CAN 2008, Mali-Sierra Leone 6-0 : Et maintenant ?

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Le plus dur est à venir pour les Aigles : gagner en septembre à Lomé.

Si le feu d”artifice allumé dimanche par les Aigles face aux Leone stars (6-0) ne constitue pas un nouveau record pour la sélection nationale (en 1972, notre pays l”a emporté 11-0 face à la Mauritanie en éliminatoires des Jeux africains avant de dominer ce même pays 6-0 en 1975 en coupe Cabral), force est d”admettre que notre pays n”avait jamais marqué autant de buts dans une rencontre de la CAN. C”est dire que le doublé de Seydoublen Keïta et les quatre buts inscrits par Djibril Sidibé, Mad Diallo, Lassana Diallo et Bassala Touré ont permis aux Aigles d”écrire l”une des plus belles pages de l”histoire de notre football ce dimanche 17 juin au stade du 26 Mars.

Rien ne présageait pourtant un festival offensif des Aigles privés des services de pas moins de cinq cadres (Mahamadou Diarra, Frédéric Kanouté, Cédric Kanté, Adama Tamboura et Mohmed Lamine Sissoko) et qui restaient sur deux matches décevants contre les Écureuils du Bénin (1-1 à Bamako et 0-0 à Cotonou). La faible affluence au stade du 26 Mars (environ 30.000 spectateurs contre plus de 50.000 lors des deux précédentes rencontres) traduisait parfaitement le dépit du public qui ne se reconnaissait plus dans cette équipe dont on disait il y a quelques mois qu”elle est l”une des meilleures du continent. En fait, après le nul (0-0) de la quatrième journée contre le Bénin et la victoire du Togo à Freetown, nombre de nos compatriotes pensaient. que les carottes étaient cuites pour les Aigles et que les joueurs de Jean-François Jodar ne pouvaient prétendre au mieux qu”à l”une des places de meilleurs deuxièmes.

Mais c”était compter sans les nouveaux éléments appelés en urgence par le technicien français et qui ont illuminé ce Mali-Sierra Leone par leur belle prestation. À l”image du défenseur central Boubacar Sidiki Koné "Tory" admirable de combativité et qui n”a perdu aucun duel avec la ligne d”attaque adverse, du milieu récupérateur Alphousseïny Keïta qui a émerveillé les gradins par sa vivacité et sa vision du jeu et même du jeune joueur du CSK, Idrissa Coulibaly qui malgré son manque d”expérience du haut niveau et le fait de jouer à un poste inhabituel pour lui (arrière latéral gauche alors que Souleymane Dembélé et Amadou Sidibé étaient sur le banc), n”a pas été ridicule loin s”en faut.

Des anciens, Seydoublen Keïta a été sans conteste le joueur le plus en vue de la rencontre. Pas seulement parce qu”il a réalisé le doublé après avoir frappé sur la barre transversale, mais aussi et surtout pour avoir dirigé la manoeuvre pendant 90 minutes avec une efficacité déconcertante. C”était comme lors de la coupe du monde junior 1999 au Nigeria où les Aiglons enlevèrent la médaille de bronze avec en prime le trophée de meilleur joueur de la compétition décerné à l”ancien joueur du CSK.

 Il y a longtemps en tout cas qu”on n”avait pas vu Seydoublen Keïta aussi étincelant en Équipe nationale et le standing ovation qui a accompagné le capitaine lensois après le match de dimanche est un signe qui ne trompe pas. Certes les Leone stars étaient privés de quelques joueurs dont l”emblématique, Mohamed Kallon et l”équipe a joué à 10 contre 11 pendant près d”une demi-heure, suite à l”expulsion du défenseur central Ibrahim Korome. Mais il n”empêche, on ne peut pas ne pas souligner la belle prestation d”ensemble des nôtres surtout en deuxième mi-temps qui a vu les joueurs de Jodar frapper 5 fois.

Grâce à cette victoire, les Aigles se sont installés aux commandes du Groupe 9 devant les Éperviers du Togo qui ont été humiliés 4-1 au stade de l”Amitié de Cotonou par les Écureuils. La sélection nationale compte le même nombre de points (9) que le Togo mais dispose d”une meilleure différence de buts (+7 contre -1). La 5è journée des éliminatoires a donc été tout bénéfice pour notre pays, mais disons-le tout de suite, le plus dur est à venir avec ce match de la dernière journée qu”il faut impérativement gagner en septembre à Lomé pour être sûr d”effectuer le voyage du Ghana. Malgré donc leur large victoire de dimanche, les Aigles n”ont fait que la moitié du chemin à parcourir, tout comme d”ailleurs le Togo et le Bénin qui peuvent également prétendre à la qualification (seule la Sierra Leone est déjà hors course).

L”ultime journée sera ainsi marquée par un duel à trois avec un léger avantage pour le Mali et le Togo qui comptent une unité d”avance sur le Bénin condamné à la victoire à Freetown pour espérer se qualifier. Côté malien, une question brûle déjà les lèvres des supporters : Jodar renouvela-t-il sa confiance au groupe qui a dynamité la Sierra Leone ou fera-t-il appel aux cadres ?

La situation ne s”annonce pas facile à gérer pour le technicien français désormais sous pression et qui ne peut continuer à signer un chèque en blanc pour certains expatriés au seul motif qu”ils sont titulaires dans de grands clubs européens. Certes le langage du football est universel, mais le technicien français doit également se rappeler que le ballon rond africain a ses réalités pour ne pas dire ses spécificités qu”il ne peut continuer d”ignorer. Jean-François Jodar a ainsi deux mois pour revoir sa copie et il faut espérer que le sélectionneur national fera ce recadrage qui s”impose aujourd”hui comme une étape incontournable pour le staff technique..

S. B. TOUNKARA

Dimanche 17 juin au stade du 26 Mars
Mali-Sierra Leone : 6-0
Buts de Djibril Sidibé (20è sp), Seydou Keïta (68è et 88è), Mamadou Diallo (76è), Lassana Diallo (90è) et Bassala Touré (90+3).
Exclusion de Ibrahim Korome de Sierra Leone (58è)
Bon sifflet du Mauritanien Mohamed Ould Lemghambodj assisté de ses compatriotes Abdoul Azziz Sall et El Hassan Dia.

Commissaire : Mohamed Mecherara (Algérie).
Mali : Mahamadou Sidibé, Adama Coulibaly, Boubacar Sidiki Koné (Moussa Coulibaly), Souleymane Diamouténé, Idrissa Coulibaly (Souleymane Dembélé), Djibril Sidibé, Alphousseïny Keïta, Seydou Keïta, Bassala Touré (cap), Mamadou Diallo et Cheick Oumar Dabo (Lassana Diallo).
Entraîneur : Jean-François Jodar.
Sierra Leone : Christian Coker (Habib Sesay), Mustapha Sama (cap), Ibrahim Korome, Alimani Sesay, Jamil Karibou, Mohamed Forman, Julius Konteh, John Kanu, Ahmed Dian (Abdoudin Sesay), Naym Kadi Jr et Paul Kpaka.
Entraîneur : John Sherington.



Au rebond : LE DIMANCHE DE TOUS LES BÉNÉFICES

Les Aigles ont tout à la fois retrouvé leur rang, leur confiance en soi et l”estime du public.

Le football africain est aussi fait d”un certain nombre de réalités non dites qu”on évite d”évoquer ouvertement, mais qui s”avèrent très souvent déterminantes dans le destin d”une rencontre. Les connaisseurs du ballon rond continental soulignent ainsi la fragilité extrême de la hiérarchie officiellement établie entre les équipes africaines et citent les multiples cas où sur une rencontre un favori présumé s”est fait littéralement tailler en pièces par un second couteau. Ces mêmes experts n”ignorent pas non plus la force des rivalités extra-footballistiques, rivalités capables à elles seules de gommer de manière décisive la différence de potentiel entre deux adversaires. Ils mettent enfin en exergue le poids de l”histoire des compétitions sur l”équilibre des forces entre les sélections. Dans notre groupe, ces réalités non dites donnaient d”emblée un avantage certain au Mali par rapport au Bénin et à la Sierra Leone.

Il faut avoir été à Cotonou pour mesurer la côte d”estime du football malien au sein du public béninois et pour savoir à quel point ce dernier n”aurait pas été foncièrement désobligé devant une défaite des Écureuils devant les Aigles. Par contre, ce même public exigeait pratiquement une victoire des siens sur les Éperviers, auxquels l”oppose une rivalité de très longue date. Les poulains de Jodar n”ont pas su monnayer en succès l”ascendant psychologique qu”ils avaient sur le Bénin et qui s”est par exemple ressenti de manière très nette dans la première mi-temps du match retour à Cotonou. Par contre, ils ont pleinement bénéficié de l”exceptionnelle mobilisation réussie contre le Togo dimanche dernier par les Écureuils et leur public. La netteté de la victoire (4-1), connue avant l”entame de Mali-Sierra Leone, remettait déjà à moitié en selle notre sélection nationale.

Des Sierra leonais, une chose nous était connue. Comme toutes les équipes africaines anglophones de second rang, ils n”étaient pas faciles à jouer à cause d”une certaine imprévisibilité dans le style. Par contre, il y avait de bonnes chances de les voir se liquéfier dès qu”ils ressentiraient nettement l”ascendant de l”adversaire. Les Aigles ont peiné toute une mi-temps avant de se mettre en route pour un succès à la fois logique et – disons-le – prévisible au vu de la différence de valeur entre les deux équipes.

Durant quarante-cinq crispantes minutes, nous avons eu la sensation que le résultat de Cotonou, au lieu de libérer les nôtres, les avait plutôt tendus. La sélection n”arrivait pas à se lâcher et pratiquait un football précautionneux avec énormément de passes latérales, peu de prises de risque individuelles et une préférence pour les balles longues en direction du tandem Dabo – Diallo. En outre, l”animation du jeu à laquelle s”essayait Djibril Sidibé s”avérait peu inspirée, le Castelroussin se révélant plus appliqué que créateur.

Si les choses changèrent à la reprise, ce fut sans aucun doute parce que Seydou Keïta s”est investi dans le rôle qui lui revenait tout naturellement, celui de maître à jouer. Alternant avec intelligence les positions axiale et latérale, il donna au jeu des Aigles une fluidité et surtout une percussion totalement absentes en première temps. Ce ne fut donc pas par hasard s”il fut l”auteur du but qui mit le Mali sur l”orbite du carton. Ce ne fut pas non plus fortuit qu”en complicité avec Bassala, il réussit sur le quatrième but la plus belle combinaison du match, un superbe échange redoublé au cœur de la défense sierra léonaise. Le très large score réussi dimanche présente deux vertus majeures. Il ressuscite le très fort lien affectif entre les Aigles et le public. Et surtout il remet en confiance offensive une sélection qui traînait jusqu”ici un bilan piteux (deux buts en quatre rencontres).

L”optimisme retrouvé ne nous garantit pas encore la qualification pour Ghana 2008. Mais il en augmente sérieusement la possibilité. Il réinstalle le Mali dans sa vraie position, celle de meilleure équipe de la poule au vu de la valeur de son effectif et de l”expérience des cadres de celle-ci. La déroute à Cotonou a, pour sa part, ramené les Éperviers à leur réelle dimension, celle d”un team moyen et qui s”est déstabilisé lui-même en perdant ses valeurs de solidarité et d”humilité. Personne ne peut présumer de la capacité des Togolais à se remobiliser pour la dernière journée du groupe. Mais deux choses sont certaines. Le doute est désormais dans l”esprit de notre adversaire. Et nous avons retrouvé les moyens d”exploiter cette faille.

KÀLIFA

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