Ce n’est pas encore l’heure du bilan, mais c’est déjà celle des tendances. La Francecomme le Portugal sont finalistes. Tous deux ont basé leur réussite sportive sur des valeurs de discipline, d’abnégation et sur l’apport d’un homme providentiel, ce fameux « match player » qui transforme un groupe ordinaire et cohérent en un potentiel champion.
Antoine Griezmann d’un côté, Cristiano Ronaldo de l’autre. Dans des styles bien distincts, les deux joueurs incarnent ce facteur X, capable de bonifier le travail des ouvriers qui travaillent dans l’ombre. Retrouver ces deux équipes en finale justifie d’autant plus ce « match dans le match ». L’idée prend encore plus de sens lorsque s’opposent deux équipes pragmatiques qui ont basé leur réussite sportive sur les réussites individuelles.
La France est tombée sous le charme d’Antoine Griezmann, quand le Portugal adule Cristiano depuis déjà 12 ans. Six années séparent les deux joueurs, et quand l’un continue de progresser avec une constance aussi illisible qu’insoupçonnable, l’autre maintient un niveau de performance constant dans l’exceptionnel depuis des années.
Leurs destins semblent liés dans cette saison 2015-2016, où ils ont été les acteurs du feuilleton de la Liga et de la Ligue des champions, avant de se retrouver maintenant avec leurs sélections respectives en finale de l’Euro. Auteur de 35 buts en championnat, Ronaldo a surtout guidé le Real Madrid vers un onzième sacre en C1, même s’il n’a plus marqué à partir des quarts de finale. De son côté, Griezmann, 22 buts en Liga, a brillé sur la scène européenne avec 7 buts, dont certains décisifs en quart (contre Barcelone) et en demie (face au Bayern).
Personnalités différentes
Leur autre point commun, c’est un début d’Euro diesel. Ronaldo a attendu le troisième match de poule avant de se montrer décisif, manquant même au préalable un penalty face à l’Autriche. Griezmann, lui, a eu besoin de souffler contre laRoumanie (sorti en cours de jeu) et l’Albanie (entrée à la 67e minute) avant d’entrer de plain-pied dans la compétition.
En chiffres, tous deux pèsent lourd dans le rendement offensif de leur pays. Ronaldo, c’est 38 % des buts portugais (3 sur 8), quand Griezmann a inscrit 48 % des buts français (6 sur 13). Une efficacité qui penche côté français, puisque l’attaquant de l’Atlético frappe en moyenne 4 fois au but par match contre 7,5 pour CR7.
Même si chacun des deux a réalisé deux passes décisives, le Français a le mérite de s’inscrire un peu plus dans le collectif. D’autant plus depuis que Didier Deschamps a décidé de bâtir son système autour de lui. Contre l’Allemagne, les Bleus ont évolué dans une sorte de 4-4-2 similaire en tous points ou presque à ce qu’a montré l’Atlético Madrid depuis plusieurs saisons.
Enfin demeure le langage corporel. Ce que les gens voient en premier lieu, et donc ce qu’ils retiennent pour la plupart. Ronaldo, génie reconnu et bosseur invétéré, incarne le soliste, celui qui vit sa séance de tirs au but contre la Pologne en marge de ses coéquipiers, celui qui ordonne plus qu’il n’encourage. Sa haine de la défaite est une force qui, parfois, paradoxalement, le rend exécrable, clivant. La réussite de Griezmann, elle, est indexée sur la performance du collectif qui l’entoure, en club comme en sélection. Ses sourires, ses joies, son apparence de gendre idéal – qui contrastent avec la froideur et l’efficacité de son jeu – en font en quelque sorte un anti-Ronaldo. Comme s’il était nécessaire d’opposer deux hommes qui, chacun dans leur style, portent à bout de bras la réussite offensive de leur sélection.
Depuis son arrivée en 2014 chez les Rojiblanco, le Français a joué 11 fois contre le Portugais en club. Pour une seule défaite. Une série à poursuivre pour rentrer au Panthéon des très grands.
Je souhait la victoire de la France …mais je redoute que ce match aboutisse à un tir au but en faveur du Portugal.
Comments are closed.