Le Cameroun dans une course contre la montre pour l’organisation de la CAN 2019

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Le complexe multisport d’Olembé, près de Yaoundé, le 24 mars 2018. CRÉDITS : JOSIANE KOUAGHEU

Le pays doit disposer de six stades de plus de 15 000 places pour accueillir la compétition de football, mais les travaux ont pris du retard.

Dans la périphérie de Yaoundé, au Cameroun, le complexe multisports d’Olembé, qui doit abriter un stade de 60 000 places déjà baptisé Paul Biya, deux terrains d’entraînement, un gymnase, une piscine, un hôtel et un centre commercial, grouille de monde en ce samedi 24 mars. Plus de 1 000 personnes y sont employées et travaillent jour et nuit dans le but de « tout rendre à temps », c’est-à-dire avant la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) prévue à l’été 2019.

« Les travaux sont avancés et vont s’achever selon le calendrier », promet Sam Thamin, le directeur général de Gruppo Piccini Cameroun, l’entreprise italienne chargée de la construction du complexe : « Une partie des gradins est en train d’être installée. Nous allons livrer le stade et les deux terrains d’entraînement le 28 décembre 2018. Le centre commercial et l’hôtel seront livrés en janvier 2019. »

Face au « retard et aux délais très courts », la société a dû réajuster son organigramme, ce qui a provoqué, le 17 février, la démission du chef de projet du complexe. Pour « accélérer davantage » les travaux, la société a fait venir d’Italie, par conteneurs, des milliers de tonnes de matériaux préfabriqués comme des dalles, des poutres et des gradins.

« Les chantiers sont déserts »

Ces promesses ne rassurent guère les « amoureux du foot » comme Raoul, qui, le front plissé par l’inquiétude, pointe les ouvriers qui s’activent. « Regardez tous ces travaux faits à la va-vite. Ces stades auraient dû être construits en quatre ans, pas en quelques mois ! », maugrée le chauffeur de taxi. Comme Raoul, de nombreux Camerounais s’interrogent sur les capacités du pays à construire les stades où se jouera la CAN 2019. Cinq fois champion d’Afrique, le pays des Lions indomptables n’a accueilli le plus grand rendez-vous sportif du continent qu’une seule fois, en 1972.

A Douala, la capitale économique, le complexe de Japoma afficherait, selon le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, un taux d’avancement des travaux de 68 %. « La réfection des infrastructures a commencé il y a moins d’un mois, constate cependant le journaliste sportif Pierre Arnaud Ntchapda. Sur deux sites, on a pu voir des engins lors de la première visite des inspecteurs de la Confédération africaine de football [CAF], et puis plus rien. Les chantiers sont redevenus déserts. »

Du 12 au 23 janvier, des émissaires de la CAF ont effectué leur première inspection au Cameroun. Ils ont visité les stades et autres infrastructures des villes hôtes (Yaoundé, Douala, Bafoussam, Garoua, Buea et Limbé) afin de mesurer l’avancement des travaux. Une deuxième mission d’inspection a séjourné au Cameroun du 19 au 22 mars, mais les journalistes n’ont pas été autorisés à couvrir leurs déplacements.

« Un argument de campagne »

Selon le cahier des charges de la CAF, le Cameroun doit disposer de six stades d’une capacité de 15 000 à 40 000 places. « Nous proposons bien plus. Le moindre stade que le Cameroun propose a une capacité de 20 000 spectateurs. Celui d’Olembé, où se jouera le match d’ouverture, est de 60 000 places. Même le fait que la CAN soit passée de 16 à 24 équipes ne change rien : le Cameroun sera prêt », jure Samuel Zo’ona Nkomo, le rapporteur de la commission communication du comité d’organisation de la CAN.

Un célèbre commentateur sportif de la place livre son analyse sous couvert d’anonymat : « Le gouvernement a voulu politiser cette CAN, car l’élection présidentielle approche [elle est prévue en octobre]. Le football est le sport roi au Cameroun et nous sommes les champions d’Afrique en titre. Paul Biya et ses proches veulent en faire un argument de campagne, mais ils oublient qu’ils ont pris trois ans de retard, que les stades sont encore en construction et que l’été 2019, ce n’est pas loin. »

Par Josiane Kouagheu (Douala, correspondance)

LE MONDE Le 30.03.2018 à 12h07

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