Crise du football malien : Le limogeage intempestif des entraîneurs

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               La bonne marche d’une discipline dépend, en grande partie, du sérieux de son encadrement et surtout de sa stabilité. Mais au Mali, force est de reconnaître depuis 2000, l’équipe nationale du Mali s’est vue confrontée à une cascade de limogeages d’entraîneurs, à tort où à raison. Comparativement aux années 1960 à 1999.rn

                Comme nous l’avions souligné dans notre livraison n°2335 du mardi 12 juin dernier, depuis que les joueurs ont compris qu’on peut gagner gros. En effet, après les 8 millions offerts par Babani Sissoko, après les premiers contrats de certains joueurs en Europe, les responsables du football sont aussi rentrés dans la danse. Car, chaque entraîneur qui arrive est obligé d’avoir une couverture au sommet. Ceux qui restent intrasigeants sont limogés d’une manière ou d’une autre.

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                Mais ce qu’on ignore, un sélectionneur a besoin du temps pour passer son message à l’endroit des joueurs. Il lui faut aussi du temps pour bien cerner le milieu dont il vit. En tout cas, l’entraîneur ne détient pas un coup de bâton magique pour faire d’une équipe la meilleure dans un laps de temps. En plus de ses capacités de maîtrise et de connaissance, il a besoin de l’apport des nationaux bien outillés et en parfaite harmonie avec tous les responsables des acteurs de la vie sportive. Cela sous-entend la présence, en qualité et en quantité, des ressources humaines pour faciliter l’intégration rapide du nouvel entraîneur. Mais à force de changer d’entraîneurs à tout bout de moment, cela  crée sans doute  des confusions chez les joueurs. Surtout quand on sait que ce sont les mêmes joueurs qui sont appelés depuis 2000.

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La stabilité des entraîneurs: un facteur déterminant 

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                De 1960 à 2000, l’équipe nationale s’est caractérisée par une certaine stabilité. Ce qui a permis vraisemblablement aux différents entraîneurs qui se sont succédé à sa tête de bien ficeller un programme de préparation. Il s’agit de la phase d’exercice physique, de musculation, de natation, d’entraînement de marche, et surtout psychologique et de concentration. Ce qui a beaucoup influé sur les capacités de compréhension et d’assimilation des consignes et des systèmes de jeu prônés par l’entraîneur. Du coup, cela a permis de révéler, au grand public, certaines grandes figures emblématiques du football malien. Ce qui a valu tout le respect de ces joueurs sur le continent africain et mondial. Ainsi, le Mali était considéré comme une nation de football.

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Une relève mal assurée !

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                Après cette épopée glorieuse, les responsables du sport malien n’ont jamais su maintenir cette cadence. En effet, la plupart des joueurs restés au pays étaient des analphabètes. D’autres, qui ont été déçus par la mauvaise volonté de l’Etat, se sont complètement désintéressés du football. Du coup, ces anciens joeurs n’ont jamais été formés, à un haut niveau au rôle d’entraîneur. Ceux qui ont réussi, se sont plutôt reconvestis dans les affaires. C’est pourquoi, on voit des clubs maliens entraînés par les anciens joueurs sans la formation adéquate, parce que sans diplôme.

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                D’ailleurs, ce phénomène reste d’actualité. Ce qui laisse la porte ouverte à toute sorte d’aventuriers qui se disent entraîneurs. La chance aidant, certains parviennent à tirer leur épingle du jeu. Mais comme on le dit souvent, tout le monde ne peut pas se trouver dans le même bateau. C’est ainsi que Mamadou Kéïta “Capi” parvient à décrocher un stage en Allemagne où il est sorti major de sa formation comme entraîneur.

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                Ce fut après le tour de Ibrim Diallo, Mamadou Coulibaly, Mory Goïta, Alou Badara Diallo et tout récemment Cheick Oumar Koné. Comme, on le constate, c’est très peu pour aider nos clubs à sortir de l’ornière face à l’amateurisme de notre football. Quand on sait que le système actuel n’est pas pour arranger la situation.

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Une succession intempestive d’entraîneurs expatriés de 1997 à aujourd’hui?

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                Malgré toutes les tentatives, les responsables du football pensaient tenir la solution en recrutant des entraîneurs européens. A l’époque, on pensait que seule l’arrivée d’un entraîneur européen pouvait sortir le football de l’ornière. A croire que l’époque  était venue pour notre football de se mondialiser. Puis qu’à la même période, on assista au début de la vague  des joueurs vers le professionnalisme au Maroc, en Egypte, en Europe.

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                Ainsi, on fit appel à Christian Sarramagna en 1997. Son objectif était de faire qualifier le Mali à la CAN 1998 au Burkina Faso, suite à la lueur d’espoir née après la participation des Aigles à la CAN en 1994. Mais, le Mali rate la CAN 1998 au pays des hommes intègres. Malgré cet échec, Sarramagna fut reconduit et un autre challenge lui fut offert. A reconnaître que  cet entraîneur parvint à insuffler un style nouveau au jeu de l’équipe nationale. Pour la première fois, on voit un jeu élaboré, une bonne circulation de balle avec un fond de jeu bien aéré. Donc l’espoir naquit et chacun fut unanime sur la reconduction de Sarramagna. Donc il n’avait pas le droit de rater la CAN 2000 au Nigéria-Ghana.

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                Mais héla, le Mali fut éliminé par la Côte d’Ivoire avec 9 points. On se rappelle du mémorial match nul 0-0 en 1999 à Abidjan. Depuis, ce fut la fin d’une bonne entente entre Sarramagna et la fédération malienne de football d’alors. Christian Sarramagna fut limogé. Les observateurs se rappellent de cette boutade de Sarramagna à l’aéroport : “Les Maliens sont gentils et naïfs” . Le public malien, pour lui succéder, pensait avoir un entraîneur expérimenté et connu.

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                C’est raté ! On fit appel,en 2000, à l’Italien Romano Matté, qui s’est avéré finalement un touriste et un entraîneur folklorique . Mais, il ne restera qu’une seule année après la cuisante défaite subie à Lorient, en France, lors d’un match amical (0-6). C’était en 2001. Le Mali qui était qualifié d’office à la CAN 2002, en sa qualité de pays d’organisateur, sollicita le concours de Henri Kasperzak pour gérer la phase finale. Avec lui, les Aigles seront éliminés en 1/2 finale par le Cameroun (0-3) pour terminer la CAN quatrième.

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                Pendant qu’on pensait le reconduire, comme s’était prévu, Kasperzak, de la Pologne où il était parti passer ses vacances,décida de rompre avec le Mali. Officiellement, il expliquait sa décision par le fait qu’un club polonais l’avait sollicité. Mais, officieusement, on apprenait qu’il avait eu de problèmes avec Amadou Diakité, alors président de la fédération.

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                C’est ainsi qu’on fit appel à Christian Dalger avec un objectif clair: qualifier le Mali à la CAN 2004. Après avoir réussi la qualification, à la surprise générale, il fut remercié sans motif. Henri Stambouli est appelé à la rescousse, lui aussi le temps de gérer la CAN. Car , juste après cette compétition,il sera, à son tour, remercié et confié à Mamadou Kéïta “Capi”. Ce dernier est entré en conflit ouvert avec certains tenors et cadres de l’équipe. Sans attendre, le bureau fédéral cède aux caprices des soit-disant stars. On fit appel à Alain Moizan, sans repère, sans personnalité. A son tour, il fut viré et remplacé à nouveau par Mamadou Kéïta “Capi”. Le spectacle continue à la surprise générale. Capi fut remercié et remplacé par Pierre Lechantre, qui avait été réclamé par les joueurs. Peine perdue, le Mali rate la CAN 2006.

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                Après l’arrivée d’un nouveau bureau fédéral, on fit appel à Jean François Jodar. Aujourd’hui, le Mali, qui, est 2e de sa poule, tente de se démerder pour obtenir son ticket de qualification pour la CAN 2008 prévue au Ghana. Donc de 2000 à 2007, le Mali a connu neuf (09) entraîneurs. On imagine comment on peut obtenir des résultats tangibles avec cette valse de sélectionneurs. Avec ces 9 entraîneurs, le Mali n’a pu décrocher qu’une seule qualification à une phase finale de CAN. C’était en 2004. Quand on sait qu’en 2002, le Mali était exempt des éliminatoires en sa qualité de pays organisateur.

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                Ces limogeages intempestifs sont dus, soit, à la mauvaise collaboration entre  certains techniciens  et le bureau fédéral. Dans la plupart des cas, des membres du bureau promettaient, contre des cadeaux et/ou des espèces sonnantes trébuchantes, de s’impliquer auprès de l’entraîneur pour que tel joueur soit sélectionné. Jouer avec l’équipe nationale a ses avantages, surtout, le joueur est vu par les recruteurs. Soit, les limogeages sont dus aux comportements  des sélectionneurs qui se croient incontournables. Pis, beaucoup se taper la poitrine en venant en Afrique d’être des entraîneurs de haut niveau alors même que dans leurs pays on ne les classe pas parmi les amateurs. Mais, on est complexé devant eux, parce que tout simplement, ils viennent de l’Occident.Afro-pessimisme oblige quand on sait que certains nationaux n’ont rien à envier à eux ?

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Quelle solution à ce problème?

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                Si le Mali veut arrêter cette hémorragie de limogeage intempestif, les autorités doivent s’impliquer davantage. Cela passe par une intensification des formations d’entraîneurs, surtout leur permettant d’aller se recycler chaque six mois, soit 2 fois par an. Aussi, il faut que les anciens footballeurs, désireux de devenir  entraîneurs, puissent s’unir et s’organiser. Sinon, de 1995 à 2006, les équipes nationales Cadettes, Juniors, Espoirs et Seniors étaient entraînées par seulement trois entraîneurs. Même si à partir de 2005, trois jeunes loups, à savoir Djibril Dramé, Fagnery Diarra et Ibrhim Diallo  sont venus s’ajouter à Mamadou Kéïta Capi, Madou Coulou et Mory Goïta.

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                En plus des stages de formation pour les entraîneurs, on doit encourager la création des centres de football et le développement du football à la base chez le jeunes de 8 à 14 ans. Une chose est sûre, les entraîneurs expatriés sont uniquement des sélectionneurs et n’ont pas le temps d’apprendre quelque chose aux joueurs qui sont tous pour la plupart des professionnels évoluant ailleurs. Il ne s’agira pas de payer un entraîneur à un salaire élevé, s’il n’a pas le temps de s’adapter. A noter que l’ actuel entraîneur des Aigles est payé à 13 millions F CFA  par mois depuis l’arrivée de AIRNESS en 2005. Sans compter les primes et indemnités, le logement et le transport.

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                Quelque soit le niveau de l’entraîneur expatrié, tant qu’il ne bénéficiera pas d’une franche et honnête collaboration avec les techniciens nationaux, son travail sera voué à l’échec. Même si on fait appel à Marcelo Lippi, à Fabio Cappelo, à Arigo Shaki, à José Mourinho, à Alex Fergusson…, la situation ne changera pas.

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                Si rien n’est fait, à l’allure où vont les choses, le Mali risque de ne plus avoir un entraîneur européen. Ce qui sera  dommage quand on sait que les entraîneurs nationaux, pas tous, manquent de rigueur, de personnalité. Et ce n’est pas étonnant d’entendre que des entraîneurs nationaux prennent de l’argent, par-ci et par là. Sans compter également des chantages sur le partage des primes et avantages des joueurs. Pis, rares sont ceux parmi eux qui partent se recycler. Or, chaque année, le football évolue avec des nouveaux systèmes de jeu et de nouvelles règles.

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                En attendant, le peuple malien continue de souffrir, avant une nouvelle ère de bonheur.

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Sadou BOCOUM

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