Djoliba : La malédiction de Tiécoro

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Sombre et curieux destin que fut  celui de Tiékoro Bagayogo. Il a sacrifié sa vie, sa carrière, cassé sa tirelire pour un club dont les « héritiers » engagés  depuis un certain temps, dans de viles batailles de chiffonniers respectent (à peine)  sa mémoire. Un vrai déni !

 

Qui était Tiékoro Bagayogo ? Il fait partie des quatorze officiers qui ont renversé en novembre 68, le régime socialiste de Modibo Keita. Des témoignages parfois concordants  distillés ici et là  sur ces années de plomb du CMLN  parlent également de lui  comme d’un acteur–clé de  la chute  presque rocambolesque du père de notre indépendance nationale. En effet,   dans son livre-testament intitulé « Ma vie de soldat », voici ce que son ami  le très « héroïque » capitaine Soungalo Samaké écrit : « Quand Modibo est sorti les bras en l’air, Tiékoro est venu se mettre au garde-à-vous pour dire : ‘’voulez- vous  vous mettre à la disposition de l’armée ?’’ J’ai dit : il n’y a pas de formule de politesse. Prenez-le embarquez-le dans l’automitrailleuse. Et puis les soldats sont venus m’aider et nous l’avons embarqué dans l’automitrailleuse. Ouologuem est venu dire : ‘’S’il vous plait, est-ce que le président  ne peut pas continuer dans sa voiture ?’’ Pas question lui ai-je répondu ». Un bien curieux réflexe ce jour-là, de la part de celui qui  jure encore  la main sur le cœur  que « Modibo, c’est quelqu’un pour lequel j’ai beaucoup de respect, il faut le reconnaître ». Et d’ajouter : « A cause de ses liens avec Danfaga Modibo a trop aimé la compagnie Para. Et chaque fois qu’on allait lui présenter des vœux, il descendait, se mettait  parmi nous et dansait le balafon  avec nous. Il nous donnait 100.000f à chaque fête de l’armée. Il est resté entre nous un fort sentiment d’affection et de respect » Comme quoi « l’homme est un  inconnu connu, un connu  inconnu. »Le père de cette formule célèbre en son temps n’est autre que Ahmed Sékou Touré, un des plus fidèles compagnons de Modibo Keita, tout au moins sur le plan de  l’idéologie socialo-communiste. Ou ce qui s’y apparentait.

 

Notre intention n’est cependant pas de faire ici le procès (même à titre posthume) du CMLN et de quelques « satrapes » ou des « faucons » (à l’image de Django) qui incarnèrent à satiété cette parenthèse noire et  triste de notre histoire post-coloniale. Car cet intermède douloureux  fut un énorme et indéniable gâchis !  Tant sur le plan moral,  social que sportif, particulièrement dans le domaine si prisé du football. Pour une raison bien simple : l’amour irraisonné et sectaire  de l’homme fort du CMLN, pour son club de prédilection, le Djoliba, avait littéralement franchi toutes les limites de la décence et de la retenue. Car en réalité pour Tiékoro, dépourvu de tout d’état d’âme pour  satisfaire ce désir obsessionnel,  cette pulsion innommable,  il n’y avait de vrai dans le football  malien que le Djoliba.

 

 Ce fut un club pour lequel il s’était entièrement donné corps et âme. Pour ce club, il a sacrifié son temps, son  énergie,  cassé sa tirelire pour qu’il fût. Et le  le Djoliba fut un des plus grands clubs de  la sous-région ouest-africaine. De mémoire de supporteur, cet amour vif et possessif qui n’a pas eu son pareil  dans  notre pays,  ne l’a jamais quitté même dans les pires moments de sa vie. Il est resté attaché à ce club fétiche jusqu’à  son dernier souffle. Ceci expliquant bien cela, l’évocation de son nom, de ses excès et frasques suscite encore des grincements de dents dans certains milieux footballistiques de notre capitale.

 

Mais en réalité combien de jeunes supporteurs du Djoliba connaissent aujourd’hui la vie et l’œuvre de Tiékoro Bagayogo, qui se confond si intimement avec l’histoire même du club depuis les années 70 jusqu’à sa brutale arrestation en février 1978 ? De sa mort à aujourd’hui, aucune coupe mise en place par le Djoliba n’a jamais vu le jour, histoire de pérenniser, voire  de « graver dans du marbre », le souvenir et  la mémoire de Tiékoro. « Si je meurs avait-il dit au capitaine Soungalo Samaké dans le mouroir de Taoudéni, il faut m’habiller avec la tenue du Djoliba (…) et m’enterrer. Le reste de tous  mes habits, tu les prends. Ma tenue du jumelage de Djoliba, il faut  tout faire pour envoyer çà à mon fils. » Quelques années après sa disparition « tragique » au bagne de Taoudenni, qu’est-ce qui peut bien justifier un tel déni ? C’est ce que nous tenterons de savoir auprès de certains   responsables, anciennes gloires, supporteurs et supportrices du club, dans les  semaines à venir.

           A suivre !  

Batouala

 

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