«Au-dessus de la moyenne pour le footballeur qu’il a été, en-dessous de la moyenne pour le basketteur qu’il aurait pu être. C’est l’histoire d’un petit gars de la banlieue, pas celle dont on parle aujourd’hui» ! Telle est la description que fait de Frédéric Oumar Kanouté sur le site de la Caf (www.cafonline.com) dans un document intitulé «Moi Kanouté». L’ancien international malien s’y raconte, sans réserve, mais avec cette grande pudeur qui l’a toujours caractérisée. À commencer par son enfance dans une banlieue lyonnaise. «Nous n’habitions pas une barre d’immeubles, mais un lieu un peu plus cossu à Sainte-Foy-lès-Lyon. Mes parents n’avaient pas droit à un logement HLM. Leurs salaires réunis, ils dépassaient le seuil pour avoir droit à un logement social», rappelle-t-il.
Avec ses camarades, il passait son temps à jouer au ballon sous le regard bienveillant de ses parents. Sa mère est une Française, professeur de philosophie et son père était un ouvrier malien. Une enfance heureuse dont se souvient l’ancien artificier des Aigles du Mali. «J’étais dans mon élément. J’ai eu la chance de grandir avec les avantages des quartiers populaires, sans en avoir les inconvénients et d’être né dans une famille extraordinaire. On baignait dans tous les milieux», se rappelle Freddy. Avec une maman prof, évidemment que la scolarité était une priorité absolue et Frédéric Oumar ira jusqu’au Bac littéraire. «Il m’a fallu beaucoup de volonté, car à l’âge du Bac, j’avais déjà engagé une carrière de footballeur à l’Olympique lyonnais où j’avais signé ma première licence à 11 ans», souligne celui qui sera plus tard un brillant footballeur. «Donc, j’étais contraint de suivre des cours par correspondance. Il était impossible de concilier les entraînements quotidiens avec les heures de classe», poursuit-il. Difficile aussi d’aller à l’Université pour les mêmes raisons. Ce sera donc le football. Pas simple non plus. Surtout qu’une brusque poussée de croissance avait entraîné quelques problèmes physiques non négligeables pour ce géant de 1,92 m.
Le succès professionnel après le temps des doutes
L’incertitude souvent planait sur cette brillante carrière avec l’irrégularité des performances. Surtout que le talent ne suffit pas toujours. «Il m’est arrivé de douter. J’ai frôlé plusieurs fois le renvoi du club. Contrairement à ce que pensent beaucoup de jeunes, le droit à l’échec n’existe pas. La sélection est très dure. Une mauvaise série et on peut vous montrer la porte du club. Mon talent était reconnu, mais ce n’était pas suffisant», se rappelle Kanouté. La suite, on la connaît, Lyon en pro et West Ham dans le cadre d’un échange avec le regretté Marc-Vivien Foe. «Un garçon d’une grande gentillesse», se rappelle Freddy Kanouté. «Lorsque je suis arrivé à Londres, il s’est occupé de moi, m’a aidé à trouver mes marques dans la capitale», reconnaît le Franco-malien.
Le très pieux attaquant va enchaîner avec Tottenham, avant de signer au FC Séville où il obtiendra la reconnaissance internationale. «Séville me colle à la peau. J’ai 28 ans, je n’ai aucun titre. J’étais milieu offensif et le club me repositionne devant». Malgré un début difficile, le nouvel ambassadeur de la Caf va s’imposer en Andalousie et s’offrir la Coupe de l’Uefa remportée par le FC Séville aux dépens des Anglais de Middlesbrough. «C’est le plus beau souvenir de ma carrière de footballeur. C’était mon premier trophée. J’ai aussitôt pensé à ma mère qui m’avait accompagné la première fois à mon petit club de banlieue», affirme la star.
Pendant cette campagne, Frédéric Oumar a marqué six buts en 11 matches. Dans la foulée, il gagna la Super Coupe de l’Uefa aux dépens du FC Barcelone, vainqueur de la Ligue des champions par 3-0. Et Kanouté a marqué le second but de son club. La saison suivante, il récidive en Coupe de l’Uefa et inscrit le 3000ème but du club en championnat. À presque trente ans, il laissait «une trace indélébile de son passage de sept années dans le grand club andalou, y disputant près de 300 matches en inscrivant un peu moins de 150 buts». Il est aujourd’hui une légende vivante à Séville.
Le Mali, un choix du cœur
International avec l’équipe de France Espoir, Frédéric Oumar Kanouté va vite se retrouver face à un choix délicat alors qu’il est aux portes de l’équipe de France A : continuer avec la France ou opter pour le Mali qui le sollicite depuis longtemps ? «Bien sûr, pour mon ego, cela aurait été sans doute plus flatteur de porter le maillot de l’équipe de France. Je pourrais dire que j’ai hésité, mais ce serait mentir. Je portais au fond de moi l’envie de revêtir celui du Mali, celui des Aigles, celui du pays de mon père», avoue Frédéric. Il disputa trois phases finales de Can (2004, 2008 et 2010) avec 7 buts à la clé et en 2007, le Glo/Caf Awards du «Meilleur footballeur africain».
Après deux saisons en Chine, Frédéric Oumar Kanouté a mis fin à sa brillante et prestigieuse carrière en 2013. Une réussite qui, au lieu de le rendre inaccessible comme beaucoup, a forgé en lui une foi inébranlable et une très grande humilité rehaussée par une générosité exceptionnelle. En témoignent ses prises de position en faveur de la Palestine et son engagement en faveur des plus jeunes et des plus déshérités. C’est ainsi qu’avant de raccrocher, il créa la «Fondation Kanouté» dont la plus belle réalisation est sans doute le «Centre Sakina» inauguré par le président Amadou Toumani Touré en 2011. Il s’agit d’un village pour enfants orphelins, à une trentaine de kilomètres de la capitale malienne. La prise en charge va de l’éducation à la santé, en passant par le sport. Sans compter la chaleur d’un foyer. Ils sont aujourd’hui une soixantaine au village. «J’espère pouvoir en accueillir bientôt entre 100 et 150», disait-il récemment dans un entretien avec la presse. «C’est une idée que j’ai eue au début des années 2000 et qui a vu le jour en 2011. Je l’ai ressentie comme un devoir. J’ai maintenant des projets d’agriculture et d’élevage pour étoffer cette réalisation», souligne la star socialement engagée.
En parallèle, il contribue au développement d’un centre de formation pour les jeunes footballeurs, sur le modèle sport-études. «On ne doit pas dissocier l’un de l’autre», souligne Oumar Kanouté, qui a également un centre de formation à Dubaï qui accorde la priorité aux jeunes Africains. Il a également créé une société de management sportif pour accompagner les joueurs dans leur carrière sportive. Il n’est pas agent, mais travaille avec des agents, des avocats…
Un cœur en or au service du foot et des démunis
«L’ancien international malien, recordman de buts en sélection nationale, a voué une partie de sa vie aux autres alors qu’il aurait pu, comme beaucoup d’autres, gérer le patrimoine acquis tout au long de sa carrière», souligne un confrère. «À quoi cela sert-il d’avoir de l’argent si vous passez votre vie à le faire fructifier ?», s’interroge Freddy. «J’ai toujours pensé que ce que j’avais gagné, je devais en faire quelque chose d’utile, aider les autres et bien sûr, les plus jeunes. C’est dans mes gênes», répond-il.
Quand la Caf lui a demandé d’être son ambassadeur avec l’Egyptien Mohamed Aboutreika, deux mois avant la CAN, il n’a pas hésité. «C’est un honneur d’être un porte-drapeau d’une telle institution au service des plus jeunes, au service d’un continent qui est le mien et qui me permet de me regarder dans la glace en me disant que ce que je fais n’est pas inutile», déclare le nouvel ambassadeur du foot africain. Il ajoute : «J’ai eu beaucoup de chance dans ma carrière, même s’il n’y a pas eu que des jours de bonheur. Je suis fier que beaucoup reconnaissent en moi un footballeur qui a toujours fait honneur aux maillots qu’il a portés. Cette époque est terminée». Ainsi, «le temps est venu de me consacrer à ceux qui n’ont pas eu ma chance et essayer de leur offrir la possibilité d’avoir un avenir meilleur que celui qui leur était promis», conclut celui qui est désormais au Panthéon des meilleurs footballeurs d’Afrique, du monde.
Il faut rappeler que depuis mars 2014, Freddy est l’ambassadeur du foot malien. La notification officialisant cette nomination décline sa mission en six principaux points. Ainsi, il va aider à la promotion et à la formation des jeunes joueurs, entraîneurs et staffs techniques ; appuyer les démarches de la Fédération auprès des partenaires ; rechercher des sponsors pour les sélections nationales ; négocier des matches amicaux. L’ancienne gloire doit aussi assister le staff technique pendant les regroupements des joueurs dans le cadre des compétitions internationales ; et appuyer les démarches de la Fédération auprès des joueurs binationaux en vue de leur intégration dans les sélections nationales.
Ainsi, après sa retraite internationale, suite à la désastreuse Can «Angola 2010», Frédéric Oumar Kanouté demeure très actif et déterminé à apporter son expérience et son réseau à l’essor du football malien. Et cela, en toute discrétion. En effet, pour paraphraser un confrère, Freddy ne cherche jamais à se faire remarquer car c’est un grand et humble talent qui «cache sous une grande discrétion un cœur en or» !
Moussa BOLLY
(Avec cafonline.com)