Ballon d’Or FIFA – Messi, tout petit déjà

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Qui était le Lionel Messi d’avant le Barça ? A travers les bonnes feuilles d’une biographie à paraître jeudi sous la signature de Frédéric Traïni voici les épisodes qui ont façonné le Triple Ballon d’Or : celui d’un surdoué qui aurait pu échapper à son destin sans traitement. Et sans le Barça ?

Premières parties, premiers coups d’éclat. Messi n’a pas plus de cinq ou six ans, et il passe son temps avec un ballon à Las Heras, le quartier de Rosario où vit sa famille.

Trop frêle, Leo se retrouve souvent au sol, projeté par des hercules plus âgés, qui lui refusent coups francs, penalties ou, pire, lui interdisent de jouer. Mais Leo s’acharne et s’impose. Entre 5 et 6 ans, c’est un vrai pot de colle. Accroché aux basques de ses frères, il veut participer à toutes les parties du quartier. La plupart du temps, on ne veut pas de lui. “Mais regardez, ça ne va pas, non, il est trop petit, celui-là”, dit-on en se moquant. C’est bien connu, le foot est un sport de grands. Mais Leo montre une ténacité exaspérante. Il faut le voir insister, pleurnicher, harceler, faire le pitre jusqu’à ce qu’on le laisse jouer, ne serait-ce que cinq minutes… Mais dès son entrée en jeu, les avis tranchés changent radicalement. “Le plus souvent, nos adversaires se ravisaient et exigeaient qu’il arrête de jouer, raconte son frère Rodrigo. Au premier ballon, il n’y avait plus moyen de le lui reprendre. Alors, au bout d’un quart d’heure, nos rivaux voulaient qu’il ressorte du terrain. On revenait donc à la case départ. Ils prétendaient que Leo était effectivement trop petit pour jouer, qu’il devait arrêter la partie… et Leo repartait en pleurant.”

 

Dès son premier match avec une vraie équipe, Messi s’impose comme un phénomène aux yeux de tous ses entraîneurs. Il ne devait pas le jouer, ce match, mais sa grand-mère Celia une fondue de foot, a insisté pour lui.

Depuis une demi-heure, Salvador Aparicio (entraîneur d’une équipe de jeunes) est soucieux. Il fait les cent pas au bord du terrain, un maillot de foot à la main. Son équipe ne peut pas débuter son match car l’un de ses joueurs est absent. (…) Très vite, Doña Celia, qui a un oeil sur tout, repère son manège et l’aborde franchement. “Si vous avez besoin d’un joueur, prenez mon petit-fils, Lionel, pour le remplacer. Vous verrez, c’est un rapide et il sait jouer.” Dans un premier temps, Salvador Aparicio refuse catégoriquement. « Il est trop petit ! Les autres sont plus grands et plus vieux d’un an. Ils vont lui faire mal.” Du coin de l’oeil, Don Apa voit le bambin pas plus haut que trois pommes qui, à son tour, le dévisage, une lueur d’espoir dans les yeux. Et puis, Doña Celia repart à la charge. Qu’est-ce que ça coûte d’essayer avec Leo ? Devant l’insistance de la grand-mère, intarissable lorsqu’il s’agit de défendre Leo, Don Apa capitule. (…) Sans se faire prier, Leo enfile un maillot qui lui tombe sur les genoux et prend position sur le flanc droit. (…) La suite, le coach de Grandoli la racontera des centaines de fois aux journalistes, des années plus tard. “Le premier ballon lui est passé à côté, sur sa droite, sans qu’il réagisse. Mais le second a atterri directement sur sa bonne jambe, la gauche. Là, après un contrôle, il est parti en dribblant un joueur, puis deux, trois… Moi, j’avais peur que les autres lui fassent mal. Alors je criais : tire, tire, tire ! Mais lui, il continuait sans s’arrêter. Je n’avais jamais vu ça. Je me suis dis : celui-là, je ne le sors plus de l’équipe. Et je ne l’ai plus jamais sorti.”

 

Pris de passion pour les Newell’s Old Boys, le petit Lionel Messi enflamme déjà les stades… à la mi-temps des matches de l’équipe première.

Les jongleries du petit virtuose durent un quart d’heure, quinze minutes durant lesquelles la balle ne touche jamais terre. Leo y gagne un nouveau surnom, “el enano”, le nain. Beaucoup pensent en effet être en présence d’un nain acrobate, pas d’un enfant de 10 ans incapable de telles prouesses. Des années plus tard, ses jongles lui serviront de sésame pour son entrée au FC Barcelone. La première vidéo de Messi parvenue en Espagne le montrait dans son jardin, jonglant avec une orange qu’il faisait rebondir plus de cent fois sur son genou, exploit qu’un seul homme avait réalisé avant lui… un certain Maradona. Cette séquence éveillera l’intérêt de l’agent de joueurs du Barça, Josep Maria Minguella, qui incitera le Barça à visionner les images du bambin.

 

Lionel Messi n’a pas dix ans lorsqu’un problème de croissance grave est identifié par les médecins. Son avenir d’homme, ne parlons même pas du joueur, passe par un traitement lourd aux hormones de synthèse.

À 9 ans, Lionel ne mesure que 1,11 mètre, ce qui le situe déjà bien en deçà de la courbe normale de croissance. À 11 ans, sa taille est celle d’un enfant de 9 ans. En décembre 1996, les responsables de Newell’s Old Boys tirent la sonnette d’alarme. Comme chaque année, ils ont sélectionné un groupe de joueurs de petite taille pour une visite collective auprès du docteur Diego Schwartzstein, un endocrinologue réputé de Rosario. (…) Il a décelé une anomalie. Le 31 janvier, il convoque Lionel et ses parents pour expliquer que si l’on se réfère aux analyses qui ont été pratiquées, Leo souffrirait d’un déficit hormonal. (…) Un an plus tard, l’endocrinologue rend son verdict définitif : l’enfant souffre d’un déficit d’hormones de croissance, partiel mais non total. Immédiatement, il prévient les parents qu’il y a une possibilité de régler en partie ce problème par l’injection intramusculaire d’hormones synthétiques. Un traitement extrêmement lourd… et cher. Sans ces hormones artificielles, le médecin pronostique que Leo ne dépassera pas 1,50 mètre à l’âge adulte. Une taille qui n’est pas celle d’un nain mais d’une “personne de petite taille” et qui est également considérée comme un handicap.

 

Après deux ans de traitement, les hormones du jeune Messi ne sont plus financées par la fondation Acindar, à cause de la crise. La famille envisage de tout arrêter, car si elle endosse seule les frais, elle court à la ruine…

Jorge Messi convoque un conseil de famille. Réunis autour de la table du petit salon, les aînés Rodrigo et Matias participent à la discussion durant laquelle leurs parents évoquent deux solutions : soit arrêter le traitement de Lionel pour vivre de nouveau plus confortablement, soit poursuivre les soins au coût exorbitant. Rodrigo, son frère, résumera la réunion en trois mots. “Nous n’avons pas réfléchi longtemps. On a tous décidé de poursuivre.” Et bien leur en a pris. À quelques semaines d’intervalle, un agent de footballeurs de Rosario contacte les parents Messi. Selon lui, Lionel doit être montré au plus vite aux dirigeants de grands clubs espagnols. Il tente de faire réaliser à Jorge et Celia le vrai potentiel de leur fils s’il décide de se consacrer, dès maintenant, à une carrière professionnelle. L’Espagne, c’est diablement loin mais c’est l’élite du football. Des clubs centenaires, mythiques comme le Barça ou Madrid. Si une telle occasion se présente, pourquoi la laisser passer ? “Nous n’avions pas le choix. La situation était devenue trop problématique en Argentine. Il fallait tenter le coup en Espagne”, résume Jorge. Une nouvelle décision est prise après un conseil de famille. L’intermédiaire de Rosario appelle alors Josep Maria Minguella, son contact en Espagne. Dès lors, tout s’accélère. Minguella, ex-agent des joueurs de la Dream Team de Johan Cruyff des années 1990, rappelle. Il a obtenu un rendez-vous avec le club catalan. Ils veulent voir ce petit prodige dont on leur a parlé.

 

La mise à l’essai de Lionel Messi n’aura pas été une affaire simple. Il en a fallu, du temps, avant que le patron de la formation Carls Rexach trouve le temps dans son agenda. Il lui en a fallu moins pour se décider.

“Un martien aurait pu déceler le talent de Messi.” Cette phrase, Carles Rexach la répète inlassablement à chacune de ses interviews. L’ancien directeur technique du Barça raconte aussi qu’il n’a eu besoin que de “cinq minutes” pour se déterminer, le jour où il a supervisé le petit Argentin. Cinq minutes pour décider d’une vie et changer la face de la planète football. Un instant T. décisif, retracé avec truculence par Rexach, Catalan pur jus, excellent conteur. “Quand je suis arrivé, le match avait débuté. L’entrée du stade était à l’opposé du banc des entraîneurs, raconte-t-il. Pour les rejoindre, j’ai contourné la pelouse en observant le jeu. Arrivé de l’autre côté, ma décision était prise. Il nous fallait ce gamin.” Aussitôt, Rexach, responsable à l’époque du futbol base du FC Barcelone, le centre de formation, interroge les éducateurs présents. “Qui c’est celui-là ? Il ne faut pas qu’il reparte. Où sont ses parents ?” On lui répond que c’est le petit Messi, le jeune Argentin qu’il devait superviser. Rexach tranche aussitôt, d’une phrase en catalan, fleurie d’un juron local : “Collons ! L’hem de fitxar ara mateix !” (Nous devons l’engager immédiatement). Aussitôt, autour du terrain, c’est l’effervescence. Rexach avait parlé !

 

Sportivement, la venue de Messi au Barça est une évidence. Politiquement, au début des années 2000, dans un club traversé par les luttes d’influence, le dossier ne fait pas l’unanimité.

À Barcelone, une guerre des nerfs a éclaté, opposant Rexach et Rifé à leurs dirigeants, très réticents. À cette époque, le Barça traverse une période sombre de son histoire, rongé par d’innombrables luttes intestines. Au sein du directoire (la Junta directiva), beaucoup sont opposés à cette opération, jugée trop compliquée et sans intérêt. Les difficultés sont multiples et bien réelles. En tant qu’étranger, Lionel n’a pas le droit de jouer en Championnat d’Espagne avec les jeunes “nationaux” du Barça. Son adaptation au jeu et à la mentalité si spécifique du club est loin d’être garantie. Et puis quelle pourrait être sa réaction une fois seul à Barcelone ? Ne va-t-il pas craquer ? Et si ses parents restent avec lui, ne faudra-t-il pas leur trouver un emploi ? Plus problématique encore, son état de santé inquiète. N’est-il pas menacé de nanisme ? Comment évolueront ses graves problèmes de croissance ? Et qui va payer son traitement, si coûteux ? “Bref, résume Rexach, on me disait qu’il n’était qu’un joueur de baby-foot, trop petit, trop jeune et que c’était trop risqué pour le club.” Et en cas de réussite ? Les dirigeants réfractaires n’y trouvaient aucun intérêt puisqu’ils auraient quitté le club bien avant l’éclosion du joueur. Pour eux, engager Messi était une mauvaise idée. Aujourd’hui encore, le nom de ces récalcitrants reste un mystère… bien gardé.

mar, 10 janv

Source: yahoo sports

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