Inadmissible, mais pas raciste !

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Milan Baros a été condamné à trois matches de suspension. Baros est ce joueur qui, dans le dos du Camerounais Stéphane Mbia, avait eu des gestes à forte connotation raciste, semble-t-il. Mais la Ligue de football a jugé autrement, prenant une décision pas très compréhensible. En quelque sorte, Baros serait responsable mais pas coupable.

La commission de discipline de la Ligue de football professionnel a tranché : Milan Barros, l’attaquant tchèque de Lyon est suspendu pour trois matches à la suite du « curieux » incident qui avait marqué la rencontre du 18 avril entre Lyon et Rennes. Baros s’était bouché le nez d’une main et avait brassé l’air de l’autre à proximité du Camerounais de Rennes Stéphane Mbia.

Pendant une heure et demie, les membres de la commission ont écouté Baros et se défenseurs ; elle a également auditionné Mbia. Puis ses membres ont délibéré pendant environ trente minutes avant de rendre leur verdict : le Tchèque est suspendu pour trois matches à partir du lundi 7 mai. Difficile de comprendre ce jugement. Ecoutons les attendus voir plus bas) du président de la commission, Jacques Riolacci : " il y a eu, sur le terrain, un geste inqualifiable et inadmissible ".

Pour confier ensuite : « M.Baros nous a dit qu’il n’avait jamais été raciste, que son meilleur ami dans le football était noir, qu’il lui arrivait fréquemment, lorsqu’il était à Liverpool, de partager sa chambre avec des coéquipiers de couleur et que si l’on s’imaginait qu’il soit raciste, sa vie s’en trouverait irrévocablement changée. Il nous a dit qu’après quelques échanges verbaux et des contacts rugueux, il avait voulu dire à M.Mbia de s’écarter de lui ».

Le Camerounais, sur le moment, n’avait pas vu les gestes de son adversaire. Il les a visionnés plus tard à la télévision. Sur le moment, il s’était exclamé « je ne lui pardonnerai pas », sans se départir de son calme. Depuis Mbia a reçu de nombreux témoignages de solidarité, le soutien absolu de son club et de son président, François Pinault, très puissant homme d’affaire. Baros lui a adressé une lettre d’excuses et, au sortir du siège de la Ligue, il a dit avoir pardonné à Baros.

Le jugement de la Ligue est étrange. D’un côté il qualifie de le geste d’ »inqualifiable », d’ »inadmissible », de l’autre, il se refuse à y voir un acte raciste, xénophobe. Etrange ! Incompréhensible serait plus juste. Quel autre sens, en effet, donner au geste du joueur lyonnais. A l’évidence la Ligue a voulu adresser un dernier avertissement aux joueurs en leur disant : n’y revenez pas. La prochaine fois, nous nous montrerons impitoyables. L’attitude la plus digne aura été celle de Mbia : il a accordé le pardon.

Le communiqué de la Ligue

La Commission a eu à se pencher sur un incident où, selon les interprétations, s”entremêlent les notions disparates d”intolérance et de rejet de l”autre, assaisonnées de quelques relents extirpés de la gangue nauséeuse de la xénophobie et du racisme, toutes choses qui dépassent les limites du cadre des affaires dont a habituellement à connaître la Commission.

A l”origine de cet incident, il y a le geste d”un joueur de l”Olympique Lyonnais, Milan BAROS, qui, après quelques contacts rugueux et échanges verbaux un peu tendus avec le joueur de couleur Stéphane MBIA du Stade Rennais, a ostensiblement porté les doigts à son nez comme s”il était incommodé par une mauvaise odeur, tout en s”éventant avec la main à la façon de celui qui souhaite chasser miasmes et senteurs pestilentielles qui polluent son environnement immédiat.

La tâche de la Commission a été de déterminer si ce comportement vu et revu par des millions de téléspectateurs avait une co-notation ouvertement raciste ou s”il était simplement un réflexe d”humeur suite à une série de duels opposant les joueurs BAROS et MBIA.

La Commission, après avoir visionné le DVD de l”incident, a entendu les joueurs BAROS et MBIA, assistés de leurs conseils M. LACOMBE et Me AGUERA pour l”Olympique Lyonnais et MM. de ST SERNIN et POUPARD du Stade Rennais.

Milan BAROS affirme que jamais, au grand jamais, il n”a donné à son geste une coloration xénophobe ou raciste et que son passé de joueur témoigne qu”il a toujours cohabité en bonne entente, dans les diverses équipes qui l”ont enrôlé, avec ses équipiers de couleur. Milan BAROS déclare que son geste était la manifestation d”un joueur excédé par le traitement que lui faisait subir le joueur MBIA. Dans sa lettre d”excuses adressée à ce dernier, il exprime ses regrets et insiste sur le fait qu”il n”a jamais été dans ses intentions d”offenser un temps soit peu son adversaire.

Le joueur MBIA dit que s”il n”a pas réagi sur l”instant devant l”attitude de Milan BAROS, c”est qu”il a été surpris par cette façon de faire assez inhabituelle et c”est seulement le lendemain, après réflexion, qu”il a réalisé l”ambiguïté du geste ostentatoire de son adversaire et qu”il en a été troublé, voire un peu choqué.

La Commission a délibéré sur les motivations et conséquences du geste peu courant de Milan BAROS qui a suscité une émotion légitime dans divers milieux.

Il n”est pas dans les pouvoirs de la Commission de sonder les âmes et les cœurs. Elle a dû se faire une religion avec les éléments en sa possession dont le principal est sans conteste le film de l”incident et sans s”appuyer sur des convictions, aussi intimes soient elles, qui ne sont pas suffisantes pour étayer un jugement. Il n”en reste pas moins que le comportement de Milan BAROS, très largement médiatisé, de part son caractère particulier, est de nature à instaurer pendant une rencontre un climat d”intolérance et une atmosphère viciée, génératrice de conflits et de tensions.

La Commission considère que place n”est point faite pendant le déroulement d”un match pour ce genre d”attitude et, même si Milan BAROS exprime regrets et excuses pour un acte selon lui mal interprété, son geste doit être sanctionné.

par Gérard Dreyfus (rfi.fr)
Article publié le 04/05/2007

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