Le président de la Femafoot a été élu mais pas nommé
Qu’est-ce que le ministre des Sports veut au président de la Fédération malienne de football ? La question est sur toutes les lèvres depuis la récente sortie au vitriol d’Abdoul Kassim Ibrahim Fomba qui s’est attaqué frontalement à Mamoutou Touré dit Bavieux, allant jusqu’à lui demander, sans ambiguïté, de rendre le tablier, oubliant que celui-ci est un dirigeant élu (lui Fomba est nommé à son poste et il peut sauter à tout moment) à la majorité écrasante des acteurs du football malien. Au-delà, en s’attaquant à un homme déjà privé de la liberté de ses mouvements, Fomba levait le voile sur sa vraie nature, un visage dont nous taisons ici les contours par pudeur. Cependant, à la place du ministre tirailleur, qui rate toutes ses cibles, nous garderons profil bas, à un moment où un rapport du Vérificateur général alpague le département d’irrégularités financières dépassant les 350 millions de F CFA. Où est parti cet argent public ? Qui et qui l’ont carotté ? A quelles fins inavouées ? Les auteurs et tous les auteurs répondront de ces forfaits devant les juridictions compétentes, à moins que certains valets ne soient protégés “en haut d’en haut”. Une évidence : la roue de l’histoire tourne. Aujourd’hui, c’est Bavieux, demain, ça pourrait être ses bourreaux du jour.
Le pamphlet oral du 30 janvier
“Nous sommes tous d’accord et unanimes qu’aujourd’hui ce qui se passe à la tête de la Fédération de football n’est pas conforme… Mais, l’usage de la force pour régler certaines choses, ça peut avoir d’autres conséquences qui vont être dommageables pour tout le monde.
Donc, je pense qu’il faut faire les choses convenablement.
Je me réjouis de voir que le président Bavieux a pris lui-même la décision de se retirer de la Caf et de la Fifa parce qu’il n’était pas en mesure d’assumer les postes. Je pense que c’est déjà un très bon départ. Pour moi, il peut encore pousser le bouchon, il peut regarder aussi l’intérêt que nous avons aujourd’hui au niveau du football malien. Pourquoi ? Peut-être qu’il n’est pas aussi en mesure par rapport à la mobilité de ses mouvements d’assurer tout ce qu’il doit faire pour le football. Nous savons qu’il a beaucoup d’ambitions pour le football malien, il veut aider le football malien. Après, la force des choses fait que c’est très difficile dans certaines situations. Donc, nous l’invitons à prendre encore les bonnes décisions pour le football malien.
Par rapport au Mali qui est absent de la Caf et de la Fifa…on a beaucoup perdu. Sinon, je pense que la chose aurait pu se faire autrement. Si quelqu’un, en tant que candidat, estime qu’il n’est pas en mesure d’assumer, il aurait pu laisser sa place à un autre Malien. Je pense qu’aujourd’hui, on a beaucoup de Maliens qualifiés et, c’est quelque chose qui devait être planifié depuis le début. Si la personne n’est pas en mesure d’assumer son poste…il donne la chance à un autre Malien.
Nous sommes là, on doit s’épauler. Une seule personne ne peut pas régler tous les problèmes du football malien.
…Donc, aujourd’hui on doit placer des gens, faire du lobbying, mettre des Maliens un peu partout comme certains autres pays le font. On doit placer le maximum de Maliens partout, dans toutes les instances.
Ça doit être notre travail. Mais, si une seule personne estime que sans elle, tout doit s’écrouler, c’est ça que je ne comprends pas. Pour moi, on aurait pu mettre d’autres Maliens là-bas sans arriver à cette conclusion, comme quoi au dernier moment, au dernier virage, alors que les décisions étaient même déjà prises, pour dire qu’on se retire de la course, je pense que c’est malheureux, mais le Mali a perdu deux places. Nous avons perdu deux places…”
L’éternel perdant
Ce n’est pas fortuit si nous proposons à nos lecteurs un large extrait de l’attaque contre Mamoutou Touré (président de la Fémafoot) du ministre de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne lors de sa traditionnelle conférence de presse mensuelle organisée le jeudi 30 janvier dernier à son département. C’est pour prendre à témoin l’opinion publique sur les agissements et l’acharnement gratuit d’un ministre de tutelle sur le premier responsable de l’instance la plus importante et la plus déterminante de son portefeuille, à savoir la Fédération malienne de football. Quoi qu’on dise, sans le football, il n’y a pas de ministère des Sports. C’est indéniable.
D’ailleurs, Abdoul Kassim Ibrahim Fomba est coutumier du fait. Depuis qu’il est arrivé à la tête du département, tout va sens dessus-dessous. Il a mis dos-à-dos toutes les fédérations et les structures sportives.
Tout d’abord, il a pris pour ennemis jurés la Fédération malienne de football et le Comité national olympique et sportif du Mali, ses deux plus grands partenaires. Le ministre les a combattus de manière féroce dans le but de diviser leurs dirigeants et électeurs dans la perspective des instances statutaires électives. Mais, dans les deux assemblées générales respectives (29 août 2023 et 6 juillet 2024), il a échoué, lamentablement, à placer ses Hommes.
Les acteurs du sport, grands connaisseurs des réalités et au vu des bilans très positifs, ont choisi et reconduit MM. Habib Sissoko et Mamoutou Touré.
Pour en revenir au pamphlet, le ministre Fomba demande à Bavieux de démissionner. Pourtant, il n’ignore pas que ce dernier, étant en prison, a été choisi par les vrais acteurs du football malien pour conduire leur liste. Et, le mardi 29 août 2023, Mamoutou Touré dit “Bavieux” a été réélu pour quatre ans à la présidence de la Fédération malienne, poste qu’il occupe depuis 2019, au terme d’une assemblée générale où 61 de 63 délégués présents ont voté en sa faveur, une voix contre et une abstention. Le plébiscite !
Rappelons que la cérémonie d’ouverture des travaux s’est déroulée en présence des émissaires de la Fédération internationale de football (Fifa) et de la Confédération africaine de football (Caf). Mais aussi d’un représentant du ministre chargé des sports (… Fomba) et de celui du Comité national Olympique et Sportif du Mali. Légitimité intégrale ! N’en déplaise au ministre Fomba qui essuyait là un camouflet.
Pourquoi Bavieux n’a pas laissé la place à un autre candidat pour le poste à la Caf et à la Fifa ? s’interroge l’orateur du 30 janvier. La question est d’autant plus mal posée que Fomba aurait dû se demander pourquoi parmi ceux qu’il nomme “Maliens qualifiés”, personne ne s’est proposé pour briguer les postes ? Une fois de plus, ce sont les Maliens du football, dans leur ensemble, qui ont proposé et déposé la candidature de Mamoutou Touré, tout en sachant qu’il est en prison et que son ministre de tutelle a dit qu’il ne va rien faire pour le sortir de là. Malheurs à Fomba ! Dans son récit, le ministre brandit à l’envers “l’usage de la force pour régler certaines choses… “ Tous les analystes déduisent d’office qu’il entend dissoudre la Fédération légale dirigée par Mamoutou Touré aux fins de mettre en place un Conor (Comité de normalisation) sous la coupe réglée d’un de ses éléments tapis sous l’ombre. Mais, auparavant, Abdoul Kassim doit bien se renseigner. Nous n’en dirons pas plus.
Ingérence inutile dans les affaires internes…
Au-delà de sa sortie du jeudi dernier dont nous laissons le soin à nos lecteurs de faire la part des choses, le ministre Fomba a toujours tenté de gérer la Fémafoot à la place de son Comité Exécutif.
En effet, le ministre de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne, Abdoul Kassim Fomba, adressait, le 9 janvier 2025, une lettre à la Fémafoot, sur la gestion controversée du football malien et dans laquelle il invitait la destinataire à respecter ses propres textes. “Il m’a été donné de constater que depuis l’élection du comité exécutif de la Fédération malienne de football, le 29 août 2023, ses réunions ne se tiennent pas à la fréquence requise conformément à ses statuts. En effet, l’article 47.1 desdits statuts stipule que le comité exécutif se réunit au moins une fois tous les mois. Malheureusement, le comité exécutif n’a pas respecté ces dispositions susmentionnées. Eu égard à ces manquement statutaires constatés, je vous invite au respect strict de vos propres textes pour une meilleure gouvernance au sein de la fédération sportive pilote, afin d’atteindre les objectifs, notamment la réalisation de performances de nos sélections nationales, au grand bonheur du peuple malien”, pouvait-on lire. Quelques jours plus tôt, indexant la mauvaise performance et la gestion des sélections nationales de football, le ministre Fomba a créé, le 23 décembre 2024, une “commission chargée de la gestion des compétitions internationales de football pour toutes les rencontres financées sur le budget national et impliquant les sélections nationales”. Pourquoi tout ça ?
Epinglé par le Bureau du Vérificateur général
Nous pensons réellement que le ministre de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne devrait avoir d’autres chats à fouetter que de s’acharner sur le président de la Fémafoot. Et pour cause ! Dans l’un de ses plus récents rapports, le Bureau du Vérificateur général (BVG) a épinglé le ministère des Sports sur sa gestion chaotique au titre des exercices 2023 et 2024 (31 août). La vérification a relevé des irrégularités financières d’un montant total de 345 567 587 F CFA. Elles sont relatives, selon le rapport, aux dépenses irrégulières effectuées lors des Jeux olympiques pour un montant de 4 010 140 F CFA ; à la justification de dépenses par de fausses factures pour un montant de 74 789 547 F CFA ; à la réutilisation de factures pour justifier des dépenses pour un montant de 30 278 565 F CFA ; au règlement de dépenses indues lors des compétitions sportives internationales pour un montant de 142 881 982 F CFA ; au paiement de dépenses inéligibles pour un montant de 45 465 200 F CFA ; au paiement irrégulier de primes suite à l’ajout de noms fictifs pour un montant de 20 000 000 F CFA ; au non-reversement des retenues de TVA sur les factures payées aux fournisseurs pour un montant de 9 465 953 F CFA ; au non-reversement au Trésor public des frais de voyage de l’équipe senior du Mali à la CAN-2023 pour un montant de 18 676 200 F CFA par le directeur des finances et du matériel.
Les faits relevés dans le rapport de vérification et qui sont susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale et à la législation budgétaire et financière ont été dénoncés au Procureur de la République chargé du Pôle national économique et financier et transmis au président de la Section des comptes de la Cour suprême. Abdoul Kassim Ibrahim Fomba a donc du pain sur la planche.
Décidément, ce ministre est un véritable tir-ailleurs, un éternel plaignant qui perd tous ses procès dans le domaine qui est le sien. Pour rappel, c’est lui qui avait souhaité l’audit du Comité national olympique et sportif du Mali (Cnosm) par le Bureau du Vérificateur Général après les Jeux olympiques Paris 2024. Les conclusions sont connues : le rapport rendu public en décembre 2024 rapporte qu’aucun détournement n’a été constaté par l’équipe du Vérificateur général.
Haro sur Fomba !!!
El Hadj A.B. HAIDARA