Notre héros du jour s’appelle Mamadou Diarra. Il a été enseignant puis journaliste. La qualité de sa plume (héritée sans doute de son statut d’instituteur de la vieille école malienne) et sa connaissance de la matière sportive font de lui aujourd’hui une archive vivante de l’histoire du sport malien en général et du football en particulier. Par sa bonne vision, il a fait qualifier des clubs maliens sur tapis vert, il a éteint le feu entre dirigeants et joueurs. Son franc-parler et son courage lui ont permis de tenir tête à l’ex puissant directeur des Services de sécurité, Tiécoro Bagayoko, un fanatique du football et du Djoliba Ac de Bamako. On ne saurait tout écrire sur Mamadou Diarra, tellement son histoire et son parcours sont passionnants. L’exercice n’a pas été facile quand il s’est agi pour nous de condenser notre entretien. Comment a-t-il migré de l’enseignement au journalisme ? Le doyen Mad’Diarra revient sur ses pérégrinations, en partant notamment de sa carrière de l’école fondamentale de Blendio (dans le Ganadougou profond), à celle de Darsalam, et son séjour final au quotidien national L’Essor. A la découverte de l’histoire passionnante de l’ancien rédacteur en chef de l’hebdomadaire sportif Podium.
En 1984, fraichement admis au Certificat d’études primaires, nous avions hâte d’apprendre l’anglais et quitter la zone de turbulence du premier cycle qui avait comme corollaire en son temps le fouet, pour compléter l’éducation familiale. Dès les premiers jours de notre arrivée au second cycle de l’école fondamentale de Darsalam, nous croisons sur notre chemin un homme, Mamadou Diarra.
L’élève face à “Miché” ou L’élève face au maître
Le matin du 6 octobre 1984, il entra dans la classe dans un silence de cimetière, pour se présenter comme notre professeur de Maths-Physique. A main levée, il brossa le programme de l’année et conseilla plus de discipline et de concentration pendant les cours durant les neuf mois de l’année scolaire. Selon lui, cela éviterait notre égarement et nous conduirait jusqu’au DEF. Nous nous en souvenons, comme si c’était hier. Nous retenons de lui un instituteur simple, rigoureux sur ses principes basés sur la bonne conduite. Dommage, il ne finira pas l’année avec nous. Les frères Drabo le feront détacher au Ministère de la Communication pour servir à l’Amap (Agence malienne de Presse et de Publicité).
Contrairement à beaucoup de professeurs, Mad’Diarra (le diminutif de son nom) ne récusait pas les retardataires pendant ses cours. Il jouait plutôt sur leur conscience, avec des conseils, qui malgré notre jeune âge, produisaient les effets escomptés.
Son profil d’enseignant de matières scientifiques et la qualité de sa plume dégagent un paradoxe. Parce que généralement, ce sont les littéraires qui sont de grands bucheurs, avec une mémoire fertile et une plume extraordinaire. En la matière, l’ancien professeur de Maths-Physique-Chimie est une exception.
C’est en 2007 qu’il a fait valoir ses droits à la retraite, après 17 ans de sa vie qu’il a consacrés à l’enseignement et 23 ans passés dans la presse. Mad’Diarra est une archive vivante de l’histoire du football malien. L’ignorer serait une catastrophe, sinon une perte pour la nouvelle génération. C’est pourquoi, les responsables de l’Amap l’ont retenu comme collaborateur extérieur. Chaque jour, après un tour dans sa grande famille, il s’installe dans son bureau avec des jeunes qui travaillent à côté de lui. Ceux-ci se chargent naturellement de lui faire du thé pour donner plus de clarté à sa journée. Et c’est là où nous l’avons rencontré pour parler de sa vie. L’exercice n’était pas facile pour nous. Un élève qui interroge son professeur, c’est le revers. Mais ses atouts d’instituteur ont facilité l’entretien. D’entrée de jeu, avant que nous ne commencions l’entretien, Mad’Diarra a dit qu’il s’est beaucoup réjoui et a apprécié notre initiative de rencontrer, dans le cadre de cette rubrique, l’ancien joueur et capitaine du Djoliba et de l’équipe nationale, Idrissa Traoré dit Poker. Parce que l’homme a tout donné au football malien, que ça soit en club ou équipe nationale. Il retient qu’à chaque fois que Poker perdait un match, il versait des larmes. “Cela met en évidence son sérieux”, confie notre héros du jour.
L’appel de la nation
En 10ème A au lycée technique de Bamako, en 1966, Mad’Diarra reçut de son grand père adoptif un conseil. Il s’agissait, pour le jeune Diarra, d’arrêter les études au lycée afin de s’occuper de sa mère. Il obéit et s’inscrit à l’Institut pédagogique régional (Ipr), dirigé à l’époque par Alfred Garçon. Il ne restera dans cet établissement que quelques mois. L’Etat, confronté à une pénurie d’enseignants, purgea à l’Ipr pour prendre les meilleurs. Ceux-ci, déjà nantis du DEF, sont aptes à enseigner, surtout qu’il y avait nécessité de service. C’est ainsi qu’ils furent immédiatement envoyés sur le terrain comme maîtres du premier cycle. Après leur prise de fonction, ces nouveaux enseignants retournèrent en fin d’année à l’Ipr pour passer leur examen de fin d’études, qui leur attribua officiellement le grade de maître du premier cycle.
Mad’Diarra le demeurera durant huit ans. De 1967 à 1972, il sert successivement à Karangasso, Kignan, Blendio et à Niéna. Il est affecté à Bamako en octobre 1972 pour enseigner à l’école de Koulouba. Il y passa sept ans. Entre temps, trois ans après son retour à Bamako, il réussit au CAP (ce sésame tant recherché par les enseignants) et devint maître du second cycle, option Maths-Physique-Chimie. C’est vêtu de ce manteau que nous le retrouvâmes sur notre chemin à Darsalam en 1984. Une fois dans cet établissement, Mad’Diarra demanda au directeur Haïdara (un mordu du football et père de l’ancienne internationale de basketball, Aïssata Haïdara “Fouky“) de ménager son emploi du temps. C’est-à-dire, faire de sorte qu’il n’y ait pas de cours à dispenser les lundis. Son directeur n’avait rien compris. Il ne s’était donc pas non plus engagé dans une gymnastique intellectuelle afin de voir clair dans cette proposition de son agent. La réalité est que Mad’Diarra collaborait avec le journal Podium.
Pour avoir fait le lycée avec l’un des animateurs de ce journal, Souleymane Drabo, ils ont gardé de très bons rapports. Surtout que Solo savait déjà la passion de son camarade pour le football. La preuve : depuis le lycée, il était abonné aux journaux français spécialisés dans le sport. Donc, à la création de Podium en 1977, il contribua à faire tenir le nouveau bébé sur ses pieds. Mad’Diarra mettait à profit le week-end pour corriger les premiers articles du journal.
A l’occasion d’un match du Stade malien de Bamako, il était l’envoyé spécial de Podium et consultant de feu Demba Coulibaly qui assurait la retransmission sur la Radio Mali. Son directeur d’école, Haïdara, reconnaissant sa voie, l’interrogea sur la question à son retour à l’école. Il nia les faits et ils placèrent le reste du débat sur le plan de la rigole.
La seconde fois, Mad’Diarra n’a pas pu nier les faits. Ce jour-là, il se rappela avoir avoué au directeur qu’il était un collaborateur extérieur du journal Podium.
Adieu à la craie !
Est-ce le début de sa migration vers le journalisme ? Mad’Diarra répond par l’affirmative et cette migration s’est opérée de façon instantanée et rapide pour la simple raison qu’il avait la même conception du football basée sur l’offensive. C’est l’une des raisons fondamentales qui faisait que les supporters des différents clubs se trompaient sur leurs jugements en le taxant avec Solo et Gaoussou Drabo, de Djolibistes ou de Stadistes. La ligne éditoriale du journal Podium n’était favorable à aucune des équipes du Mali. Seulement, celle qui se distinguait par son système offensif rentrait dans leurs grâces. Avant la fin de l’année scolaire 1984-1985, notre professeur dit adieu à la craie. Il nous quitta pour de bon, pour servir à l’Amap. Avec le recul, Mad’Diarra n’est pourtant pas nostalgique de sa carrière d’enseignant, parce que ses anciens élèves qui occupent de hautes fonctions dans l’administration l’ont reconnu. Il a exercé ce métier avec dynamisme jusqu’en 1977, où il a commencé à relâcher. Pour la petite histoire, il pense avoir commis une seule faute durant tout le temps qu’il a enseigné. Laquelle ? Mad’Diarra explique : “Il m’est arrivé de dispenser un cours sans préparation. L’inspecteur n’a pas apprécié cette attitude de ma part. Il est évident que cela n’est pas normal pour un instituteur moderne. Je comptais sur mon expérience pour donner les cours sans fiche. Ce qui n’est pas bon pour un enseignant. Cependant, j’ai été aussi déçu de l’inspecteur, pour m’avoir oublié pour le CAP qui consacrait ma titularisation. Cela a provoqué un retard, même si un an après il s’est racheté “.
Mais qu’est ce qui a changé fondamentalement au niveau de la qualité et de la discipline dans l’enseignement entre son époque et l’après 26 mars 1991 ? Pour notre héros du jour, les enfants ont été jetés dans une époque sans préparation. Les jeunes et les leaders n’étaient pas préparés pour appréhender tout ce que le peuple se reconnaissait. Au fur et à mesure, le peuple a été déçu et la démocratie a entrainé une kyrielle de revendications, aboutissant à des grèves incessantes. Or, dans aucun texte de la Fonction publique, il n’est guère prévu de grève illimitée. La logique veut qu’après soixante-douze heures, on cherche à négocier. Si cette tentative échoue, on dépose un préavis de grève au bout de deux semaines jusqu’à ce que les revendications aboutissent. Malheureusement, la Santé et l’Education sont allées à plus d’un mois de grève. Or, en réalité, les enseignants font plus mal aux enfants qu’au gouvernement. Quant au cas du secteur de la Santé, la victime n’est autre que cette couche meurtrie, qui n’a pas les moyens d’aller dans les cliniques privées ou à l’extérieur. Ce qui pousse Mad’Diarra à s’interroger : où va le Mali ? Si bien que les deux domaines de la Santé et de l’Education sont en lambeaux. Pour lui, tout a fondamentalement changé et on ne saurait faire une quelconque comparaison entre les deux époques.
Podium, la référence !
Une fois affecté à l’Amap, le doyen Mad’Diarra donnera toutes ses lettres de noblesse au journal Podium, en compagnie des frères Drabo (Gaoussou et Souleymane), Soumeylou Boubeye Maïga (l’actuel Premier ministre du Mali), Mamadou Kouyaté dit Jagger (aujourd’hui chroniqueur au quotidien L’Indépendant).
Le journal s’est imposé par la qualité des plumes qui l’animaient. Et jusque dans les confins du Mali, le journal était servi à travers les correspondants régionaux. L’arrivée de Mad’Diarra à Podium a élargi son éventail de connaissances en matière de sport, à telle enseigne qu’en un moment donné, il était le seul signataire de tous les articles du journal. Jagger avait rejoint l’administration générale comme conseiller technique. Après son départ, le doyen Mad’Diarra occupera le poste de rédacteur en chef jusqu’en 1995, à la disparition du journal Podium. Une disparition qui l’a choqué outre mesure, parce que son désir était que le journal pût résister à l’usure du temps pour être encore là, aujourd’hui, avec les mêmes objectifs et le même engouement.
Pour ce qui est des difficultés, le doyen Mad’Diarra les a rencontrées en tant que journaliste. Sinon, un enseignant, dans les années 1960-1970, ne pouvait que souffrir de la crise de salaires, qui caractérisait l’administration malienne. Mais la réussite de ceux qu’il a formés, en termes de satisfaction morale, lui fait oublier toutes ces galères.
En sa qualité de reporter sportif, il reconnait avoir éprouvé de réelles difficultés liées aux conditions de voyages et de travail. Il retient deux matches : “Lors d’un match de coupe d’Afrique de clubs, le Stade malien de Bamako a joué en match retour contre l’Oukaw United du Libéria. Le jour de la rencontre, pour assurer la sécurité du général Yaradouwa, le Commandant de l’Ecomog, on a entouré la piste cyclable de chars surmontés de mitrailleurs. Dans des pareils cas, la situation peut dégénérer à tout moment. Nous avons fait le travail la peur au ventre. Les joueurs ont été sereins et le Stade s’est qualifié grâce à sa victoire au match aller à Bamako. A l’étranger, nous sommes habitués aux bousculades dans les vestiaires, ou aux moqueries quand nos clubs sont battus.
Je me rappelle, au stade Tata Raphaël de Kinshasa, les conditions dans lesquelles Djibril Traoré et moi avons pu rejoindre notre cabine de reportage, située à 50 mètres du terrain en surplomb. Bref, en quittant son pays, un journaliste doit s’attendre à tout. Nul n’est sans savoir que les Arabes n’accordent pas de crédit aux journalistes noirs. C’est-à-dire que le racisme est monnaie courante. Il faut être mentalement fort pour faire un travail qui nous passionne “.
Le cœur manque
Mad’Diarra est l’un des rares journalistes qui a côtoyé les différentes générations de footballeurs, de l’indépendance à nos jours. C’est-à-dire qu’il est le mieux placé pour porter un jugement. Sur la question, la réaction du doyen est sans équivoque. Il est convaincu que les joueurs de la génération post indépendance étaient plus aguerris. Leur force et leur volonté étaient affirmées. Quand le doyen Cheick Kouyaté lui a remis le document sur l’équipe nationale, pour compléter sa formation, il a cherché à rencontrer nombre d’entre eux comme nous le faisons aujourd’hui. La plupart des joueurs rencontrés ont tenu un seul langage, c’est-à-dire dès qu’ils enfilaient le maillot national, ils se sentaient investis, comme un militaire qui partait à la guerre, d’une mission patriotique.
Selon Mad’Diarra, autrefois, certains pays de la sous-région demeuraient des victimes résignées pour le Mali. Juste après la CAN de Yaoundé 1972, il se rappelle que les Aigles ont étrillé les Mourabitounes de la Mauritanie par 13 buts 0, en éliminatoires des Jeux Olympiques. Aujourd’hui, ce pays élimine le Mali du CHAN. Le constat est que tout est à l’envers. Il pense que tout le problème se situe à un seul niveau : les jeunes de la génération actuelle ne savent pas se faire mal. Le cœur manque.
“En 2002, si toute l’équipe avait le même cœur que Mahamadou Diarra dit Djilla, le Mali serait en finale”. Telle est la conviction du doyen. A un autre niveau, Mad’Diarra pose également la problématique du sort réservé à des générations de grands joueurs, dont beaucoup sont morts dans les conditions misérables, sans assistance de l’Etat. Ceux qui sont toujours là, à l’image de Abdoulaye Traoré dit M’Baye élastique, Seydou Traoré dit Guatigui, Modibo Kouyaté dit Zoba, sont en train de tirer le diable par la queue.
Et la brèche est toute trouvée pour expliquer la baisse de niveau du football malien, liée au manque de motivation (chez la génération actuelle) considéré par notre héros du jour comme le problème crucial. Mais comment peut-on motiver des jeunes qui ont leur carrière en France ? Ceux-ci penseront toujours à leurs chevilles. L’Etat a beau leur donner de l’argent, il n’atteindra pas les 100 millions que ces jeunes gagnent dans leurs clubs respectifs. La baisse de niveau du football se situe à ce niveau. Le doyen Mad’Diarra regrette que les joueurs maliens n’aient pas la trempe des Camerounais où la défense du drapeau national est génétique.
Alors, qu’est ce qu’il faut afin que le football malien fasse à nouveau vibrer les fans du pays ? Recette de Mad’Diarra : “Pour permettre au football malien de sortir sa tête de l’eau, les gestes de l’Etat ne suffiront pas. Il faut de la volonté à tous les niveaux. Pourquoi ne pas créer une école de football, un complexe scolaire qui concilie études et sport, uniquement pour le football, différent du lycée Ben Oumar Sy ? Cela aide à former les esprits. Et quand l’esprit est bien formé, le reste suivra en termes de réussite. L’instruction compte dans tout ce qu’on entreprend”.
Nous ne saurions quitter notre professeur, l’instituteur, l’éminent journaliste Mamadou Diarra sans lui poser la question sur sa maîtrise de l’histoire du football malien. Le doyen se rajuste dans la chaise et nous dit qu’il doit cette maîtrise au doyen Cheick Kouyaté, ancien secrétaire général de la Fédération malienne de Football (ndlr : il est aussi le père de Mamadou Kouyaté “Jagger”). Lequel a admiré son attachement au football.
Un jour, il l’invita dans son bureau pour lui remettre un document qui renseigne sur l’équipe nationale, les joueurs, les différentes nomenclatures. Il a fait de ce document un trésor, pour le mettre à jour au fur et à mesure. Voilà tout son secret. A cela, nous ajoutons que le doyen Mad’Diarra est une véritable encyclopédie.
O. Roger Sissoko
Nous attendons impatiemment une Édition des révélations de Fakoly. Un best seller en perspective.
Je veux dire sa partialité
Bravo Doyen. Allah qui main en coro et bonne journée.
Figure dans les oeuvres de Mad’ Diarra, ” les révélations de Fakoli” qui retrace les méandres et les intrigues du pouvoir de 1968 aux événements du 26 mars 1991.
L’homme a été façonné effectivement par son grand père, cet ancien infirmier de santé qui n’a pas hésité de gifler un “blanc” pour rendre justice. Sa cousine Ami Sow de l’ORTM l’entourait de toutes les affections. Mad Diarra tirera de la beauté féerique de cette dame dans sa jeunesse. Celle qui était une perle d’émeraude au temps du CMLN le fera muter de Kignan pour l’école de Koulouba.
Mad’ DIARRA était très apprécié de ATT, de Karamoko Niaré, de Ibrahima DIAKITE dit Dja et autres officiers de l’armée malienne. D’ailleurs tout ce beau monde nostalgique se reyrouvait en ” grin” devant sa maison familiale à Bamako Coura.
Au total, Sankingba atteste de l’homme avait une belle plume. Merci pour ses écrits dans le quotidien ESSOR et surtout l’histoire de “la dame de grande vie”.
Pour la République
L’homme ètait certes un grand journaliste ,mais aussi comme djibril traorè un grand supporter du stade .il avait une belle plume,Mais en le lisant son impartialitè dans ces analyses etait connu de tous
C’est pourquoi django me l’aimait pas
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