Dédouané par la commission d’éthique, qui a abandonné l’enquête le concernant, le président du foot mondial n’en demeure pas moins sous le feu des soupçons.
Le dossier Fifa agite l’actualité depuis de nombreux mois, et le vaste coup de balai opéré depuis n’a pas encore remis totalement de l’ordre au sein de l’instance. Dernier soubresaut en date, ce vendredi, avec l’annonce de la fin des investigations concernant son nouveau président, l’Italo-Suisse Gianni Infantino, à qui il était reproché d’avoir violé le code éthique de l’instance.
« Après enquête préliminaire et formelle, la chambre d’investigation de la commission d’éthique indépendante a décidé de terminer ses investigations concernant le président de la Fifa Gianni Infantino », annonce la Fifa dans un communiqué. En d’autres termes, l’enquête le concernant ne fera pas l’objet d’investigations plus approfondies, à l’heure où la Fifa essaye pourtant, tant bien que mal, de restaurer une image dévastée par des mois d’enquête ayant débouché sur des condamnations ainsi que sur la mise à l’écart de la plupart de ses dirigeants historiques.
Salaire et vols d’avion
Concrètement, qu’était-il reproché à Gianni Infantino, ciblé alors qu’il n’est intronisé que depuis le 26 février à la tête de la Fifa ? Tout d’abord, des voyages en avion qui montreraient un mélange des genres entre dépenses liées à son poste et dépenses personnelles. Ces soupçons avaient déclenché sa surveillance pour « manquements dans ses responsabilités financières en lien avec ses fonctions ». « Aucune situation significative de conflit d’intérêts concernant la position de M. Infantino à la Fifa n’a été identifiée », dit le communiqué de ce vendredi, précisant que « les avantages dont a profité M. Infantino n’étaient pas considérés comme non conformes ».
Mais ce volet dépenses et comptabilité pourrait n’être que la partie émergée de l’iceberg. Le vrai nœud du problème s’étant joué autour des 13 et 14 mai 2016, lors du 66e congrès de l’instance à Mexico. Un congrès placé sous le signe du renouveau pour la Fifa, et que le dirigeant avait débuté devant les représentants des 207 fédérations en estimant que « la crise [était] terminée » à la Fifa.
Là où ça se corse vraiment pour Infantino, c’est au sujet de son « refus de signer le contrat spécifiant les conditions de sa relation de travail avec la Fifa », pour reprendre les termes officiels. Et pour cause. D’après les médias allemands, qui ont publié ces informations accompagnées d’écoutes environ deux semaines après le congrès, Infantino aurait tout simplement tenté de faire supprimer une partie de l’enregistrement de ce conseil, tenu en marge du congrès, et durant lequel la question de son salaire a été évoquée. « Je n’ai pas signé le contrat qui m’a été proposé par le président du comité d’audit et de conformité (M. Domenico Scala, NDLR). Je n’ai pas accepté cette proposition. C’était une proposition que j’ai trouvée insultante », aurait-il soutenu aux autres membres, d’après les écoutes publiées par FAZ. Infantino gagne 1,8 million d’euros annuels, soit presque la moitié de ce que touchait son prédécesseur Sepp Blatter.
Le trop gênant M. Scala
Autre manœuvre évoquée lors de ce conseil et liée à sa zone d’influence, la mise à l’écart de Domenico Scala. Cet Italien, responsable depuis 2013 du comité d’audit et de conformité, était aussi en charge du comité des rémunérations. C’est lui qui aurait été à l’origine de l’abaissement du salaire du président, décision prise à la suite du Fifagate, et ce, avant même qu’un nouvel homme ne soit élu. Influent, Scala était également dans le collimateur d’Infantino pour avoir mis en doute certaines de ses promesses de campagne, et sa capacité à réformer.
« Nous voyons si c’est possible qu’il démissionne. S’il ne le fait pas, nous demanderons aux délégués que cette question soit posée devant le congrès », aurait lancé Infantino durant ce conseil, et en dépit du scepticisme de certains autres membres devant l’absence « de documents et de faits ». Et pourtant, le 14 mai, au lendemain du congrès, Scala remettait sa démission, prétextant alors son opposition à un amendement concernant « le pouvoir de nommer et de destituer les membres des différentes commissions indépendantes ». Infantino a-t-il voulu se débarrasser de Scala ? En tout cas, il risquait 90 jours de suspension si sa demande d’effacement des enregistrements avait été avérée.
Ces deux pierres dans le jardin du nouveau président de la Fifa n’auront donc pas suffi à ce que la commission d’éthique juge nécessaire de se pencher plus sérieusement sur ses agissements. Après avoir évoqué dans un premier temps des « spéculations », ladite commission le dédouane aujourd’hui. Les révélations des Panama Papers, dans lesquelles il avait été cité après avoir notamment signé en 2006 et 2007, au nom de l’UEFA, des contrats de diffusion des compétitions européennes en Amérique latine avec une société off shore aux agissements occultes, ne devraient pas l’aider à restaurer son image et son statut. La Fifa en aurait pourtant bien besoin.