le monde avait reçu la première tranche, qui sert généralement à payer les salaires des travailleurs de la Fédération, les charges d’eau et d’électricité, ainsi de suite, en plus de ce que je viens de vous dire, c’est-à-dire organiser les compétitions, nous allons mettre la deuxième tranche à la disposition des associations.
C’est cela la particularité de ce fonds par rapport à la Covid-19 parce que Gianni a dit tout simplement que ce qui constituait généralement les goulots d’étranglement, à savoir l’aspect des compétitions et des critères à respecter, il les a enlevés, pour mettre le fonds à la disposition des clubs, en disant : “C’est votre argent qui est au niveau de la Fifa, on vous le donne par anticipation, mais il faut qu’on sente, dans chaque association, que ce fonds a servi vraiment à soutenir les efforts pour contenir l’effet de la pandémie.” C’est donc ça la particularité de ce fonds.
Le deuxième fonds qui est annoncé et qui n’est pas encore arrivé, c’est à l’endroit des associations et la Fifa privilégie que ce montant arrive aux joueurs parce qu’ils sont là sans compétition et il n’y a pas d’autres ressources pour eux. C’est valable pour les supporteurs qui partent au terrain et même les journalistes parce qu’on estime que la pandémie a atteint tous ces segments-là, qui sont dans le même cercle que les associations en termes de participation.
C’est dire que ce fonds doit nous servir à intéresser, au prorata de ce que nous-mêmes nous estimons utile, chaque association et chaque club pour soutenir l’effet de la pandémie. Pour résumer, disons que la Fifa et la Caf sont en train de faire des efforts immenses pour soutenir les associations de football.
Et quel est l’état des rapports de la Fémafoot avec le département des Sports ?
Nous avons les meilleurs rapports. Antérieurement, il y a eu de petits problèmes entre les fédérations précédentes et l’autorité de tutelle. En ce qui nous concerne, lorsque nous sommes arrivés aux affaires, nous avons tenu à rappeler que nous détenons une délégation de pouvoir pour exercer cette fonction. C’est-à-dire que l’autorité de tutelle, qui est le département, permet aux associations d’exercer, mais sous sa supervision. Il reste entendu que nous avons une certaine indépendance, en tant qu’association affiliée à la Fifa. Pour chaque acte, chaque grande décision que nous sommes amenés à prendre, nous avons consulté le département des Sports et souvent même le ministre est très disposé à nous recevoir à chaque fois que nous nous rendons à son bureau, quels que soient ses obligations ou ses engagements. Nous l’en remercions sincèrement. C’est pour dire que nous avons de très bons rapports avec le Département et cela se sent de façon extraordinaire sur toutes nos activités.
Peut-on en dire autant avec le Comité national olympique et sportif du Mali (Cnosm) ?
Tout à fait ! Le Comité national olympique est la superstructure, la mère de toutes les associations. C’est elle qui supervise l’ensemble des fédérations sportives. Aujourd’hui, au Mali, nous avons la chance d’avoir à ce niveau un président fédérateur, très engagé pour la cause de ses mandants. Et nous-mêmes, lorsque nous avons été élus, aussitôt nous nous sommes rendus à son bureau pour d’abord présenter des excuses par rapport à la crise que le football a connue et en même temps le remercier pour tout l’effort que le Comité olympique a déployé pour nous sortir de cette crise. Nous avons la chance que, à la tête de ce Comité, il y a Habib Sissoko, un homme d’honneur, très engagé pour la cause surtout des autres. Personnellement je l’ai connu il y a une quarantaine d’années. Il est toujours resté le même. Au service des autres. Et le laps de temps qu’il ait fait à la tête de ce Comité prouve à suffisance ce que je suis en train de développer parce qu’aujourd’hui il a donné une certaine dimension au Comité olympique malien.
La preuve, toutes ces grandes réunions qui se tiennent à Bamako, ces concertations qui se font autour de lui par ses pairs et lorsque nous étions responsables des jeunes dans les bureaux antérieurs, nous étions avec lui à Athènes, lors des JO d’Athènes. Là-bas, nous avons pu mesurer à sa juste valeur tout ce que ce monsieur incarne. Généralement, au Mali, on ne le sait pas. Mais il faut le trouver avec les autres pour savoir que Habib fait partie des grands hommes qui servent aujourd’hui le Mali avec beaucoup d’humilité, très engagé, mais très effacé parce qu’agissant dans la plus grande discrétion. Athènes en a été une parfaite illustration pour nous-mêmes et tous ceux qui étaient avec nous.
Nous prions le Bon Dieu pour qu’il puisse continuer à servir et le Comité olympique et les associations membres du Comité olympique, notamment les différentes fédérations sportives. Nous avons de très bons rapports avec le Comité national olympique et sportif du Mali et nous prions le Bon Dieu qu’il nous donne la sagesse de Monsieur Sissoko pour pérenniser cette relation.
Si vous aviez un message à lancer au monde du football. Lequel serait-il ?
Je l’ai toujours dit lors de ma campagne, nous sommes des êtres humains, des mortels. Chaque jour que Dieu nous donne la chance de vivre, il faut que les hommes s’entendent. Dans tout ce que nous entreprenons, nous devons toujours retenir que le football est un jeu collectif et je l’ai toujours illustré par un ballon qui a la capacité de renfermer en son sein tous les acteurs, c’est-à-dire les footballeurs, les entraineurs, les dirigeants de club, les journalistes, les supporteurs.
Nous sommes tous au service de ce football. Pour mieux permettre à cette génération que nous avons aujourd’hui de pouvoir s’exprimer, il faut une unité d’action. J’invite donc tous les acteurs du football, tant au Mali qu’à l’extérieur, à se mettre ensemble et d’essayer de soutenir ce que ces jeunes-là sont en train de faire aujourd’hui. Si vous regardez ce qui se fait en faveur du Mali aujourd’hui, nous sommes, à ma connaissance, l’une des seules fédérations au monde qui ait la possibilité d’obtenir deux centres techniques.
Le premier avait été fait par nos prédécesseurs à Kayo, nous sommes en train aujourd’hui, avec l’accompagnement de la Fifa, de faire un centre technique ultramoderne à Kabala. Tout ça pour dire que si nous sommes ensemble, nous bâtirons beaucoup de bonnes choses. Rien ne vaut l’unité, il faut que les gens s’entendent, on se retrouve, on se parle pour se mettre au service de ce football et je pense que dans les mois, les années à venir, le Mali va sortir grandi avec des trophées pour donner une certaine joie à ceux qui sont avec nous.
Réalisé par Amadou Bamba NIANG