Le football malien qui brillait de mille feux en Afrique jusque dans des années 1980, est frappé, depuis, par une crise qui ne cesse de s’accroître, malgré les nouvelles donnes. En plus de la maladie de son système, la question qui se pose aujourd’hui, c’est de savoir si les joueurs n’ont pas leur part de responsabilité dans la déroute de notre sport roi quand bien même toutes les conditions matérielle, financière sont réunies sans compter les infrastructures modernes réalisées pour permettre aux joueurs de pouvoir se hisser au sommet du football africain voire mondial.
De 1960 à 1980 : la période de gloire
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En fait, les anciens joueurs de 1960 à 1980, on ne doute pas, étaient motivés par le sens du patriotisme et la défense des couleurs nationales. Seuls comptaient l’honneur et l’amour pour la patrie ! En effet tous les footballeurs qui acceptaient de porter le maillot national se considéraient comme des soldats au front pour défendre la nation. Le seul motif de satisfaction pour eux,était d’avoir le privilège de porter le maillot national frappé des trois bandes du drapeau national : le vert- le jaune- le rouge. L’hymne national était un stimulant et les rendait plus fiers de leur pays. Ces joueurs ne demandaient presque rien en contrepartie. Ils acceptaient de se sacrifier au profit de l’intérêt supérieur de la nation.
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C’est ainsi que certains footballeurs ont refusé de faire des examens scolaires, d’autres ont tout simplement abandonné l’école, pour aller défendre le pays. Même si, souvent, l’Etat n’a pas été reconnaissant envers ses dignes fils du pays. Ce qui s’est répercuté sur la vie de plusieurs joueurs. Certains, tellement déçus, sont devenus fous, d’autres sont morts. C’est dire, à l’époque, même si le Mali n’a pas remporté une coupe, son football était respecté, craint et adoré. Le public malien sentait l’engouement, la volonté de satisfaire les nombreux fans était là. Puisque notre pays regorgeait de joueurs talentueux qui ne sont même pas passés par une école de foot.
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D’ailleurs, ce qui a poussé les responsables de la CAF à créer un ballon d’or en 1970 pour récompenser les meilleurs talents du continent. C’est le Malien Salif Kéïta “Domingo” qui fut le premier ballon d’or africain. Qui n’a pas entendu parler des prouesses de Cheick Fantamady Diallo, de Sadia Cissé, de Blocus, de Métiou, de Wabi, de Kader Guèye, de Mamadou Kéïta “Capi”, de Faras, de Driballon, de Muller, de Seydou Diarra “Platini”, de Yacouba Traoré “Yaba”, de Bakarini…
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Malgré le respect, les crédits accordés à ces vaillants joueurs, ils n’ont eu droit qu’à des remerciements et des cadeaux symboliques. On se rappelle que lors des jeux de Brazza en 1965 (le Mali a été battu par le Congo sur le nombre de corners), sur les 22 joueurs, trois seulement ont été récompensés, chacun, par une veste et les autres par des modiques sommes d’argent. Que dire des héros malheureux de Yaoundé 1972?
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Heureusement le président Amadou Toumani Touré a initié un programme de réinsertion des anciens footballeurs en 2005. Ce programme a permis d’ouvrir dans les stades du Mali, un centre de formation de football où certains anciens joueurs sont devenus des entraîneurs. Une aide substantielle est accordée à l’association des anciens footballeurs du Mali.
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Un léger mieux entre 1980 et 1990
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Après la CAN 1972, on a assisté au départ de plusieurs figures emblématiques; certains sont allés à la retraite, d’autres ont tenté le professionnalisme). Le Mali n’avait pas prévu la relève pour éviter la situation qu’on connaîtra . Alors pour recoller les morceaux, une nouvelle politique fut mise en place afin de motiver les joueurs avec l’instauration des primes de match de 15 000 à 20 000 F CFA par joueur.
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A l’époque, la coupe Cabral faisait son baptême de feu, la seule coupe comparable à la CAN et qui était tant convoitée. Le Mali qui a joué et perdu maintes fois la finale, fut récompensé en 1989 à Bamako. Très comblé par cette victoire, le Général Moussa Traoré offre des lots à usage d’habitation aux 22 joueurs.
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Auparavant, le Stade malien de Bamako a joué et perdu la finale de la coupe UFOA en 1984. Dès lors le football commence à lever la tête. Enfin en 1990 -1991, le soulèvement populaire ralentit un peu les ardeurs avec le renversement du régime militaire de Moussa Traoré le 26 mars 1991.
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Après l’avènement de la démocratie, les activités sportives reprennent de plus belle avec l’arrivée à la tête du pays d’un ancien ministre des sports. Il s’agit de Alpha Oumar Konaré. En 1993, le Stade Malien remporte la coupe UFOA à Bamako contre le HAFIA de Conakry. En 1995, le Mali organise la CAN cadette à Bamako. Depuis le football des jeunes prend de l’ampleur avec la participation des cadets, des juniors aux différentes phases finales de coupes africaine et mondiale. C’est dans cet ordre d’idée que le Mali gagne la coupe Cabral en 1997 à Banjul (Gambie).
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A leur retour à Bamako, ils furent accueillis en héros. La grosse sensation, c’est que pour la première fois depuis 1960, un joueur malien vient d’être récompensé de plus d’un (1) million de nos francs. A l’époque, le milliardaire Babani Sissoko dit Baba Sora a offert 08 millions de F CFA à chaque joueur vainqueur plus l’encadrement technique. Dès lors, on comprit que le football peut rapporter gros. Du coup, c’est l’engouement de la pratique du football par les jeunes . Le Mali disposait de six terrains de football à Bamako, Kayes, Sikasso, Segou, Mopti.
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La création du centre Salif Kéita (CSK) donne de l’ampleur à la pratique du football et presque tous les soirs, des jeunes convergent vers les terrains de football. Tout le monde ne jure que par le football. Les premières recettes commencent à tomber avec les premiers contrats des joueurs du CSK, notamment Seydou Kéïta à Marseille, Mahamadou Diarra en Grèce, Dramane Coulibaly “Scifo” Adama Coulibaly “Police”, Boubacar Diarra “Becken”, Gaoussou Diallo…
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Depuis, les contre performances s’enchaînent. Dès lors, les Maliens pensaient que le football allait rayonner à travers l’Afrique et le monde. Les premiers signes d’espoir étaient annoncés en 1999 lorsque les juniors furent classés 3e mondial avec la désignation de Seydou Kéïta, meilleur joueur et Mahamadou Dissa, 2eme meilleur buteur. Ils étaient tous attendus lors de la CAN 2002 organisée au Mali. Malgré leur 4e place, les joueurs obtinrent des circonstances atténuantes. Mais, cette génération tant adulée, tant espérée, ne fut finalement qu’un simple mirage. Pourtant, l’ensemble de ces joueurs sont tous devenus des professionnels en Europe, en Asie.
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Le sélectionneur des Aigles est désormais un expatrié, censé de connaître les règles mondiales du football. Pour encourager et motiver les joueurs, le gouvernement malien a décidé de prendre un décret augmentant les primes et indemnités dues aux joueurs. Aussi, les responsables ont mis tout en oeuvre pour faire venir et faire changer l’avis des joueurs d’origine malienne, nés en Europe pour les convaincre à jouer avec le Mali. Helas, ce fut une désillusion totale, un goût amer.
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Les joueurs maliens sont ils des apatrides ?
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Le temps des primes de 15 000 à 20 000 F cfa est à jamais révolu. L’entraîneur, le médecin, le docteur, le Kiné sont tous devenus des Européens. Des primes faramineuses sont versées. En effet, chaque joueur sélectionné, c’est-à-dire se trouvant sur la liste des 18, gagne 500 000 F CFA, comme prime de sélection. En cas de victoire à l’extérieur pour un match officiel, chacun des 18 joueurs, gagne 1 million de F CFA et à l’intérieur du pays, chaque joueur perçoit 750 000 F CFA. En cas de match nul, chaque joueur perçoit 750 000 F CFA à l’extérieur et à l’intérieur 500 000 F CFA. Sans oublier les dépenses extrabudgétaires pour couvrir les caprices des soi-disant stars.
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Vu tous les efforts consentis, rien ne va au sein des Aigles. On a l’impression que ne sont pas les mêmes joueurs qu’on voit évoluer en Europe un peu partout. Malgré le départ des multiples entraîneurs, le changement à la tête de la fédération malienne de football et de régime, sans compter la campagne médiatique en faveur des joueurs,le rendement de l’équipe est toujours catastrophique. Pour les uns, les joueurs sont conseillés par leurs parents pour ne pas se donner à fond, car, pour eux, le pays est ingrat. Pour les autres, les joueurs seraient des “apatrides” et qui refusent d’être reconnaissants envers leur nation.
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“Si aujourd’hui, on parle d’eux en Europe, c’est parce qu’ils ont fait leur premier pas au Mali !” s’exclame un fan du ballon rond qui a gardé l’anonymat. Concernant les joueurs dits d’origine malienne, c’est parce qu’ils savent que la porte de la France leur est fermée. Le cas le plus frappant est celui de Frederic Kanouté qui avait été approché en 1997 et avait finalement opté pour la France après la coupe du monde 1998, gagnée par les Bleus.
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Voyant la sélection française compromise, Kanouté décide de revenir au Mali et cela grâce à une loi prise par la FIFA en 2003. Cette loi autorise tout joueur à changer de sélection nationale tant qu’il n’a pas joué avec les seniors de son pays d’adoption. Quoi qu’on dise, Kanouté, depuis son arrivée, se bat toujours même plus que ceux qui se croient plus Maliens que lui.
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Pour un autre amoureux du ballon rond, le manque de patriotisme des joueurs est très évident. Très remonté, il s’exclame: “S’ils veulent conserver leur milliard en Europe, au moins qu’ils aient le courage de décliner les convocations à l’équipe nationale s’ils savent qu’ils viennent lever le pied. On a l’impression que c’est un jubilé ou un match d’exhibition, de gala quand on regarde les Aigles jouer. Malgré la satisfaction de toutes leurs doléances, ces joueurs continuent à narguer le public sportif malien qui ne leur pardonnera jamais en cas de non qualification à la CAN 2008 prévue au Ghana."
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Que faire pour mettre fin à la maligne de ces joueurs ?
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Pour bâtir une vraie équipe nationale soucieuse et consciente ; animée des valeurs morales, des réalités maliennes, l’Etat doit d’abord procéder au toilettage des textes régissant la fédération afin de professionnaliser notre football. En un mot, mettre fin à l’amateurisme qui ne fait avancer personne. Ce qui est indéniable, c’est que si on veut avoir un niveau élevé du championnat national, il faut motiver tous les acteurs (joueurs, encadreurs et responsables) financièrement et psychologiquement.
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La formation, le suivi et la confiance à nos joueurs locaux et aux entraîneurs locaux sont des pistes à explorer. Sinon comment comprendre qu’à l’heure actuelle, toute l’équipe nationale soit essentiellement composée de professionnels évoluant en Europe, en Asie, mais arrive difficilement à gagner face à des équipes nationales des pays qui ne sont pas de grandes nations de football.
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Rappelons qu’en 1972, 2 joueurs seulement évoluaient en France . Cette génération a pu accéder à la finale de la CAN, tandis qu’en 2002, 3 joueurs seulement étaient des locaux (Abdoulaye Diakité, Daouda Diakité “Darou”, Adama Diakité “Dan”). Pourtant, chaque fin de saison en Europe, ces joueurs continuent à avoir la promotion et la plupart sont annoncés dans les grands clubs. Ceux qui aiment leur pays sont entrain de prouver tous les jours, soit avec l’équipe nationale, soit par des oeuvres humanitaires et des actions concrètes de développement. C’est le cas de Didier Drogba en Côte d’Ivoire, d’Emmanuel Adebayor au Togo, Samuel Eto’o Fils au Cameroun , Shabani Nonda en RDC , Mohamed Kallon en Sierra Léone, Mamadou Niang au Sénégal.
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Aujourd’hui, il est temps d’agir .Il faut que les autorités compétentes fassent comprendre à ces joueurs que le football existera au Mali sans ou avec eux. Il faut qu’ils sachent qu’on ne vient pas en équipe nationale pour faire du spectacle et pratiquer un jeu des demoiselles. Tant que le football à la base ne sera pas développé et soutenu, ces joueurs continueront à se moquer du public sportif malien. En tout cas les choses sont claires. Tout le monde est conscient, même le citoyen lambda se rend compte du manque d’intérêt de ces joueurs. Tant que ces soi-disant stars resteront maîtres absolus de l’E.N, ils continueront à narguer le peuple malien. Un appel pressant est lancé à l’ensemble des acteurs du football afin de solutionner ce problème.
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Sinon, les évènements du 27 mars 2007 survenus suite à la rencontre Mali-Togo risquent de se répéter encore. Une chose est certaine, si le Mali ne parvenait pas à se qualifier à la phase finale de la CAN 2008 au Ghana, il faudra prendre une décision courageuse et historique de dissoudre cette équipe nationale pour bien préparer les échéances de 2010, car, l’enjeu est double et significatif. En effet; il s’agira des éliminatoires combinés de la CAN et de la coupe du monde. Significatif, parce que la coupe du monde se déroulera en Afrique du Sud.
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Il faut une décision extrême, car, la chance leur a été offerte après la CAN ratée de 2006. Surtout quand on sait que la plupart de ces joueurs seront frappés par l’âge d’ici 2010.
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En attendant, espérons que les 2 derniers matches permettent aux joueurs de démentir cet état de fait en prouvant à l’opinion nationale et internationale qu’ils sont vraiment patriotes et qui méritent bien le titre de joueurs professionnels.
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Sadou BOCOUM
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(SB du 12 juin 2007)
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