CAN-2023 Côte d’Ivoire : Projecteur sur les deux sifflets maliens

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Deux arbitres maliens sont retenus pour la Can-2023, qui  se jouera  du 13 janvier au 11  février 2024 en Côte d’Ivoire. Il s’agit de Boubou Traoré dit Penny Penny et Modibo Samaké, arbitre assistant. Qui sont-ils ? Coup de projecteur sur leurs parcours respectifs. 

Boubou Traoré dit Penny Penny – arbitre central

Peny Peny

Nous avons l’habitude de discuter du devenir de l’arbitrage malien avec notre ami et frère Koman Coulibaly ancien référée international. En bon patriote, l’enfant de Galambougou, cercle de Nara, arrondissement de Dily, se souciait beaucoup du métier. Parce que pour lui l’histoire de l’arbitrage est tellement riche qu’il ne doit pas chuter. Nous finirons par comprendre son état d’âme quand il nous fit la confidence de prendre une retraite anticipée après la Can de 2015 à laquelle il devait  participer. Les raisons ? “Il faut souvent savoir quitter le plat, quel que son (bon) goût”, répond-il à l’époque.

Ce jour nous lui avons signifié que parmi ses cadets qui tapent à la porte de l’arbitrage, Boubou Traoré dit Penny Penny est une valeur sûre, qui marchera sur les traces de ses aînés. Koman Coulibaly sans nous contredire, nous conseilla la prudence dans nos déclarations. Il soutiendra que le temps est le meilleur juge, surtout que l’instabilité est le quotidien des sportifs maliens. Car d’autres facteurs entrent en jeu : l’environnement, la famille, la rue, etc.

Pour expliquer le bien-fondé de notre prédilection, il fallait des arguments solides pour convaincre ou même rassurer Koman Coulibaly. Ce jour nous nous souvenions lui avoir dit que les anciens arbitres Modibo Ndiaye, Sidi Békaye et Moussa Kanouté se sont imposés par leur tempérament impulsif, Drissa Traoré dit Driboss a séduit par sa personnalité sur le terrain, Dramane Danté a fait l’unanimité par sa sagesse, sa vigilance et ses décisions courageuses, et lui Koman a marqué les esprits par son sang-froid, et sa sérénité dans les moments  difficiles.

Comme un fait de Dieu, Penny Penny a fait la somme ces différentes qualités de ses devanciers, pour asseoir sa notoriété.

Mieux Boubou Traoré se distingue sur le terrain par une autorité incontestable, évoquant une présence imposante qui a évolué au fil de sa carrière. Ses débuts, marqués par un “excès d’autorité” critiqué, ont cédé la place à une posture qui a su conquérir même ses détracteurs les plus irréductibles.

Au gré de sa carrière, Penny Penny a transcendé les clivages partisans pour s’élever au sommet de l’arbitrage international. Son charisme et sa capacité à prendre des décisions pertinentes ont été renforcés par une proximité constante avec les actions du jeu, témoignant d’une compréhension fine du football.

Son physique athlétique n’est pas simplement une caractéristique, mais un atout habilement exploité. La persévérance physique de Boubou Traoré, combinée à sa maîtrise du règlement, lui confèrent une autorité qui s’impose naturellement. Penny Penny rejoint la lignée des grands arbitres ayant marqué l’Histoire du football africain et mondial, se positionnant avec élégance et qualité pour conduire des matches d’enjeux avec dextérité. Sa domination sur le terrain le place aux côtés de références bien établies, comparable à des anciennes figures emblématiques de l’arbitrage malien.

Parmi les anecdotes marquantes de sa carrière, on se souvient de l’incident où il renvoya fermement dans les tribunes l’ancien entraîneur de l’Usfas, feu Amadou Tidiane Camara ATC. Avec des mimiques assurées, il déclara : “Si tu es lieutenant de la gendarmerie, ici sur le terrain, moi je suis général. Dehors !”. A l’époque Penny Penny n’était pas encore policier. Le 23 septembre 2018 en finale de la Coupe du Mali entre le Stade et le Djoliba AC, Penny Penny fit preuve d’un courage exceptionnel en accordant un penalty décisif scellant le sort du derby entre les deux clubs rivaux.

Affronter les difficultés, contourner les obstacles

Une autre finale de Coupe du Mali jouée le 25 juin 2022 a également fait couler beaucoup d’encre. Parce que sa conviction à valider le deuxième but djolibiste a créé la polémique. L’ORTM a fini par le blanchir, à travers un décryptage des images. Même si les Stadistes ont critiqué la qualité de la Var (ils estimaient que la ligne de la Var est naturellement droite, mais celle du Djoliba était verticale) improvisée par la commission régionale des arbitres, Boubou Traoré avait raison. Ces moments illustrent la détermination et la justesse de ses décisions, gravant son nom parmi les légendes de l’arbitrage. Son saut dans l’arbitrage scie avec son tempérament. Il relève d’un orgueil. Comment ?

Choqué par les agressions des arbitres sur le terrain de football en face de sa famille paternelle, sise à N’Tomikorobougou, Boubou décide d’officier désormais les matches. Tout est parti de là. Il s’en sort avec des pluies de félicitations de son entourage.

Son grand frère de quartier, Founekè Fofana, ancien arbitre assistant international, et feu Douga Dembélé lui conseillent de postuler au recrutement de jeunes arbitres. Ceux-ci ont apprécié ses qualités.

Ainsi Boubou fit ses débuts dans l’arbitrage en 1999. Il gravit tous les échelons et devint arbitre international en 2014. Cependant son parcours a été émaillé d’agressions de toutes sortes. En 2009, les supporters stadistes ont fait de lui un bouc émissaire pour régler son compte.

Certains se sont rendus même dans sa famille pour causer des dégâts matériels, qui n’ont jamais été réparés. Tout cela ne l’a pas découragé. Au match suivant, il est apparu plus requinqué pour imposer son impérium comme un président de tribunal. Pour lui l’homme est né pour affronter les difficultés et contourner les obstacles. Donc il n’est pas question pour Penny Penny de reculer face à un soi disant danger. Une mentalité et un crédo qui lui ont permis de s’imposer dans l’arbitrage africain.

Ainsi il a participé deux Can junior (2017, 2019), un tournoi Ufoa (Sénégal 2019), Can U23 (Egypte 2019), deux Chan (2019, 2021). Aujourd’hui en plus d’être un arbitre international, il est aussi un arbitre professionnel de la Fifa. Ils sont 18  sur un total de 340 arbitres de la Fifa à travers le monde. Ce statut fait d’eux des salariés mensuels de l’instance suprême du football mondial, avec un contrat à l’appui.  Pour sa sélection à la faveur de la Can, voilà ce qu’il déclare : “Je suis très content et fier d’être Malien. Le militaire que je suis mesure la portée d’une mission internationale, où les intérêts des protagonistes sont en jeu. Aussi l’honneur de mon pays est en jeu. Je remercie le bon Dieu, et demande des bénédictions au peuple malien”.

Faudrait-il rappeler que Boubou Traoré dit Penny Penny est un adjudant de la police.

Modibo Samaké : arbitre assistant

L’analyse à mi-chemin du parcours de l’arbitre assistant international Modibo Samaké, conduit à une interrogation. Comment expliquer son ascension en si peu de temps ? Alors que certains de ses aînés n’ont pas eu la même chance après plusieurs années de carrière. Mais il suffit de rapprocher le jeunot, discuter avec lui pour se rendre compte que son cas n’est pas seulement un coup de chance.

Modibo Traore

Plutôt la suite logique de son ambition d’aller au bout de tout ce qu’il entreprend. Autrement dit sa participation pour la première fois à une Can ne saurait être un incident de parcours ou un  concours de circonstance à plusieurs inconnus. Le paradoxe est qu’il n’a jamais muri l’idée de faire carrière dans l’arbitrage. Mais pendant les vacances à Bougouni, il embrasse le métier d’arbitre par le canal de ses grands frères. C’est après son admission au bac qu’il consacre plus de temps au sifflet : lecture des lois de jeu, visionnage de cours d’arbitres.

Après quelques années dans les compétitions de jeunes et du football féminin, Modibo Samaké est jeté dans le grand bain. Lors de la saison 2010-2011, il est régulièrement désigné pour les matches de championnat et de Coupe du Mali. Le public sportif commence à découvrir au début de la saison, un jeune arbitre assistant attentif comme un pêcheur au bord du fleuve, et vif sur les actions irrégulières.

Au risque d’être complaisant, nous affirmons qu’il a la vigilance chevillé au corps. Certes il est très tôt de comparer sa promptitude à celles de Dramane Danté ou de Seydou Traoré dit Lefis, mais ce qui est évident Modibo a des atouts de sauvetage de l’arbitre central.

En rencontrant Modibo Samaké, il traduit l’image d’un jeune très respectueux, qui sait où poser les pieds pour éviter un faux pas. Le récit de sa propre histoire nous fait découvrir un homme sérieux. Bref son calme olympien présage un bel avenir dans un métier qui requiert la concentration de bout en bout. Au terme d’un entretien il est difficile d’affirmer que sa sélection pour la Can-2023 fut une surprise pour ce jeune arbitre assistant.

En réaction à cette consécration, il tient un discours  modeste : “Je suis très ému comme tout candidat admis à un examen. Surtout que tous les arbitres de l’élite ne sont pas sélectionnés à la fois. Cela ne fait pas de moi le meilleur des meilleurs, mais c’est des règles du jeu. Je demande l’assistance du bon dieu, et la bénédiction de tous les maliens durant cette grande épreuve.

Mes sincères remerciements s’adressent à Boubou Traoré pour son soutien, ses conseils. Il ne cesse de doper mon cœur, afin que je ne tombe pas dans le complexe”.

Pour être de cette Can Modibo Samaké s’est illustré dès les premières heures de son grade d’arbitre international en 2020. La même année, il participe au tournoi zonal des U20 au Sénégal. Ce premier coup d’essai fut un premier coup d’éclat. C’est-à-dire qu’il a engrangé le maximum de points pour figurer sur la liste des arbitres de la phase finale (Nouakchott 2021). L’année suivante, il est retenu pour le Championnat d’Afrique des nations (Chan Algérie 2022).

Modibo Samaké a une maîtrise en gestion, obtenu à la Faculté des sciences économiques et de gestion. En 2009 il intègre sur concours l’Institut de formation des maîtres. Admis à la Fonction publique en 2011, il est affecté à Nioro du Sahel comme maître de second cycle chargé de biologie et de physique-chimie.

Il sert pendant un an à Djabé, non loin de Sandaré. Ce séjour a beaucoup influé sur sa progression arbitrale, parce que le directeur d’école n’appréciait pas trop ses absences pour des raisons de matches de football. Il lui a fallu une mutation dans la ville de Nioro, pour qu’il exerce le métier d’arbitre à plein temps.

Depuis 2015, il enseigne à l’Ecole fondamentale Mamadou Konaté. Actuellement il bénéficie d’un congé de formation pour le Master 2 à la Faculté des sciences humaines et des sciences de l’éducation, option sociologie.

Modibo Samaké est marié et père de trois enfants.

                                                                                           

  Roger Sissoko

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