Page noire du Sport : le football malien doublement endeuillé

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Le football malien vient de perdre coup sur coup deux de ses monuments. Idrissa Traoré « Nani » s’en est allé pour toujours, dans la nuit du jeudi 25 octobre au vendredi 26 octobre. Djofolo Traoré est décédé, le samedi 27 octobre aux environs de 23h. Retour sur les carrières de ces deux grandes figures qui quittent le sport malien.

Idrissa Touré « Nani », le Fangatigui

Né en 1938 à Dravéla, il signe sa première licence en 1957 au Racing club de Bamako. Très à l’aise sur le plan technique, il évolue comme milieu offensif et a pour but d’alimenter les attaquants en ballons propres. A l’indépendance en 1960, le Racing club de Bamako fusionne avec Avenir pour donner l’AS Réal de Bamako. C’est naturellement qu’il enfile la tunique des Scorpions de Bamako et se révèle être un des hommes forts du dispositif offensif de l’équipe. A la même époque, il est régulièrement sélectionné en équipe nationale et le coach Ben Oumar Sy le repositionne comme ailier de débordement. Une position dans laquelle il se sent tellement à l’aise que le docteur Émilie Loréal lui confie le même rôle en club. Avec son club, il gagne 6 des 9 coupes du Mali entre 1961 et 1969. Il joue aussi avec le Stade malien, la finale de la première coupe d’Afrique des clubs champions, perdue 1-2 à Accra le 07 février 1965 face à l’Oryx de Douala.

L’année suivante, il perd encore en finale de la même compétition face au stade d’Abidjan, cette fois avec son club, l’AS Réal. Victorieux à l’aller 3-1 à Bamako grâce à un but d’Idrissa Touré “Nani” et un doublé de Salif Keita, les Scorpions ont été battus le 25 décembre 1966 au stade Houphouet Boigny 1-4 après prolongations. Nani a gardé en travers de la gorge son but refusé par l’arbitre qui aurait pu permettre au Réal de remporter la coupe. Avec la sélection nationale du Mali, il a été de toutes les campagnes des années 60 (notamment coupe Nkrumah en 1963 à Accra, Jeux Africains de Brazzaville en 1965). En 1971, il s’envole pour l’ex RDA et suit une formation de 8 mois à l’Académie de Leipzig. A son retour, il joue pendant deux ans, avant de mettre un terme à sa carrière en 1974. Il commence une carrière d’éducateur sportif au niveau de l’école de football de Bamako (chargé de détecter les jeunes talents pour les clubs).

Parallèlement à cela; il aide le coach de son club de cœur, Ousmane Traoré “Ousmanebléni” dans la recherche de solutions techniques. Il succède à ce dernier au niveau de la barre technique de l’AS Réal après le sacre de 1980 en coupe du Mali. A ce poste, il s’inspire du football hongrois pour mettre en place l’attaque électronique du Réal de Bamako avec des joueurs au grand potentiel offensif comme Mamadou Coulibaly “Benny”, Beidy Sidibé “Baraka”, Amadou Samaké “Vieux gaucher”, Amadou Pathé Diallo…

De 1981 à 1987 avec un intermède à Paris pour une formation, il remporte le premier championnat national du Mali en 1981 avant de gagner deux autres titres de champion (1983 et 1986). Il échoue deux fois en finale de coupe du Mali (1981 contre le Djoliba 0-1 et 1987 contre le Sigui de Kayes 1-2). Après la défaite en finale de coupe du Mali face au Sigui de Kayes en 1987, il quitte son poste et prend place dans l’encadrement administratif comme secrétaire général. Entre temps, il drive les Aigles après le départ de l’Ukrainien Nikolaï Holovko en 1982. Il dirige trois matches des Aigles du Mali. Il a fait un match nul contre le Niger (2-2 en amical), le 31 juin 1982, avant de dominer, à domicile, la Gambie (3-1), le 14 novembre 1982 et perdre au retour face aux Gambiens (0-1), le 28 novembre 1982, en éliminatoires de la CAN 1984. Nani est ensuite assistant de l’Allemand Steve Manfred avec lequel, ils ne parviendront pas à qualifier les Aigles pour la CAN 84. En 1988, les rênes de l’équipe nationale junior lui sont confiées (il avait comme assistant Doudou Diakité). Avec une génération composée d’Amadou Basse, Mamoutou Kané “Mourlé”, son fils feu Sory Ibrahim Touré “Binkè”, Malick Tandjigora, Kassim Toure et bien d’autres, il réussit à qualifier l’équipe pour la première fois de son histoire au mondial de la catégorie, en Arabie Saoudite en 1989.

Après un nul et de deux défaites au Royaume saoudien, il revient au pays et s’occupe de l’administration de son club, jusqu’en 1992 quand un différend avec la direction du club, suite au transfert de son fils feu Binkè du Real au Stade malien, l’oblige à quitter son poste. Malgré tout, il ne s’éloigne pas de la vie des Scorpions et fait office avec d’autres anciens, de gardien du temple. Il essaye aussi par deux fois de mettre en place un centre de formation (à Sikasso en 1995 et plus tard à Bamako), mais échoue suite à un manque d’accompagnement. Celui que ses joueurs surnommaient « Fangatigui » (l’autorité) en référence à sa manière de diriger les différentes équipes qu’il avait en charge (avec poigne), s’en est allé le jeudi 25 octobre 2018. Il est le père des footballeurs Sidi Bekaye Touré dit papa, feu Sory Ibrahim Touré dit Binkè, Bassala Touré, Cheick Sadibou Touré et Almamy Touré. Il sera porté en terre demain 28 octobre 2018. Dors en paix Nani.

 

Djolfolo « Djo », « old man is the best ».

Révélé au grand public en 1975, suite au départ de nombreux ténors du Stade malien en Europe, Djofolo Traoré débute comme attaquant sous la coupe de Charles Jondot. Avec Lassine Soumaoro, Adou Kanté, Cheick Oumar Koné, Bourama Samaké « Pur Jean » et bien d’autres, ils tentent tant bien que mal de remplacer des joueurs comme Cheick Diallo, Moussa Traoré « Gigla », Issa Yattasaye, Moussa Fané. Ils échouent en finale de la coupe du Mali en 1975 face au Djoliba après deux éditions. En 1978, il commence à prendre du galon et gagne la coupe de la municipalité. L’année suivante, il connait un nouvel échec en finale de coupe du Mali face au Djoliba 1-3 après prolongations. Il est ce jour l’unique buteur du Stade malien à la 113è minute de jeu. Après ce revers, l’heure de la reconstruction a sonné pour le club. Djofolo fait partie de ceux qui sont chargés d’encadrer les plus jeunes comme son jeune frère Yacouba Traoré « Yaba », venu des catégories de jeunes du Djoliba en fin 1978. Au début des années 80, ce joueur de devoir est repositionné au milieu de terrain par son coach Mamadou Keita « Capi ». Son abattage profite à ses partenaires et permet à des joueurs plus fins comme Abdoulaye Kaloga, Mohamed Djila, Bourama Gueye et Yaba de s’exprimer sans se soucier des pertes de balles. En 1982, c’est avec le brassard de capitaine qu’il gagne la coupe du Mali aux dépens du Biton de Ségou. Un signe car le club n’avait pas remporté le trophée depuis 1972. Après un nouvel échec face au Djoliba en finale de coupe du Mali en 1983, il remporte en 1984 le premier doublé coupe championnat mais échoue en finale de coupe UFOA face au New Nigerian Bank de Stephen Keshi, Henry Nwosu, et Edobor Humphrey. Au match retour à Lagos, Djofolo dont les cheveux commençaient à blanchir, avait été chambré par ses coéquipiers lorsqu’avant l’échauffement, des organisateurs nigérians l’avaient pris pour un membre du staff technique d’un certain âge et lui avaient apporté une chaise. Il avait réalisé ce jour l’un des meilleurs matchs de sa carrière sportive. Malgré la défaite, les Nigérians n’ont cessé de dire en fin de match « old man is the best ». En 1985, il se retire petit à petit des terrains et joue les dernières minutes de la finale gagnée face au Djoliba 4-2. En équipe nationale, il a eu quelques apparitions notamment lors des tournois de la zone 2 (Amilcar Cabral). Après les terrains, le diplômé de l’Institut national des sports, met en pratique ses connaissances au sein de son club de cœur en côtoyant les différents entraîneurs et en s’occupant de temps en temps de l’équipe réserve. Employé dans une célèbre imprimerie de la place dans les années 80, il exerce son métier à temps plein. Suite à la situation économique difficile traversée par l’entreprise au début des années 90, il se consacre le clair de son temps au football et à son club. En 1995, il est appelé au chevet d’un Stade malien ayant consommé beaucoup d’entraîneurs en peu de temps. Il remobilise les troupes et réalise le doublé coupe championnat. Il est à ce jour, le seul homme ayant réalisé le doublé en tant que joueur et en tant qu’entraineur. Après cet intermède, il retourne dans l’administration où il décroche un emploi. En 1999, il est de nouveau appelé en pompier, il revient au club et gagne la coupe du Mali face au Nianan de Koulikoro. L’année suivante, il est champion du Mali et bénéficie d’un stage de perfectionnement en Allemagne. Commence alors pour lui, une longue carrière qui passe par l’AS Réal, l’AS Police, l’ASB, le CS Duguwolofila, et l’USC Kita où il était en poste depuis plus d’une année. Absent des terrains depuis un bon moment, celui qui plaisantait avec tout le monde quelque soit l’âge (même s’il lui arrivait de nous tirer les oreilles au niveau du tableau d’affichage du stade Mamadou Konaté), luttait contre la maladie jusqu’à ce 27 octobre 2018 où il a perdu le match que l’on ne gagne jamais. Dors en paix Djo.

“A Dieu nous appartenons et à lui nous retournons”.

Ousmane Camara

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3 COMMENTAIRES

  1. Allahuma Amiiiiiiiiiiiiine et qu’il en soit ainsi pour tout bon musulman yarabi. A Dieu nous appartenons. et à lui nous retournons

  2. Je m’associe au monde sportif du Mali pour m’incliner devant la mémoire des illustres disparus. Que leurs âmes reposent en paix, qu’Allah les accueillent dans son paradis en les couvrant de sa grâce impérissable. Ces sportifs de haut niveau qui ont contribué au rayonnement du football malien se sont immortalisés par leurs œuvres. Puissent leur exemple inspiré les générations futures.

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