La stabilité, l’unité, la solidarité et, à la limite, la complicité sont essentielles à la performance d’une discipline. Et ce sont des valeurs qui s’enracinent dans le respect de la légalité et de la légitimité symbolisées par le fair-play dans la règle du jeu. Deux principes généralement bafoués dans la conquête de fauteuils de dirigeants sportifs dans notre pays. Alors que tout acte, toute revendication, pertinente fut-elle, qui ne s’inscrit pas dans le cadre de la légalité et de la légitimité ne peut engendrer que la désunion, la division. Une sérieuse hypothèque qui plane sur les efforts de développement.
Tout comme ce n’est pas à la veille de la chasse qu’il faut préparer son chien, il ne faut attendre la veille d’une assemblée générale pour se manifester par une pétition incendiaire (qui a d’ailleurs du mal à trouver des signataires) en essayant d’entacher la crédibilité et l’intégrité de ceux qui triment au quotidien pour faire marcher une discipline. Si leurs efforts ne sont pas perceptibles, c’est beaucoup plus à cause de l’immensité et la diversité des défis que par incompétence ou mauvaise gestion. D’ailleurs, n’est-il pas ridicule que ceux qui ne mettent pas un franc dans une discipline, d’avec laquelle ils ont pris leurs distances depuis au moins une décennie, demandent des comptes à ceux qui se privent de leur argent pour organiser des compétitions nationales ou permettre à des sportifs de voyager pour les tournois sous-régionaux ou régionaux ?
Les débats sur la gestion managériale ou technique, les performances sont indispensables pour baliser l’avenir d’une discipline. Mais cela doit se faire dans le respect mutuel et surtout dans des cadres légaux comme les réunions de ligues, des comités exécutifs ou des assemblées générales. Celles-ci (assemblées générales) sont souveraines pour généralement statuer sur toutes les questions à son ordre du jour, notamment les litiges ou d’adopter les propositions censées améliorer la gestion managériale ou technique. Statutairement, c’est le bureau en place qui convoque l’assemblée générale ordinaire dans le strict respect des dispositions statuaires et sous la supervision du Comité national olympique et sportif du Mali, et le département de tutelle à travers la Direction nationale des Sports et de l’Education physique. Moralement, si on se respecte et qu’on respecte les autres, on ne peut surgir soudainement de nulle part pour parler de “redressement du judo malien” et dénoncer “un désordre général dans l’organisation et le fonctionnement» de cet art martial auquel on a pourtant superbement tourné le dos. Nous faisons bien sûr allusion à ce fameux Collectif des judokas maliens. Plutôt un rassemblement de revanchards qui se rendent compte que la pratique du judo ne s’est pas arrêtée au Mali parce qu’ils lui ont tourné le dos, alors qu’il leur a presque tout donné.
Faire ses preuves avant d’exiger des autres
Certes leurs “revendications sont légitimes” parce qu’on ne peut pas être satisfait de l’état actuel du judo, aujourd’hui, de la gestion qui a été faite de l’héritage des Habib. Il est donc urgent de changer les anciennes pratiques avant que le judo ne disparaisse totalement du paysage sportif malien. Alors que l’attitude des animateurs du collectif vise plutôt à les perpétuer. Si ces «judokas maliens» sont réellement de grands professionnels du management sportif, ils doivent comprendre que seule une assemblée générale est souveraine pour adopter les mesures dont ils veulent pousser le ministre des Sports à prendre. Il s’agit, entre autres, de mettre en place des mesures adéquates pour demander des comptes à la Fédération malienne de judo (FMJ) ; exiger de la fédération un rapport détaillé des états financiers de ces dernières années ; justifier les programmes de développement mis en place ; demander un changement de direction technique ; organiser des élections libres et transparentes selon les statuts et règlement intérieur ; demander pour le futur, un projet de développement cohérent du judo au Mali ; mettre en place une véritable politique de promotion de la discipline…
Leur seule légitimité aujourd’hui, c’est le fait d’être d’anciens internationaux de judo. Mais, qu’ont-ils réellement apporté à cette discipline en tant que combattants malgré tous les moyens mis à leur disposition dans les années 90-2000 par la fédération et le “Club des amis du judo” ? Nous avons un profond respect pour l’un des principaux instigateurs de ce front de déstabilisation que nous ne nommerons pas parce qu’il se reconnaîtra. Il fut incontestablement un combattant teigneux et ambitieux. Mais, si nos souvenirs sont bons, on ne le lui doit qu’une médaille de bronze et une d’argent aux Jeux africains et au championnat d’Afrique. S’il n’a pas eu une consécration africaine, ce n’est pas la faute de Habib Sissoko, Papa Seyan Kéita, Alkaou Camara, Abdoul Aziz Théra, Dramane Doumbia, Kanté… Peut-être qu’il doit s’en prendre au Camerounais Jean-Claude qui lui a toujours barré le chemin des podiums dans les compétitions, même chez lui à Bamako.
S’ils sont aujourd’hui obligés de passer par le ministre des Sports pour régler leurs comptes (parce que c’est un règlement de compte), c’est parce qu’ils ne se sont jamais réellement impliqués dans la vie du judo. Qu’ont-ils fait pour leurs clubs respectifs ? Ont-ils mis leurs expériences à leur service pour encadrer les enfants et préparer la relève ? Ceux qui sont en France ont-ils pu détecter un seul binational pour l’équipe nationale, il leur avait été demandé un moment à certains ? Ceux qui les utilisent aujourd’hui en grand théoricien voire magicien du changement, que reste-t-il de leurs salles ? Ont-t-ils réussi à faire de leurs propres salles des références nationales ? Est-ce que c’est la fédération qui doit entretenir leurs salles à leur place ?
Il est donc plus facile de se rassembler en Collectif de judokas et de faire des propositions théoriques qui ne reposent sur aucune sérieuse étude diagnostic de la discipline. Certains de ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre sont dans le bureau fédéral depuis des années. Très critique sur les réseaux sociaux, l’un des animateurs de ce Collectif oublie qu’il a été membre de la FMJ. Qu’a-t-il apporté à cette organisation ? Il s’est plutôt illustré par son absentéisme aux réunions du bureau fédéral. L’un des problèmes fondamentaux du judo malien, c’est que le niveau a terriblement chuté à la base. Les combattants maîtrisent à peine les techniques de base de cet art martial. Mais cela est-il la faute exclusive de la FMJ ?
Face à une situation donnée, l’humilité voudrait qu’on s’interroge d’abord sur son implication personnelle, ses propres responsabilités avant d’indexer qui que ce soit. Le changement commence à la base et il ne se brusque pas pour éviter une fracture préjudiciable à la synergie d’action. Les changements les plus durables sont ceux ancrés comme conviction ! Il faut donc convaincre au lieu de chercher à blesser et à frustrer ! Si le Collectif vise réellement à redresser le judo malien, ses animateurs doivent patienter, travailler et faire la preuve à la base afin d’avoir une adhésion massive autour de leur projet ! À défaut, ils vont s’apparenter à des illusionnistes ! Comme nous, beaucoup d’observateurs se demandent aujourd’hui, qu’est-ce qui motive réellement leur soudain intérêt pour le judo ?
Moussa BOLLY