L’ancien capitaine de la Seleçao dans la première moitié des années 80, est décédé hier matin à l’âge de 57 ans, des suites d’une maladie intestinale. Frère aîné de Raï, il incarnait l’une des sélections brésiliennes les plus brillantes de l’histoire, même sans la consécration.
Le Brésil pleure la mort de Socrates. Hier à 4h30 du matin, les Brésiliens ont perdu l’un de leurs joueurs les plus légendaires, décédé à l’âge de 57 ans des suites d’une maladie intestinale. Déjà hospitalisé à la fin du mois d’août pour une hémorragie digestive, il avait été admis à l’hôpital Albert Einstein de Sao Paulo jeudi dernier en raison d’une infection intestinale. Dans un état grave, Socrates, qui avait avoué son addiction à l’alcool, a été placé sous assistance respiratoire avant de succomber à la maladie hier matin. Socrates aura marqué l’histoire du football brésilien de son empreinte durant sa carrière de joueur, entre 1974 et 1989. Né à Belem le 19 février 1954, il s’est révélé à Botafogo avant de rejoindre les Corinthians, pour lesquels il a évolué de 1978 à 1984. Le frère aîné de l’ancien Parisien Raï était l’idole du légendaire club pauliste. Il a surtout été le joueur emblématique de la Seleçao pendant la première moitié des années 80. Auteur de 22 buts en 60 sélections sous le maillot auriverde, Socrates a été le capitaine de la formation sud-américaine lors des Coupes du monde 1982 et 1986. Il a connu une éphémère expérience en Europe à la Fiorentina, pendant la saison 1984-1985, avant de retourner au Brésil, à Flamengo. Après une ultime saison à Botafogo, il avait mis un terme à sa carrière de joueur en 1989. Socrates, c’était un nom. Une gueule. Un style. Une classe. Un joueur unique et un personnage hors normes.
Pour tous ceux qui sont nés trop tard pour avoir vécu l’ère Pelé, Socrates est, avec Zico, celui qui a fait aimer le football brésilien à toute une génération. Parce que l’homme était aussi charismatique que le joueur, il a fasciné indifféremment partenaires, adversaires et, bien évidemment, spectateurs et téléspectateurs du monde entier. Passionné de philosophie grecque, son père choisit de lui donner le nom de Socrates. Il appellera un autre de ses fils Sophocle. Non content d’en avoir le nom, Socrates, une fois à l’âge adulte, aura également l’allure d’un philosophe de l’Antiquité avec sa grande barbe noire et ses épais cheveux bouclés. Comme si ce style atypique ne suffisait pas, il détonnait d’autant plus dans le milieu qu’il était également diplômé en médecine. Cela expliquait qu’il ne soit devenu international pour la première fois qu’à l’âge de 25 ans. Trois ans plus tard, en 1982, Socrates s’annonçait comme une des grandes stars de la Coupe du monde en Espagne. La Seleçao, entraînée par Tele Santana, pratiquait un football enchanteur. Socrates en était un des éléments les plus brillants. Avec ses jambes interminables, il déployait une forme de grâce qui n’appartenait qu’à lui. Comme s’il jouait sur la pointe des pieds. Socrates était tout sauf un athlète. Il fumait un paquet de cigarettes par jour, s’en grillait souvent une à la mi-temps. De toute sa carrière, il n’arrêtera que pendant trois semaines, précisément à l’été 82. Sur le terrain, il courait peu. Mais il compensait par une intelligence et une technique largement au-dessus de la moyenne.
Lors du premier tour, il avait marqué un but d’anthologie face à l’U.R.S.S. Il avait récidivé lors du deuxième tour face à l’Italie, mais n’avait pu empêcher la défaite de son équipe (3-2). Un échec vécu comme une injuste tragédie au Brésil, tant cette équipe merveilleuse semblait prédestinée à devenir championne du monde. Il n’en sera rien. Cette génération, et Socrates avec elle, aura à nouveau sa chance en 1986 au Mexique. A 32 ans, le Docteur échouera cette fois en quarts de finale, face à la France, au terme d’un match magnifique. Ainsi vécut cette Seleçao des années 80. Belle, séduisante, parfois fascinante, et finalement toujours vaincue. Mais avec un panache étourdissant. Socrates en restera à jamais l’incarnation parfaite.