Les violences qui ont émaillé la fin du match des Aiglons contre la Gambie (1-1) dimanche dernier en rajoutent à la pression du match du 8 octobre. Personne n’a encore oublié les scènes d’émeute qui ont suivi la défaite des Aigles contre les mêmes Eperviers du Togo (1-2) le 27 mars 2005. Et nous revoilà dans la même ambiance morose comme si personne n’avait retenu la leçon principale de cette contre-performance : un match de football reste une rencontre sportive quel que soit l’enjeu.
Prenant prétexte d’un mauvais arbitrage qui aurait privé les Aiglons d’une victoire rassurante à domicile, des supporters ont envahi la pelouse dimanche du stade Modibo Kéita. Et les forces de l’ordre n’ont pas fait les choses à moitié. Elles ont gazé la tribune, s’en prenant inutilement à nos confrères qui n’avaient pourtant rien à avoir avec les vandales. Intervenus à une semaine d’un Mali-Togo à haut risque, ces incidents déplorables n’augurent rien de bon.
Ce qui est inquiétant, c’est que ce sont des éléments du Comité central des supporters des Aigles qui ont orchestré les violences. Et pourtant, ce sont eux qui doivent toujours donner les bons exemples de fair-play dans un stade. Ils se doivent d’aider les forces de l’ordre dans leur mission. On comptait beaucoup sur le Comité central pour calmer le jeu, la tension et les ardeurs par rapport à cette rencontre capitale pour toute la nation qui aura du mal à accepter une seconde absence consécutive à une phase finale de Can.
Par rapport à l’avenir du football malien, il est temps que nous nous remettions tous en question. Personne ne dispute une rencontre sportive pour perdre. Comme le disait un confrère sénégalais, le Mali a l’une des meilleures équipes d’Afrique sur papier. La nuance, même péjorative, est de taille. Une sélection de meilleurs joueurs ne donne pas forcément une équipe à hauteur de souhait sur la pelouse.
Mais, ce sont les joueurs, surtout nos expatriés, qui doivent être les premiers à se remettre en question. Sont-ils sûrs de jouer réellement à la hauteur de leur talent avec l’équipe nationale ? Mouillent-ils réellement le maillot pour justifier l’honneur qui leur est fait de défendre les couleurs nationales ? Ce sont là des questions d’intime conviction que chaque Aigle doit se poser aujourd’hui. Personne d’autre ne répondra à ces questions à leur place.
Ce qui est évident, c’est qu’une majorité de nos expatriés jouent toujours en deçà de leur forme du moment sous le maillot national. Est-ce une question de disposition tactique ? Est-ce la pression de l’enjeu ? Où privilégient-ils leurs carrières professionnelles au détriment de la patrie ? Et là aussi, ils sont les seuls à pouvoir répondre parce que personne ne sait exactement ce qui se passe dans la tête d’un joueur au cours d’un match !
Dans tous les cas, après une première lecture du jeu, un technicien doit être capable de juger la rentabilité de chaque élément et pouvoir le replacer ou le remplacer pour qu’il ne soit pas un trou pour l’ensemble de la sélection. Ce sens du jugement a manqué à Jodar à Freetown où il a gardé Dramane Traoré pendant au moins 60 minutes alors qu’il n’était pas du tout dans le coup. Ce qui est sûr, le public est plus clément lorsqu’il a la certitude que ses idoles sont tombées les armes en main. On l’a vu lors du dernier Mali-Côte d’Ivoire à Bamako, en éliminatoires de la Can du temps de Christian Sarramagna. Malgré la défaite des Aigles, les Maliens étaient fiers d’eux ce jour-là parce que tout le monde était conscient qu’ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes, mais qu’il leur a seulement manqué la baraka. Nous pensons que c’est la seule défaite du Mali contre la Côte d’Ivoire que le public a réellement digéré.
Une difficile cohésion
Mais, les supporters se doivent aussi d’être souvent tolérants dans leurs jugements. Parce que les réalités, l’environnement des clubs ne sont pas forcément les mêmes avec l’atmosphère d’une équipe nationale. Généralement, les joueurs ne se retrouvent qu’à 72 h de leurs rencontres. Et pour qui sait que, dans le cas du Mali, l’effectif change à tous les matches, il est difficile d’instaurer la cohésion qui est l’un des facteurs clefs de performance. Pour le match de dimanche, Jodar a fait appel à au moins cinq nouveaux joueurs. C’est dire que l’ossature est renouvelée à près du tiers. Sans compter les mutations qu’elle va connaître par rapport à l’amélioration du schéma tactique pratiqué à Freetown.
Le public doit se dire que bien que nous ayons de bons joueurs dans les meilleurs championnats du monde, qu’il ne sera pas facile de bâtir cette grande équipe dont nous rêvons tous pour notre pays. Et qu’il ne suffit pas d’être meilleurs sur le terrain pour remporter un match. Chaque rencontre a ses réalités. Et ce n’est pas souvent de gaieté de cœur que les joueurs se font battre. Nous sommes d’accord qu’il n’est pas facile de digérer une défaite malgré les énormes sacrifices consentis ces dernières années pour mettre l’équipe nationale dans les conditions optimales de performance. Mais, nous devons aussi garder à l’esprit qu’un match, quel que soit l’enjeu, reste une partie de sport où le vainqueur n’est pas forcément le meilleur.
Les décideurs doivent également se remettre en question. L’Etat a consenti d’énormes sacrifices pour le football ces dernières années. Mais, cela ne doit pas être un prétexte pour s’immiscer dans sa gestion. L’ingérence politique dans le sport conduit inexorablement aux scènes dramatiques que nous avons vécues le 27 mars 2005. Le football est devenu l’opium du peuple, surtout dans les pays africains. Mais, lorsqu’on en abuse jusqu’à l’overdose on passe le plus souvent à côté du but ! Quel que soit le résultat de dimanche prochain, sachons raison garder. C’est ce qui a toujours fait la grandeur de cette vieille et fière nation.
Moussa Bolly
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