Focus : Une ambition olympique à baliser

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Les rideaux ont été tirés sur les Jeux olympiques «Rio Janeiro 2016» (du 5 au 21 août 2016 au Brésil). Et une fois de plus, depuis 1964 à Tokyo (Japon), le Mali s’est contenté de participer. Nos sportifs ont fait de leur mieux. Mais il n’y a pas eu de miracle, car l’écart de niveaux est énorme. À part bien sûr au taekwondo. Une discipline dans laquelle nous avons toujours eu, ces dernières années, des combattants comme Daba Modibo Kéita (double champion du monde), Ismaël Coulibaly (champion d’Afrique dans sa catégorie) qui peuvent côtoyer la crème mondiale. «On ne va pas aux J.O pour parader seulement, mais se mesurer à des professionnels de haut niveau. Donnons-nous les moyens de mettre nos espoirs dans les conditions. De faire honneur à la patrie et c’est possible à condition de bosser.

«Le succès repose sur 1% de chance et 99% sur le travail et l’endurance !»

C’est la réaction d’une consœur de la place au sujet de la participation du Mali aux Jeux olympiques «Rio 2016». Comme toujours, il n’y a pas eu de miracle (il y en a très peu dans le sport) et la délégation olympique du Mali est revenue bredouille du Brésil. En se référant aux publications sur les réseaux sociaux ces dernières semaines et les messages reçus Inbox, force est de reconnaître que notre charmante et brillante consœur exprime très haut un sentiment général. Certes, il est prématuré de parler de déception, d’autant plus que notre espoir de médaille reposait sur le talent d’Ismaël Coulibaly. Mais l’amertume est légitime quand l’on sait que «des pays comme le Niger, le Burundi et la Côte d’Ivoire ont réussi à monter sur le podium». Même si comparaison n’est pas forcément raison. Mais la remise en question est indispensable car étant une condition sine qua non pour se hisser un jour sur un podium olympique. Le Comité national olympique et sportif du Mali (CNOSM) focalise les critiques et des commentaires souvent déplacés émanant des néophytes voire de mercenaires souvent manipulés pour régler des comptes personnels. Mais, cela se comprend aussi d’autant plus que le Mali participe aux J.O sous la bannière du CNOSM. Sans entrer trop dans les détails, il faut être invité par un CNO (Comité national olympique), une Fédération sportive internationale (FI) ou le CIO (Comité international olympique) pour être aux jeux.

Communiquer pour lever les équivoques

Le CNOSM doit communiquer ne serait que fixer l’opinion pour la procédure de la composition d’une délégation nationale aux jeux. Car sans savoir de quoi ils parlent, certains confrères et internautes pensent que cette délégation nationale est composée de «touristes». Et ils pensent que nous faisons «l’avocat du Diable» quand nous tentons de clarifier l’opinion. Sur le plan sportif, nous savons qu’il y a deux modes de qualification. Il y a les sportifs qualifiés parce qu’ayant réalisé les minima (athlétisme), ou ayant accumulé des points exigés ou à l’issue de tournois qualificatifs, comme c’est souvent le cas avec le taekwondo et les sports collectifs, comme le football, le basket-ball, le handball, le volley-ball…

Pour Rio 2016, seul Ismaël Coulibaly remplissait cette condition suite à sa qualification à l’issue d’un tournoi organisé pour la zone Afrique à Marrakech (Maroc). Il y  a aussi ceux qui sont invités par les F.I en raison du principe de l’Universalité des Jeux olympiques. C’était le cas de nos cinq autres représentants. Il est utopique de s’attendre à ce qu’ils rivalisent avec les sportifs qui ont réalisé les minima pour se retrouver à ce niveau de la compétition. En plus des membres d’un CNO, la présence des responsables techniques et administratifs des disciplines en compétition est indispensable. Ce que beaucoup de gens ignorent, les J.O, ce ne sont pas seulement que les compétitions dans les différentes arènes. Mais c’est aussi de multiples réunions techniques et managériales. De nombreuses organisations régionales comme l’ACNOA (Association des comités nationaux olympiques d’Afrique), où des Fédérations internationales profitent aussi de l’opportunité pour organiser des séminaires de management ou de recyclage…

Les F.I y planifient aussi souvent des politiques à mettre en œuvre pour la nouvelle olympiade, les innovations techniques, les règles arbitrales, les partenariats à mettre en place en fonction des besoins exprimés par des fédérations sportives nationales. Le CIO et la majorité des CNO profitent aussi de l’aubaine pour manifester leur reconnaissance à des sponsors qui les accompagnent à longueur d’année dans l’atteinte de leurs objectifs. Sans compter la présence d’un kiné et d’un médecin pour des disciplines comme le judo et le taekwondo. À défaut que chaque discipline amène un kiné et un médecin, il en faut indéniablement dans une délégation nationale. Nos pays ne peuvent se permettre un préparateur mental dont le rôle est de plus en plus important dans les performances sportives au haut niveau. Il est vrai que tout ce beau monde est sous le couvert du Comité national olympique (CNO), mais la marge de manœuvre de ce dernier est assez réduite pour ce qui est de la performance de nos sportifs à l’échelle continentale et internationale. Cela d’abord parce que le Comité n’est pas concepteur de la politique nationale du développement du sport. Sa mission essentielle est avant tout la vulgarisation des valeurs olympiques. Il accompagne aussi l’Etat et les fédérations membres dans leur quête de performance.

La confiance de la Solidarité olympique

Et en la matière, nous ne pensons pas que quelqu’un puisse objectivement jeter la pierre au CNOSM, qui fait de son mieux. Notamment en termes de formations (sportifs, encadreurs techniques et managers) avec l’appui notamment de la Solidarité olympique, son principal bailleurs de fonds. Même si, pour des conflits d’intérêts personnels, certains n’hésitent pas à attaquer le président du CNOSM par rapport au contrat de sponsoring avec SOTELMA/MALITEL, les vrais acteurs du développement du sport sont convaincus de sa pertinence et de son impact sur la performance sportive nationale. Avant ce contrat, à part le football et le basket, toutes les autres disciplines devaient se contenter de la subvention du ministère des Sports. Ce qui ne leur permettait même pas souvent d’organiser à part un championnat national et une coupe du Mali.

Mais, de nos jours, non seulement elles peuvent organiser ces deux compétitions et mener deux à trois autres activités au niveau national, mais aussi espérer des sorties sous-régionales et africaines pour se frotter à l’élite africaine. C’est aussi grâce à la confiance et la crédibilité dont il jouit au niveau de la Solidarité olympique, que le CNOSM obtient des bourses de recyclage pour des techniciens et des bourses olympiques pour des sportifs d’élite comme Ismaël Coulibaly qui, depuis quelques années, est admis dans un centre de haut niveau à Montpellier (France). Et, avant lui, bien d’autres sportifs comme le double champion du monde Daba Modibo Kéita ont profité de cette opportunité de bénéficier d’un encadrement de haut niveau. Mais la performance des disciplines est avant tout un défi que les responsables fédéraux se doivent de relever, en se donnant les moyens de leurs ambitions. Le rôle de l’Etat et du CNOSM est de les accompagner à réaliser ces objectifs.

Définir nos ambitions olympiques

Toutefois, il est nécessaire de mener la réflexion sur une participation judicieuse et performante aux Jeux de la nouvelle olympiade prévus en 2020 à Tokyo, au Japon. Une ville où le Mali avait participé pour la première fois aux Jeux olympiques (Tokyo 1964), avec notamment Dramane Sérémé comme pionnier. En effet, face aux enjeux économiques, politiques et diplomatiques des performances sportives, notre pays ne peut plus se contenter de se conformer au principe du père de l’ère moderne de l’Olympisme. Il s’agit du Français l’Abbé Pierre de Coubertin, pour qui «l’essentiel est de participer» ! De nos jours, les enjeux dépassent de loin une telle philosophie.

Le prestige de l’Olympisme est tel que toutes les nations veulent profiter des Jeux pour s’affirmer et accentuer leurs suprématies politique et économique. D’où la pression exercée sur le CIO par de nombreux pays occidentaux pour écarter la Russie du rendez-vous de Rio pour raison de dopage ! Aujourd’hui, nous savons presque dans quelles disciplines nous avons assez de chance de remporter une médaille olympique à l’avenir. Dans un court terme, c’est sans doute le taekwondo et le football. Et dans le moyen et long termes, on peut miser sur des arts martiaux (judo et le karaté) et le basket-ball dans une moindre mesure. Et en fonction de l’ambition nationale ainsi balisée, il faudra repenser et réorienter l’encadrement au niveau du Lycée sportif Ben Oumar Sy.

Conçu par le président Alpha Oumar Konaré comme «une fabrique de champions», cet établissement tarde a porté ses fruits 15 ans après son ouverture. Et si certaines de ses pensionnaires ont été sacrées au niveau continental avec le basket et le taekwondo. C’est par exemple le cas d’Aminata Doumbia, sacrée championne d’Afrique de taekwondo lors du 13e championnat d’Afrique, qui s’est déroulé du 6 au 11 mai 2014 à Tunis (Tunisie). Malheureusement, depuis, elle a presque disparu du haut niveau. Une fois les talents détectés, on peut miser sur la coopération sportive (Cuba, Venezuela, Algérie, Corée du Sud…), en plus des moyens de l’Etat et de la contribution d’éventuels sponsors.

L’ambition de nos sportifs ne doit plus être aujourd’hui de rivaliser avec leurs camarades d’Afrique, mais rivaliser avec les meilleurs du monde. Mais, nous ne faisons pas trop d’illusion parce que nous étions parvenus au même constat après les J.O «Londres 2012» (Royaume Uni). Notre rapport, hélas, avait été superbement ignoré à l’époque. Mais, comme le dit si bien un jeune confrère, il ne sert à rien de décharger notre amertume sur le CNOSM, le parfait bouc émissaire, car «chacun de nous doit travailler à son niveau, jouer objectivement et efficacement sa partition, comme cela se fait partout dans le monde, pour réaliser ce rêve national» !

M.B

 

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