Le football est le sport roi de toutes les disciplines sportives dans le monde et le Mali ne fait pas exception à cette règle. C’est ainsi qu’après l’indépendance du pays en 1960, une politique sportive fut mise en place avec l’existence de plusieurs clubs à Bamako et on pouvait voir plusieurs équipes dans chaque région du Mali .Avec la reforme sportive de 1977, plusieurs équipes régionales furent dissoutes avec une seule équipe dans les capitales régionales. Ainsi ont vu le jour l’AS Sigui de Kayes, le Nianan de Koulikoro, le Tata de Sikasso, le Biton de Ségou, le Débo club de Mopti, le Sonni de Gao, AL Farouk de Tombouctou.
Mais à partir de la IIe république on a commencé à apporter un certain nombre de changement au système. Du coup on a assisté à une multitude de clubs tant dans les régions qu’à Bamako. Aussi un championnat national fut instauré à partir de 1981 où toutes les équipes se rencontrent en aller et retour d’abord en deux poules puis en poule unique. Du coup les équipes ont passé de 12 à 14 puis depuis cette saison à 16. Mais le gros problème de tout cela, c’est que jusqu’à présent on refuse de procéder au toilettage des textes de fond. Il s’agit d’abord du mode d’élection des membres de la fédération, les critères de choix de ces membres, du nombre de voix attribués aux clubs et aux ligues. Il faut ajouter aussi la confusion souvent de rôle entre la fédération et le département des sports provoqué depuis l’arrivée de Moussa Balla Diakité en 2004 comme ministre des sports (au lieu que la fédération n’organise ces matches internationaux, c’est le ministère qui s’occupe désormais de ce volet).
Pourtant le Mali est une nation de football
En effet de 1960 jusqu’en 1972, le Mali était au firmament du football africain. Témoin la finale disputée en 1965 aux jeux de Brazza face au Congo Brazzaville perdue grâce au nombre de corners obtenus par les congolais. La même année, le Mali a disputé la finale de la coupe des coupes par le Stade Malien de Bamako, une année plus tard c’est au tour de l’AS Réal de Bamako de disputer la finale de la coupe des clubs champions. Toujours dans cette même dynamique le Mali joue et perd la finale de la coupe d’Afrique des nations en 1972 face au Congo Brazza. A l’époque, il y avait des grands joueurs qui avaient l’amour du pays. Parmi eux il ya Feu Ousmane Traoré dit Ousmane Bleni, Karounga Keïta, Abdoulaye Diawara «Blocus », Kidian Diallo puis la génération des Salif Keïta, Idrissa Maïga « Métiou», Moctar Maïga, Mamadou Keïta « Capi », Cheick Diallo, Fantamady Diarra «Gobert», Fantamady Keïta ; ensuite la génération Idrissa Traoré « Poker », Feu Lassine Soumaoro, Fagnéri Diarra ,Modibo Doumbia «Modibo 10», Seydou Diarra «Platini», Abdoulaye Kaloga, Bakary Diakité «Bakarini», Yacouba Traoré «Yaba»… A noter que ces grands joueurs étaient soutenus par des grands responsables dont le plus emblématique n’est d’autre que Feu Tiécoro Bagayogo.
Mais tout s’écroule de 1972 à 1994
On pensait que le public sportif malien allait vibrer mais hélas, ce fut la dégringolade, la décadence, la tristesse voir l’oubli. Dès lors l’équipe nationale ne s’est jamais qualifiée à une phase finale de la coupe d’Afrique des nations seniors. Aucun club n’a été en finale d’une coupe africaine de clubs. Les échecs se multiplient et on s’accuse mutuellement d’être à l’origine des débâcles. On refuse de voir la réalité en face alors que le mal est connu de tous. Du coup des opportunistes de tout acabit se précipitent à la porte pour être membres de la fédération afin de se servir et non servir le football. La FIFA et la CAF qui refusent l’intervention de l’Etat dans la gestion des affaires, deviennent les vraies complices de ces membres qui s’adonnent à cœur joie en détournant des fonds destinés aux clubs et aux écoles de foot. Ainsi la voie est ouverte à des personnes inconnues du monde footballistique souvent à des retraités, des chômeurs, des parachutés venus d’ailleurs, des bannis de certains clubs qui viennent uniquement pour se venger.
La lueur d’espoir en 1994, hélas vite dissipée
C’est ainsi que le football continua son train-train habituel jusqu’en 1994, date à laquelle le Mali venait de se qualifier à une phase finale d’une CAN disputée en Tunisie après 22 ans d’absence. Une lueur d’espoir naquit et tout les amoureux du ballon rond avaient cru que le football malien s’est désormais mis sur les rails. Malheureusement l’après CAN a été mal géré tant par l’entraîneur entré en conflit avec certains cadres de l’équipe nationale d’alors, tant par les responsables de la fédération qui pensaient tout permis. La suite on la connaît car le Mali rate les CAN 1998 au Burkina Faso et 2000 au Ghana-Nigéria. Pourtant la qualification du Mali pour la CAN 2000 avait été considérée comme un passage obligé pour la CAN 2002 que le Mali devait organiser. Malgré cet échec honteux, les responsables fédéraux n’ont pas été du tout inquiété et continuaient à faire comme si rien ne s’était passé. Pis on continue à travailler avec les mêmes textes rudimentaires ainsi que les mêmes méthodes où tout se résume au président de la fédération. Du coup on retrouve des inamovibles au sein de la fédération qui continuent à gérer les affaires sans être inquiétés du tout. Malgré des résultats catastrophiques, les responsables continuaient à s’accrocher comme si c’était leur héritage paternel. Se sentant incapable de mener le changement, le public sportif tombe dans des suspicions profondes, en disant que le football malien est frappé par une malédiction. On faisait allusion à celle du père Bouvier jusqu’à ce que des voix se soient élevées pour demander qu’on rebaptise le stade Mamadou Konaté en stade Bouvier. Mais en réalité il n’en est rien car le Stade Malien de Bamako a remporté la coupe CAF en 2009.
De 2002 à aujourd’hui : le cauchemar !
Après la non- qualification aux CAN de 1998 et de 2000, les Maliens ont repris une fois de plus confiance en 1999 avec la 3e place des Aiglons lors de la coupe du monde disputée au Nigéria. Et cela grâce au titre du meilleur joueur décerné à Seydou Keïta et au soulier d’argent enlevé par Mahamadou Dissa. Les Maliens espéraient avec cette génération, le football sortirait de l’ornière. Mais hélas depuis le Mali continue de traîner et la plupart de ces joueurs sont en fin de carrière. Au lieu de changer les textes et les hommes qui ont atteint leurs limites, des boucs émissaires sont vite trouvés. On assiste du coup à des limogeages d’entraîneurs en cascade. De Romano Matté en passant par Henri Kaspershack, Feu Mamadou Keïta « Capi », Christian Dalger, Henri Stambouli, retour de Capi, Pierre Lechantre, tous seront remerciés pour insuffisances de résultats. Conséquence directe, le Mali rate à nouveau la CAN 2006 en Egypte avec le passage destructif d’Emmanuel Seyi Adébayor. Comme si cela ne suffisait pas les ministres des sports sont aussitôt accusés d’être à l’origine de ces contreperformances et commencent à leur tour d’être limogés sans que les membres du bureau fédéral ne soient limogés. Comme on le dit souvent tout excès d’injustice de l’homme est sanctionné par une autre justice, celle de Dieu. C’est dans cet ordre d’idée que le bureau fédéral dirigé par Tidiane Niambélé est secoué par une affaire de ristournes octroyés par la CAF ainsi que l’affaire des six points retirés au Djoliba. C’est ainsi que Niambélé et compagnons seront renversés en 2005 à la d’un congrès extraordinaire et qui a vu l’arrivée de l’ancien ballon d’or africain Salif Keïta. Malheureusement pour ce dernier aussi tout le règne de son mandat sera secoué par des crises à répétition qui sont en réalité des conflits de leadership. Ce qui a même conduit le 1er Avril 2006 la tenue d’un congrès extraordinaire où finalement les meubles furent sauvés. C’est sous cette instabilité chronique et plus précisément en 2007 que les équipes nationales Cadets et Juniors furent éliminées dès les phases éliminatoires. D’ailleurs pour la première fois une équipe cadette fut humiliée par le Burkina Faso par 6-1 et à Bamako s’il vous plaît. C’est dans ce climat lourd que le Mali a pu se qualifier difficilement aux CAN de 2008 au Ghana et en 2010 en Angola. Et il ne fallait pas s’attendre à grande chose et ce qui devait arriver arriva avec une élimination sans gloire dès le premier tour. Au lieu une fois de plus de tirer les leçons de ces échecs répétés, on tombe à nouveau dans des manœuvres dilatoires et dans des diffamations mensongères des uns contre des autres. Ce dont certaines personnes se faisant appelés comme des Réactionnaires pardon des Rénovateurs du football font leur apparition sur la scène footballistique avec la bénédiction des revanchards qui sont en réalité des aigris sportifs tapis dans l’ombre. Si on les avait crus au départ, leur passage fut un véritable calvaire voire une calamité pour le football malien. Ces personnes vont transformer le siège de la fédération en un véritable lieu d’affaires où le seul argent compte désormais. Du coup toute initiative à vouloir développer cette discipline est mise au second plan. Ce qui se transforma en une guerre de leadership où les moyens sont bons pour abattre l’un ou l’autre. Du coup s’installa le népotisme, le copinage, le favoritisme et la médiocrité a été érigé comme mode de récompense en lieu et place du mérite. La suite on la connaît avec le refus de certains joueurs comme Mohamed Lamine Sissoko, Fréderic Kanouté et même Seydou Keïta. Pourtant les potentialités ne manquent pas au Mali et les plus hautes autorités ne ménagent aucun effort, à travers les milliards de nos francs injectés, pour mettre l’équipe et son staff dans les meilleures conditions idoines. Mais à voir le choix des joueurs sélectionnés, on sent une odeur de deal autour de la gestion des primes de sélection. Car des joueurs incapables ou ne jouant pas du tout dans leurs clubs en Europe ou ailleurs sont appelés grâce à l’influence de certains responsables sportifs qui, pour se partager les primes, qui pour recevoir une veste ou une voiture ou un flacon de parfum … Ceux qui sont intransigeants sont purement et simplement écartés de l’équipe pour indiscipline, dit-on. Mais en vérité, il s’agit là d’un prétexte sinon ils paient pour leur refus de coopérer à un « machin ». Dès fois c’est l’entraîneur qui accepte à son tour de jouer à la marionnette pour tout faciliter en cédant sous la pression en traitant ces joueurs d’indisciplinés.
A quand le bout du tunnel ?
En tout cas à l’allure où vont les choses, personne ne sait quand est-ce que s’arrêtera cette léthargie. Il faudrait donc attendre le jour où il y aura une vraie volonté politique de procéder à un toilettage systématique des textes, en acceptant que le mode d’élection des membres de la fédération change, en permettant aux clubs d’avoir plus de voix que les ligues. Ce qui n’est pas normal car ce sont les clubs qui sont les premiers acteurs du football. (À noter que chaque club ne possède qu’une seule voix contre trois pour chaque ligue) et exiger que tout prétendant puisse produire un programme de travail. Tant qu’il n’y aura pas ces changements, c’est bonjour les dégâts et le public sportif malien en pâtira. Dans nos prochaines parutions, nous parlerons aussi de l’impact des supporters, de la presse sportive, des joueurs professionnels sur le bon développement du sport en général et du football en particulier.
Sadou Bocoum