Disparition de Karounga keïta dit Keke a 81 ans : L’hommage du Cnosm à une légende du football

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C’est avec une profonde tristesse que le président et le comité exécutif du Comité national olympique et sportif du Mali (Cnosm) ont appris le décès de Karounga Kéita alias “Kéké”, ancienne gloire et acteur incontournable du football malien, le dimanche 5 mars 2023 des suites de maladie à 81 ans.

Cette disparition est une immense perte pour le sport malien, notamment le football, car l’image de Kéké est indissociable de l’histoire du Djoliba AC, un club à qui il a consacré presque toute sa vie en tant que joueur, entraîneur puis président. Comme le disait l’autre, “dans les veines de ce banquier, coulait le sang rouge au propre comme au figuré”.

Sportif dans l’âme, dirigeant visionnaire et très ambitieux, Karounga fut aussi un banquier très expérimenté. Il avait l’habitude de dire que, après sa retraite professionnelle, qu’il ne lui restait désormais que deux familles sur les trois auxquelles il a toujours été attaché : sa famille biologique et le Djoliba ! Et pour cet homme pieux, seul Dieu était au-dessus de ces deux dans son cœur.

Karounga Kéïta est celui qui a posé les jalons de la modernisation du management du Djoliba AC en dotant ce club historique des infrastructures à la hauteur de ses ambitions et qui portent aujourd’hui son nom. Son œuvre fit tâche d’huile au sein du football malien car d’autres clubs vont s’en inspirer.

Né en 1942 à Toukoto (Kita/Kayes), Kéké a atterri à Bamako dans les années 50 pour poursuivre ses études. Il a signé sa première licence au “Bayard” qui a fusionné avec la “Jeunesse ardente” de Bamako-Coura pour donner naissance à “Africa Sports”. Et c’est la fusion de cette formation avec le “Foyer du Soudan” qui a donné naissance au Djoliba en 1960.

Deux ans plus tard, en 1962, Kéké s’envole pour la France avec le baccalauréat en poche et une bourse d’études pour l’Université de Bordeaux. Une belle opportunité de signer aux Girondins de Bordeaux qui accordent à l’étudiant un statut de semi-professionnel…

En 1965, il est appelé pour renforcer les Aigles à l’occasion des premiers Jeux africains à Brazzaville (Congo). En 1971, le jeune étudiant a soutenu une thèse de doctorat en criminologie dont le thème porte sur la délinquance juvénile au Mali.

A son retour au bercail, en 1972, Karounga Kéita est devenu l’entraîneur/joueur de son club de cœur. Plus tard, il devient l’entraîneur principal des “Rouges”. Pendant 18 ans (1972-1990), il restera le premier responsable technique du DAC avec 9 Coupes du Mali, (1974, 75, 76, 77, 78, 79, 81 et 83), 3 championnats nationaux (1982, 1985, 1988), un quart de finale de clubs champions (1977 battu sur tapis vert par Lomé 1), 2 demi-finales de Coupes d’Afrique des vainqueurs de coupes (1981 et 1982). Ce fin technicien a aussi coaché les Aigles de 1974 à 1980, avec une victoire au tournoi de la Zone 2 (ancêtre du Cabral) à Bissau en 1977.

En 1990, Karounga franchit un palier important en devenant le président du Djoliba AC. A son actif, les supporters et le public sportif retiendront sans doute l’adoption d’un nouveau mode de management dans le sport malien avec la dotation du DAC d’un conseil d’administration.

L’illustre disparu est également le précurseur du sport-business qui lui a permis de construire un complexe ultramoderne sur les bords du fleuve Djoliba. Depuis quelques années, le complexe de Hérémakono porte d’ailleurs le nom de ce manager expérimenté et leader clairvoyant.

“Je ne peux pas me juger. Par contre, tout ce que je sais, c’est que j’ai passé plus de 40 ans au Djoliba. Et en 40 ans, je ne peux pas vous rappeler tout… Je crois avoir donné toute une partie de ma vie. La moyenne d’âge d’un être humain est estimée à 70 ans dans les pays développés.

Et dans les pays sous-développés,c’est moins que ça. Moi, aujourd’hui, j’ai plus de 70 ans. Mais, j’ai quand même plus de 40 ans au Djoliba. Donc, je pense que j’ai fait ce que j’ai pu”, avait-il confié dans une interview à la presse à la veille de l’Assemblée générale élective (pour sa succession) tenue le 30 mars 2013.

Après avoir quitté la présidence du Djoliba en 2013, ses apparitions en public ont commencé à s’espacer pour finalement devenir rares. Malade depuis un moment, il a perdu le combat que nul mortel ne remporte dans l’après-midi du dimanche 5 mars 2023. Il s’est éclipsé presque à l’heure (16 h) traditionnelle des coups d’envoie des rencontres de foot dans notre pays.

En lui, le football malien voire africain perd une icône, une légende dont l’histoire se confondait presque avec celle du ballon rond. La légende s’est éclipsée, mais son charisme et son œuvre sont inextinguibles.

Au Djoliba AC et à la famille biologique de ce généreux mécène et grand serviteur du football, le président du Cnosm adresse ses sincères condoléances au nom de l’ensemble du Mouvement national Olympique et Sportif ! Que son âme repose en paix dans le Firdaws !              Source CNOSM

 

Décès de Kéké : 

Bavieux présente ses condoléances au Président du Djoliba AC

Suite au décès de l’emblématique ancien Président du Djoliba AC, Karounga Kéita, le Président de la Fédération malienne de football, Mamoutou Touré a présenté le 5 mars 2023 les  condoléances de la Fédération au Président du Djoliba AC Tidiani Niambélé. “C’est avec une grande affliction que nous avons appris le décès de notre cher ainé, camarade, collaborateur et Président, Karounga Kéita (ancien joueur international, ancien entraineur, ancien Président du Djoliba AC, ancien membre du Comité exécutif de la Fémafoot, actuel Président d’honneur du Djoliba AC), survenu le dimanche 5 mars 2023, en France. La mort d’un être cher est synonyme de douleur et de tristesse incommensurables. L’être humain que nous sommes, demeure impuissant face à la volonté d’Allah, Seul Maitre de l’univers. En cette douloureuse circonstance, le Président que je suis, les membres du Comité Exécutif, le Secrétariat général de la Fédération malienne de football et tous les sportifs maliens se joignent à vous dans ces périodes pénibles et difficiles. A sa famille durement éprouvée, au Djoliba AC, à l’ensemble du public sportif malien, nous adressons nos condoléances les plus attristées. Que son âme repose en paix et que le Bon Dieu l’accueille dans son Paradis éternel. Amen !”, a dit Mamoutou Touré.

                                                                

Siaka DOUMBIA

 

TEMOIGNAGE DE DJIBRIL TRAORé (ORTM) SUR KAROUNGA KéïTA

“Kéké a tout donné au football malien”

Djibril Traoré est un journaliste émérite, fin connaisseur du football et des dirigeants sportifs maliens qu’il côtoie tous les jours. Il a tenu à apporter son témoignage sur le défunt Karounga Kéita.

Petit par la taille, très grand talent, né passionné de football, ailier de poste, dribbleur émérite, intelligent et dans le football, dans les études et dans la vie tout court, grand entraîneur et grand président de son club de toujours, le Djoliba AC de Bamako. Celui qui vient de nous quitter en ce moment incertain et difficile pour notre football national aura tout donné à ce football malien. Karounga Kéita, l’enfant de Dialaya dans la région de Kita, c’est de lui qu’il s’agit. Il aura consacré sa vie entière à ses passions : le métier de banquier et le football”, dit-il de Kéké.

Et de revenir sur le parcours scolaire, professionnel et footballistique du “Roi de Hérémakono”. Djibril Traoré rappelle que Kéké (parti très tôt en France pour ses études supérieures) avait déjà étalé ses qualités de footballeur au Mali avec le Djoliba AC et l’équipe nationale les Aigles, ce qui lui vaut de taper dans l’œil des recruteurs des Girondins de Bordeaux.

“Ainsi, Kéké allie football et étude à un niveau supérieur jusqu’à son retour au bercail où il entra directement à la BIAO d’alors comme cadre tout en occupant le poste d’entraîneur-joueur au Djoliba AC sous la coupe de son ami Tiécoro Bagayoko et du président Tièba Coulibaly. Nous sommes au début des années 80. Et Karounga Kéïta ne tardera pas à signer un long bail à la tête des Aigles du Mali et ne quittera ce poste qu’en 1979 pour se consacrer à son club de cœur, le Djoliba AC, dont il finit par occuper la présidence pendant un bon moment en apportant des changements positifs qui permirent aux Rouges d’occuper une place honorable dans le concert du football africain. Ainsi, Kéké nous quitte ce 5 mars 2023, une date qui rappelle une autre de tristesse : le 5 mars 1972 à Yaoundé où les Aigles sans Karounga Kéïta resté à Bamako perdaient la finale de la 8e Coupe d’Afrique des nations de football contre les Diables rouges du Congo-Brazzaville. Dors en paix Kéké. Tu laisses le football de ton pays dans une certaine difficulté qui, nous l’espérons, trouvera bientôt, comme vous le souhaitiez, une issue favorable”, termine Djibril Traoré.

Siaka Doumbia

 

BREHIMA TRAORE DIT ALLAH KA BOURA

      “Kéké était un visionnaire, un leader né, un meneur d’hommes, un vrai président”

Karounga fut pour notre génération celui qui a su nous façonner pour avoir cet ensemble. Karounga était un visionnaire, un leader né, qui s’est fait respecter par son comportement.

Bréhima Traoré

Sa gestion et son management lui permettaient d’avoir les résultats qu’il voulait, à savoir un grand club qu’est le Djoliba, de grands joueurs, des infrastructures, un terrain digne d’un club d’élite, un hôtel. Je le répète encore : c’était un visionnaire, un meneur d’hommes, un vrai président.

Personnellement, et cela était connu de tous, j’étais très proche de lui, à tel point que le commun des mortels d’alors pensait que je participais aux classements du Djoliba et des Aigles avant les matches ainsi que dans les autres prises de décisions. Que Non ! Je connaissais même ses amis d’enfance hors du football tels que  feu Sidi Diarra du Stade malien de Bamako, Amadou Kéïta etc. etc.

Un fait important à souligner : j’ai eu la chance de lire, à l’internat, au Motel de Bamako, en 1977, sa thèse pour l’obtention de son doctorat en Criminologie dont le thème est : “Délinquance juvénile”. Un vrai trésor sur ce fléau que je conseille à l’actuelle génération de parcourir.

Permettez-moi de ne dire mot sur son amour pour le Djoliba AC car je ne pourrai jamais en trouver le bon degré. Au-delà du Djoliba, sa vie a été quasi entièrement consacrée au football.

Karounga Kéïta restera un exemple pour moi.

Dors en paix, Karounga Kéïta !

 

Dors en paix, coach ! Dors en paix, président !

SEYBA COULIBALY, ANCIEN JOUEUR DU DJOLIBA ET DES AIGLES RESIDANT EN France

“Karounga Kéïta dit Kéké s’est consacré au Djoliba et le Djoliba AC lui doit tout”

Pour Seyba Coulibaly (ancien joueur du Djoliba et des Aigles, résidant en France), Karounga Kéita était un grand entraîneur, un meneur d’hommes. “Grâce à Karounga Kéita, j’ai un peu changé parce que j’étais Seyba bandit, Seyba qui ne respectait rien, absolument rien. Grâce aux surveillances de Kéké, des punitions après les entraînements, c’est petit à petit que je me suis assagi. Il me lançait des défis tout le temps en me disant que si je ne marquais pas de buts, je ne jouerais pas avec l’équipe. Karounga Kéita a été mon seul entraineur et celui qui m’a donné la chance de jouer. Et celui qui m’a donné la chance de jouer avant Karounga était Cheickna Traoré dit Kolo National. Parce que Kolo National m’a donné ma chance avant la venue de Karounga Kéita. Lors de la Coupe du monde, Kolo National m’a fait confiance en me faisant jouer. Et quand Kéké est venu me trouver en train de jouer, il a dit qu’il ne savait pas que je pouvais jouer aussi bien et marquer des buts. Il ne m’avait pas donné ma chance. Mais Kéké a été un soutien pour moi. Il passait souvent devant ma porte, il me surveillait, il me conseillait car il était franc. Il était comme un Français. Kéké était un meneur d’hommes. Quand nous étions à l’internat, il aimait les joueurs des autres équipes plus que les joueurs du Djoliba AC. Mais cela était Karounga qui était ouvert à tout le monde. On l’a même traité de beaucoup de noms parce qu’il était vraiment très aimable, très attachant aux personnes. Tout ce que je peux dire, j’ai vu des hommes, j’ai vu des personnes qui ont encaissé beaucoup de coups mais pas comme Kéké”, se souvient Seyba Coulibaly. Il clame qu’en 1978, sans Karounga Kéïta, le Djoliba AC était mort quand Tiécoro Bagayoko a été arrêté. “Mais Kéké nous a dit cette année-là que c’est maintenant que nous devons prouver que nous sommes les meilleurs et le Djoliba la meilleure équipe du Mali. Et c’est maintenant qu’il faut le prouver. Et c’est par ses conseils, la discipline au sein du Djoliba que nous sommes parvenus à dépasser toutes les autres équipes. On ne peut pas beaucoup parler de Karounga Kéita. Il est rare de trouver quelqu’un comme Kéké dans une équipe. Il a été joueur, joueur professionnel, joueur du Djoliba et entraîneur du Djoliba en même temps, joueur de l’équipe nationale, président du Djoliba AC. Si les gens parlent de Hérémakono, c’est grâce à Karounga Kéïta qui a tout mis pour ce complexe. Karounga Kéïta a abandonné sa famille, ses parents, ses amis pour le Djoliba AC. Karounga s’est consacré au Djoliba AC. Le Djoliba AC doit tout à Kéké. Mais au Djoliba, des personnes m’ont déçu. Le premier conseil d’administration dans une équipe au Mali, c’est Karounga qui l’a créé au Djoliba. Grâce à Kéké, le Djoliba était en avance sur le football malien et le football africain de 10 ans. Quand on jouait, Karounga mettait nos noms sur nos maillots. La France même ne le faisait pas en ce moment-là. Kéké a révolutionné le football du Djoliba AC et le football malien. Que Dieu ait pitié de l’âme de Kéké”, conclut Seyba Coulibaly en larmes.

Siaka Doumbia

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