Nul ne le souhaite pour notre pays. Mais, la tension savamment entretenue par une seule personne entre le ministère en charge des Sports et la Fédération malienne de football, prend des tournures hautement politiques qui risquent d’engendrer des remous sociaux préjudiciables à l’existence même de la nation. Car, plus que la crise énergétique, économique et financière (toujours contenue par la résilience des Maliens) et autres phénomènes sociaux mineurs, le football est une véritable bombe sociale couveuse dont l’explosion n’épargnera personne. Donc, attention ! Et pour cause : le ministre de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne, Abdoul Kassim Ibrahim Fomba, semble avoir juré de tout mettre en œuvre pour dissoudre le comité exécutif de la Fémafoot dirigé par Mamoutou Touré dit Bavieux dans le but de mettre en place un Comité de normalisation (CoNor) sous la direction des hommes de son choix. Auquel cas, la Fifa sévirait sans doute en suspendant le Mali de toutes ses compétitions. En effet, la dernière trouvaille en date du ministre Fomba, c’est l’envoi d’une mission dite d’audit de performance dans les locaux de la Fémafoot. La réponse de la Fémafoot se traduit juste par une question simple et pertinente à l’expéditeur : En vertu de quelle orthodoxie, le département des Sports se donne le droit de vouloir faire son audit ? Si l’on ne prend pas garde, ce feuilleton, au relent de règlements de comptes personnels, risque de plonger le Mali, son football et, au-delà, le pays, dans son chaos inattendu.
L’avenir du football malien s’annonce des plus sombres, du moins dans son administration. Au centre de cette ombre : l’ambition affichée du département de tutelle de faire partir, par tous les voies et moyens, le comité exécutif de la Fémafoot, avec comme acteurs principaux, le ministre Abdoul Kassim Ibrahim Fomba et le président du Comex, Mamoutou Touré dit Bavieux. La pomme de discorde ? Ni plus, ni moins, la haine viscérale que nourrit celui-là à l’endroit de Bavieux. Tous les coups sont bons et permis pour y parvenir, la fin justifiant les moyens. Intimidations, ingérence, retrait de prérogatives, etc., les stratégies ne manquent pas et sont multipliées à tour de main.
L’Etat ne subventionne pas la Fémafoot
Le dernier manège, c’est cette mission d’audit de performance de la Fémafoot qui devrait durer 65 jours, du 10 février au 15 avril 2025. La Fémafoot en a reçu notification par courrier en date du 10 février 2025. En annexe de cette correspondance, en réalité un ordre de mission, le signataire demande au destinataire de mettre à sa disposition un total de 43 documents qui vont des Statuts aux pièces administratives et comptables.
Dans sa réponse à cette (honteuse) requête du ministère, la Fémafoot a tenu tout d’abord à donner un cours de contrôle de connaissances à sa tutelle. Si les missions de l’inspection des sports consistent à assurer le contrôle régulier des administrations, établissements et organismes relevant du ministère des Sports, il en va autrement pour ce qui concerne les fédérations, associations, organismes ou regroupements sportifs dont “il ne peut contrôler que la gestion des subventions de l’Etat allouées auxdites structures”.
A ce titre, le signataire de la réponse du Comex, le 1er vice-président, Moussa Sylvain Diakité, rappelle sa hiérarchie que la Fémafoot n’a bénéficié d’aucune subvention, ni appui, ni subsides, de la part du ministère en charge des Sports : “Les ressources les plus importantes de la Fémafoot sont constituées des seules subventions de la Fifa et de la Caf et sont destinées exclusivement aux besoins opérationnels et aux projets de développement du football. Ces fonds font l’objet de deux audits diligentés par lesdites structures et exécutés par des cabinets internationaux indépendants”.
Par conséquent, la Fémafoot a toujours été auditée par la Fifa et la Caf pour mieux asseoir les règles de gestion transparente et de bonne gouvernance pour atteindre la performance souhaitée, révèle le 1er vice-président du Comex de la Fémafoot.
Quid de l’audit de performance ? C’est une évaluation systématique, objective et indépendante de la mesure dans laquelle le gouvernement assume des responsabilités et gère convenablement ses activités et ses ressources. “Il est essentiellement basé sur les activités et les programmes gouvernementaux”, renseigne la missive.
Or, peut-on lire, la Fémafoot est une association qui gère en toute indépendance ses activités, sans ingérence aucune, conformément à ses statuts et ceux de la Fifa. Mieux, “la Fémafoot ne bénéficie d’aucun appui, ni de subventions quelconques venant du gouvernement”. “Elle n’a jamais été associée à l’exécution d’une quelconque dépense effectuée par le ministère en charge des Sports”. Allah Akbar ! Ça, c’était bon à savoir.
Objectif visé : dissoudre la Fémafoot
Alors, s’interroge le signataire du courrier/réponse au ministère : En vertu de quelle orthodoxie, le département des Sports se donne le droit de vouloir faire son audit ?
Le Comex de la Fémafoot ne se crève pas les méninges par rapport à ce qui se trame. Tout est clair et limpide : “cette nouvelle démarche, comme toutes les autres, initiées, depuis plusieurs mois, par le ministère des Sports ne vise qu’un seul et unique objectif : TROUVER LES VOIES ET MOYENS POUR DISSOUDRE LE COMITE EXECUTIF ACTUEL”, est-il écrit. Et les faits sont là, têtus. En effet, argumente le 1er vice-président, de façon redondante, le comité exécutif est soumis à un harcèlement sans fin, par le ministère des Sports, depuis son élection en août 2023, par des actes incompréhensibles.
Parmi ces coups ourdis par la tutelle, l’on retient, entre autres : la tentative de faire démissionner certains membres du comité exécutif pour faire tomber le bureau ; l’ingérence injustifiée dans le processus électoral de la Ligue de Koulikoro en faisant annuler les élections ; le retrait de l’organisation des compétitions internationales au comité exécutif.
S’y ajoute le fait d’obliger le comité exécutif à acheter des cartes d’invitation et des billets pour ses sponsors et ses invités y compris pour ses propres membres, de faire des injonctions au comité exécutif pour la tenue de ses réunions statutaires, et d’exiger du comité exécutif le remboursement des frais de transport des Aigles lors de la Can-2023.
Enfin, pour compléter les griefs, on note l’envoi d’une mission du Vérificateur général pour fouiller dans la gestion de la Fémafoot ; et la tentative de faire annuler la prochaine assemblée générale extraordinaire de la Fémafoot avec cette (ridicule) mission d’audit dite de performance dans les locaux de l’instance dirigeante du football malien.
L’épée de la Fifa : le Mali comme le Congo ?
Comme écrit plus haut, tous ces puzzles d’un putsch en vue visent à installer, voire instaurer un bras de fer irréversible entre le ministère des sports et la Fédération malienne de football. La finalité ? Mettre en place un Comité de normalisation (CoNor) composé d’hommes et de femmes choisis proprement par le ministre Fomba. Donc, contrôler le football malien. Tel n’est pas le rôle d’une Transition politique.
Pis, le ministre Fomba se leurre en croyant pouvoir se jouer si facilement de l’ensemble du monde sportif malien. L’homme devrait se renseigner, de fond en comble, sur les chances d’aboutissement de son funeste dessein. Contrairement à la récupération politique qu’il attend, si impatiemment, il risque de porter le revers de la médaille. Au-delà de sa personne, c’est le football malien qui pourrait faire les frais de ce règlement de comptes déguisé du ministre Abdoul Kassim Ibrahim Fomba à l’endroit de Mamoutou Touré dont il fait son ennemi juré. En effet, la Fifa pourrait brandir l’épée de Damoclès sur le football malien avec une suspension du Mali de toutes ses compétitions.
Le cas d’actualité est celui du Congo Brazzaville. Les clubs et les sélections nationales du Congo-Brazzaville sont suspendus de compétitions internationales pour une durée indéterminée. Le jugement, avec effet immédiat, a été prononcé le jeudi 6 février par la Fifa au motif de “l’ingérence de tierces parties dans les affaires de la Fédération congolaise de football (Fécofoot)”. En clair, une intrusion du pouvoir politique dans la gestion interne du football congolais.
Conséquence de cette suspension : si celle-ci n’est pas levée entre-temps, les Diables rouges perdront automatiquement par forfait (0-3) leurs prochains matchs. Les deux plus proches sont prévus en mars contre la Zambie et la Tanzanie, avec les 5e et 6e journées de qualifications pour la Coupe du monde 2026. Ce n’est pas tout. Cette sanction prive en outre la Fécofoot des programmes de développement proposés par la Fifa et Caf.
La Fifa a pris cette décision après la révocation, en septembre 2024, de Jean Guy Blaise Mayolas, le président de la Fécofoot, réélu en 2022 pour un mandat de quatre ans, et de son comité exécutif. Le ministre des Sports, Hugues Ngouélondélé, reprochait à Mayolas une mauvaise gestion financière et des résultats sportifs décevants, notamment ceux de la sélection nationale masculine.
Pour arriver à ses fins, le ministre a favorisé la mise en place d’un “Collectif des membres de l’assemblée générale” de la Fécofoot. Celui-ci a saisi le président du Tribunal de grande instance de Brazzaville afin d’empêcher la tenue d’une assemblée générale extraordinaire de la Fédération.
Le 4 octobre, la justice a fait évacuer le personnel de la Fécofoot par une escouade de gendarmes, les serrures des locaux ont été changées et Mayolas s’est vu interdire l’accès aux comptes de la Fédération. La Fifa, qui soutient le président Mayolas et ne reconnaît pas la légitimité du “Collectif”, a envoyé à Brazzaville, en octobre, son directeur régional pour l’Afrique, accompagné d’un membre de la Caf, pour tenter de sortir de l’impasse. En vain. Et la Fifa a frappé. Aujourd’hui, le ministre Ngouélondélé tente de trouver un accord pour que la suspension soit levée. La Fifa a fixé ses conditions pour la levée de la suspension. Elle exige notamment, outre l’invalidation du Collectif, que la Fécofoot retrouve la pleine jouissance de ses locaux, de ses comptes bancaires et gère ses affaires courantes sans subir d’influences extérieures. PRIONS POUR LE MALI !!!
El Hadj A.B. HAIDARA