Homme de conviction et d”engagement, Charles Jondot était jovial, malgré l”air sévère qu”il savait se donner, afin de contraindre ses élèves à la sagesse.
"Un vieux Club – La Jeanne d”Arc de Bamako – et une Jeune équipe – l”Espérance – se sont unis le 28 août 1960 pour donner naissance au Stade malien. L”amalgame fut harmonieux car si l”Espérance déposa dans la corbeille de noces – sa jeunesse et son enthousiasme il donna aussi le premier président du nouveau club en la personne de Ousseynou Diarra et un animateur dévoué Djibril Maïga. La J.A, elle, apporta sa super-structure administrative (Jean Haon) et technique (Oumar Sy et Charles Jondot) et surtout le poids de son expérience internationale (2 fois championne d”AOF).
Oumar Sy et Charles Jondot, ont été tous deux des capitaines exemplaires du club des Missionnaires avant de se reconvertir dans l”encadrement technique. Ils s”attelèrent à mettre sur pied le premier effectif. Il faut croire que le cocktail fut réussi puisque, dix mois plus tard, le club atteignit la consécration nationale en gagnant la première Coupe du Mali. L”ossature de l”équipe comprenait les gardiens Abdoulaye Fané, acrobatique et spectaculaire, Demba Dembélé, bondissant mais irrégulier et Yacouba Samabaly, un jeune talent qui mûrissait à l”ombre des deux précédents.
La ligne arrière se composait de Tiécoura Bouaré, intraitable et spectaculaire dans l”interception et le renvoi mais parfois d”un tempérament emporté – Ibrahima Sacko, sobre, sûr et régulier même s”il manquait de souplesse – Mamadou Keïta dit Assurance énergique, quelques fois brouillon mais possédant un bon heading et Baba Coulibaly, rapide et rigoureux.
Le joyau de la formation était sa ligue de demis constituée de Bakary Samaké Bakaridian, un capitaine lucide dont l”abattage n”avait d”égal que sa technique du gauche irréprochable – Seydou N”Daw, la fourmi de l”équipe dont la petite taille favorisait une technique sûre lui permettant de réaliser de véritables tours diaboliques – Alioune Badara Diouf, le longiligne technicien méthodique et surtout précis comme une horloge suisse et Samba Bass, doté d”une frappe puissante des deux pieds et d”un excellent jeu de tête.
L”attaque constituée de jeunes loups contribua largement à façonner l”image définitive d”une équipe offensive et spectaculaire. L”éventail de choix était suffisamment large avec M”Baye Diabaté – le soliste dont la tendance à l”individualisme était gommée par le caractère spectaculaire de sa conduite de balle et ses fameux retournés acrobatiques qui lui faisaient réaliser des buts d”anthologie – Séga Sissoko, un ailier véloce aux tirs fracassants – Abdoulaye Keïta Taboua, dont la très belle technique n”effaçait pas les hésitations – Emmanuel Gbékou – une grande vivacité et un jeu fin lié à un physique solide et râblé – Seydou Ba – le surdoué irrégulier – Monecata Sambaly, le sémillant puncheur et Mamadou Diakité Doudou, un remarquable jongleur, gaucher à la frappe puissante et ailier irrésistible dans ses bons jours."
Ce texte, quand nous l”avions écrit en…aôut 1985, à l”occasion du 25è anniversaire du Stade malien de Bamako (malheureusement il ne sera jamais publié) ce fut à l”appréciation de Charles Jondot que nous l”avons soumis, afin qu”il y porte aussi bien son regard d”enseignant (il était censeur au lycée de Badala) mais surtout celui d”entraîneur ayant coaché cette équipe. Inutile de préciser combien fût grande sa satisfaction d”avoir donné un avis d”expert sur l”histoire du seul club qui ait compté pour lui. L”homme était jovial malgré l”air sévère qu”il savait se donner (la pipe qu”il mordait entre les dents accentuait cet aspect de son personnage), afin de contraindre ses élèves à la sagesse.
Le métis bon teint qu”il a été savait débiter ses vérités dans un "bamanankan" d”une limpidité extraordinaire, car Charles Jondot était un homme de conviction et d”engagement. Il nous a confié ceci : "Après la disparition brutale de Mamadou Traoré Bardon et la déconvenue essuyée face au Vita Club "on" a aidé nos joueurs à se disperser aux 4 coins de la France. Ce fut la plus grande saignée subie par un club avec plus de douze départs, mais nous allons faire face avec ce qu”on a car le Stade malien est éternel."
Il ne croyait pas si bien dire puisqu”aux termes de cette saison 1974-1975 les Blancs, une équipe composée de réservistes tels Modibo Dix, Ibrahim Berthé M”bappé, Issa Bagayogo, Boubacar Diallo et des jeunots Diofolo, Lassine Soumaoro, Adou Kanté, Mamadou Traoré se hissèrent, sous sa férule, en finale de la coupe de Mali et contraignirent le Djoliba, grandissime favori, au nul jusqu”à l”ultime minute du second match. Après les disparitions de Ben Oumar Sy, Gammard, Cheick Aw et autres N”Faly Kanouté, il était le dernier dinosaure de l”après guerre de la J.A. Ceux qui ont symbolisé l”âme du club, deux fois champion d”AOF. Il n”y pas de doute, d”où se trouve l”enseignant et le sportif, il sera bien heureux des retrouvailles avec ceux dont l”absence a souvent pesé sur ses souvenirs. Dors en paix Grand.
M DIARRA
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