“Mon objectif, c’est les Jeux olympiques de Paris 2024 “
Dans une interview qu’il a bien voulu nous accorder, Dr Tiéfing Sissoko, enseignant-chercheur en Sciences de l’éducation à l’Université des Lettres et des Sciences humaines de Bamako, nouvel entraîneur de l’équipe nationale de judo, nous parle de son parcours sportif, sa motivation à accepter ce poste d’entraîneur, ses objectifs avec l’équipe pour les prochaines années. Il a aussi lancé des messages à l’endroit des jeunes pratiquants.
Aujourd’hui-Mali : Parlez-nous de votre parcours dans le monde de judo ?
Dr Tiéfing Sissoko : S’agissant de mon parcours en judo, il faut savoir que c’est un parcours qui a démarré il y a très longtemps. J’ai commencé à faire le judo dans les années 1985-1986 et au cours de cette carrière, j’ai gagné des médailles d’or, notamment au championnat national et au tournoi en équipe des clubs de Bamako en 1999. Lorsque ma carrière a décollé et que j’ai été sélectionné dans l’équipe nationale de judo, je suis allé en France pour mes études supérieures. Je dois dire que c’est en France où j’ai beaucoup combattu, notamment pour mon université qui est l’Université Paris I Panthéon Sorbonne. J’ai représenté cette université lors de différentes compétitions comme le Tournoi de Polytechnique que nous avons gagné, le Tournoi de la ville d’Orsay, le Tournoi international européen de judo où nous avons été vice-champions d’Europe universitaires.
Par la suite, j’ai arrêté ma carrière pour poursuive mes études tout en continuant l’entraînement. C’est-à-dire, je n’ai pas coupé le pont avec les milieux du judo. Au contraire, j’ai gardé un lien très fort avec les milieux de judo en France et au Mali. Au Mali, j’ai organisé plusieurs compétitions en collaboration avec la Fédération malienne de judo et Ji Jitsu, une façon pour moi de soutenir la pratique de cette discipline.
Vous venez d’être nommé nouvel entraîneur de l’équipe nationale de judo. Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter ce poste d’entraîneur national ?
C’est une question très intéressante dans la mesure où j’ai plusieurs casquettes comme vous pouvez le voir. Vous savez, j’ai pratiqué cette discipline toute ma vie et j’ai développé une expertise technique qui pouvait être transmise au niveau local puisque tout le monde est conscient que le judo malien est en difficulté depuis des années. C’est-à-dire, cela ne fonctionnait pas bien et les athlètes n’avaient pas la possibilité de s’entraîner correctement. L’équipe d’encadrement tantôt c’étaient des Cubains qui venaient pour des courts séjours, tantôt c’étaient des entraîneurs locaux. Mais la motivation des athlètes n’était pas au rendez-vous. C’est face à tous ces défis que je suis venu à la tête de l’équipe nationale de judo. Je me suis dit que je pouvais relever ces défis parce que je dispose d’un réseau qui pouvait être un atout efficace.
Comment je peux le relever ? C’est parce que je dispose d’une expérience et d’une expertise dans le domaine de judo qui peut être profitable pour les athlètes maliens et pour la Fédération malienne de judo et Ji Jitsu. Mon rêve et mon objectif, c’est de remettre sur les rails le judo malien. C’est la discipline que j’ai beaucoup aimée et la discipline que j’ai pratiquée quasiment toute ma vie et de façon constante.
Oui, à un moment donné, nous développons forcément des expertises dans ce domaine. C’est exactement ce que j’ai commencé à transmettre au niveau de l’équipe nationale malienne de judo. Un transfert qui peut concerner des entraîneurs, également. J’ai quitté la France, une très grande nation de judo qui a remporté des médailles d’or lors des Jeux olympiques.
Cette nation de judo a développé aussi des techniques et des façons de travailler qui peuvent être profitables.
Après avoir côtoyé des personnes dans ce domaine et s’être entraîné avec les meilleurs judokas, je me suis dit que pendant la période où j’aurai en charge l’équipe nationale de judo, mon objectif sera de transmettre toutes mes connaissances acquises à la jeune génération.
Quels sont vos objectifs avec l’équipe pour les prochaines années ?
Mon objectif ultime avec l’équipe nationale de judo, c’est les Jeux olympiques de Paris 2024. En 2020, aucun athlète malien n’a été qualifié pour les Jeux olympiques au Japon. Pour Paris 2024, j’aimerais que plusieurs catégories puissent être représentées pour ces Jeux olympiques. Entre cet objectif ultime et maintenant, il y a d’autres objectifs intermédiaires. Ces objectifs intermédiaires, ce sont des tournois de la sous-région, les championnats d’Afrique, puisqu’il y aura trois championnats d’Afrique avant les Jeux olympiques de 2024.
L’un de mes objectifs est de gagner progressivement des médailles lors de ces tournois internationaux pour que le Mali puisse répondre aux grands rendez-vous dans les quatre années à venir. Ce sont des objectifs qui sont atteignables et nous sommes en train de travailler avec les athlètes pour cela. Nous sommes en train de les préparer techniquement, physiquement et aussi mentalement pour qu’ils puissent répondre présents sur le tatami et aussi dans la vie de tous les jours.
Cela fait des années que les judokas maliens ne se qualifient pas pour les grandes compétitions comme les Jeux olympiques. Alors, qu’est-ce que vous allez faire pour réussir ce challenge ?
Oui, vous avez raison, nos athlètes ne se sont pas qualifiés pour les derniers Jeux olympiques et pour les Jeux olympiques d’avant, je crois qu’un seul athlète judoka malien est parti et puis il a été éliminé au premier tour. Maintenant, il faut que nous travaillions efficacement pour que nos athlètes puissent être mieux formés. Alors quelle est la stratégie ? Je dirai qu’il y a deux stratégies. La première stratégie, c’est de travailler avec les acteurs locaux. C’est de travailler avec les judokas maliens, à savoir les jeunes et les espoirs afin qu’ils gagnent en confiance, en maturité et en efficacité lors des tournois qui vont se succéder de maintenant jusqu’aux Jeux olympiques.
La deuxième stratégie qui est 10% de notre temps, va être consacrée aux judokas de la diaspora. C’est-à-dire, il y a des Maliens qui évoluent dans d’autres pays, notamment en France qui est une grande nation de judo encore une fois. Ces judokas qui évoluent dans ces territoires, nous allons pouvoir les attirer, les préparer et leur permettre de représenter le Mali puisqu’ils sont aussi bien des Maliens que les Maliens qui restent sur le territoire malien. C’est véritablement les deux stratégies, c’est de travailler 90% de temps avec les athlètes locaux et 10% du temps avec les judokas de la diaspora pour que nous puissions avoir une équipe nationale digne de ce nom qui remporte des victoires.
Pouvez-vous nous parler de la vertu thérapeutique de cette discipline ?
Le judo est une discipline sportive, mais aussi un art martial. Au Mali, nous avons étudié le judo comme un art martial. Cela veut dire qu’il y a non seulement la préparation physique, mais il y a la préparation mentale et spirituelle. Cela veut dire qu’avec cette vertu thérapeutique, nous avons un esprit fort et cet esprit fort domine le corps. À partir du moment où l’esprit fort domine le corps, cela peut nous prévenir contre beaucoup de choses dont les maladies. Nous développons une discipline de vie qui se révèle être quelque chose de très bénéfique pour la santé.
Avez-vous un message à l’endroit de jeunes pratiquants ?
C’est pour leur dire que le chemin vers le succès est long, mais nous sommes là pour les accompagner. C’est vrai que le chemin est long, mais avec de la discipline, du courage et le minimum d’intelligence, ils peuvent aller au bout de ce chemin. Nous pouvons être à la hauteur des grandes nations de judo et pour cela il faut que les jeunes judokas se fassent confiance. Quand ils se font confiance, nous pourrons travailler efficacement. Oui, je crois beaucoup au judo malien. Je crois aux jeunes talentueux maliens qui pratiquent le judo et je crois également à l’expertise des entraîneurs maliens de judo. Au niveau de l’équipe nationale, notre porte est ouverte à tous, pas seulement aux jeunes pratiquants, mais aussi aux séniors et aux vétérans du judo. Qu’ils viennent pratiquer avec nous le minimum de connaissance qu’ils ont.
Votre mot de la fin ?
Mon mot de la fin, c’est vraiment la synergie de nos efforts. C’est-à-dire ensemble tout devient possible et réalisable. Ensemble nous pouvons soulever des montagnes, ensemble nous pouvons permettre aux jeunes combattants d’aller au plus haut de leur niveau. Ensemble, nous pouvons hisser le judo malien au sommet de la hiérarchie en termes de pratique. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que le judo malien puisse se redresser et marcher correctement avec toute sa fierté.
Réalisé par Mahamadou TRAORE