A l’occasion du Mondial, Lemonde.fr collabore avec le Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges et ses chercheurs pour examiner sous un autre angle cet événement planétaire.
D’après les informations communiquées par la FIFA elle-même, initiatrice, et donc propriétaire, de la Coupe du Monde du même nom, l’association présidée par Sepp Blatter devrait récolter autour de 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et réaliserait entre 600 et 900 millions d’euros de bénéfices nets sur la période 2007-2010. Un très bon rendement puisque son résultat représente de 24 à 36%, selon les hypothèses, du total de ses ressources. Par temps de crise, beaucoup de sociétés privées rêveraient de telles marges !
La FIFA tire l’essentiel de ses revenus de la Coupe du monde (88 %) et c’est sur cet événement qu’est basée sa stratégie financière quadriennale. Sur la période 2003-2006, la FIFA a perçu plus de 2 milliards d’euros de recettes essentiellement dégagées par l’organisation de compétitions sportives (92 %). Près de la moitié de ses dépenses (46 %) sont consacrées aux charges d’organisation de ces compétitions, toutefois, si l’on fait le rapport "produits des compétitions" et "charges de compétions", l’organisation de celles-ci permet de générer une marge d’activité de 62 %.
La fédération internationale a distribué lors de ces 4 années près de 350 millions d’euros à la "famille du football" dans le cadre de divers programmes d’aide et de développement du football, dont les principaux sont GOAL (principal programme de développement du football de la FIFA lancé depuis 1999 qui permet de financer des projets liés à la professionnalisation du football) et FAP (Programme d’assistance financière, qui permet d’allouer à l’ensemble des fédérations nationales ainsi qu’aux confédérations des fonds pour aider au développement du football dans leur pays).
L’organisation des compétitions et le développement de sa discipline représentent 69% de ses charges soit un peu plus de 50% du total de ses revenus. La fédération basée à Zurich a cependant consacré pendant cette période budgétaire plus d’argent pour ses charges de fonctionnement (environ 390 M€) qu’au développement du football ! Au final, alors que fin 2002, la FIFA comptait à son passif des réserves négatives de plusieurs millions de francs suisses (-15), elle est parvenue à dégager fin 2006, 752 millions de francs suisses soit l’équivalent de 470 millions d’euros grâce à l’accumulation de bénéfices entre 2003 et 2006.
Pour la période 2007-2010, l’objectif était encore d’accroitre ce niveau de réserves pour atteindre 550 millions d’euros. Cette course à la maximisation du profit de la part de la FIFA s’explique par différents événements intervenus au début des années 2000, dont notamment la faillite d’ISL – la filiale du groupe Adidas chargée de la commercialisation des droits médias et marketing de la FIFA – et la résiliation de l’assurance annulation de la Coupe du monde. Ces événements, ayant mis en danger les finances de la FIFA et donc l’organisation de leur compétition majeure, ont fait prendre conscience aux instances dirigeantes de l’importance de réduire la dépendance de l’association par rapport à l’organisation de ce seul événement et d’en sécuriser l’organisation.
Par ailleurs, compte tenu du fait que la compétition ne se déroule qu’une fois tous les 4 ans, les contrats commerciaux, générateurs de ses principaux revenus, ne sont finalement garantis qu’une fois le Mondial achevé. Dès lors, la FIFA a été contrainte de modifier sa stratégie financière. L’objectif principal de cette nouvelle politique était de substituer à sa politique de préfinancement une politique de financement par fonds propres. C’est-à-dire qu’au lieu d’utiliser les revenus du Mondial 2010 pour financer les charges 2007, 2008 et 2009 par anticipation, elle souhaite dégager suffisamment de bénéfices afin de constituer des réserves lui permettant de couvrir l’ensemble des charges pré-événement pour ne plus dépendre de la réussite de la compétition.
Pour viser cette indépendance financière, la FIFA a dû développer des politiques dans le but de maximiser ses profits. Elle a notamment choisi d’internaliser la gestion commerciale des droits médias, des droits commerciaux et marketing réduisant de fait les dépenses liées aux prestations des intermédiaires. Parallèlement, elle a suivi un programme d’optimisation de ses dépenses (SCORE). Sans même avoir eu besoin d’attendre la fin du cycle (2007-2010), la FIFA a déjà largement rempli son objectif. En effet fin 2009, les fonds propres de la fédération internationale ont atteint 765 millions d’euros. Maintenant que l’objectif est rempli, il lui faut redéfinir les nouveaux défis à relever. Quelle sera la nouvelle stratégie financière de la FIFA pour 2010-2014 : poursuite de l‘accumulation ou redistribution ?
Nathalie Henaff
LEMONDE.FR | 30.06.10 | 13h59