Après avoir perdu sur les trois tableaux de la saison (coupe africaine, championnat, coupe du Mali), l’entraineur du Djoliba AC, Ahcène Ait Abdelmalek, tire le bilan de sa saison.
Le Républicain : Bonsoir Coach. Quand vous avez été recruté par le Djoliba cette année, trois missions essentielles vous ont été confiées : faire un bon parcours en coupe africaine, remporter le titre du championnat et le trophée de la Coupe du Mali. Vous n’avez atteint aucun des ces objectifs. Quelle explication donnez-vous à cette contreperformance notamment votre élimination en coupe du Mali contre le Club Olympique de Bamako ?
Ait Ahcène Abdelmalek
Premièrement, ce n’est pas à moi de donner des explications. Moi je trouve le parcours jusqu’ici positif, parce que le Djoliba cette année a connu un changement radical sur l’effectif. L’effectif est jeune. C’est ma première année ici en Afrique noire et en particulier au Mali à la tête du Djoliba. C’est vrai, les responsables m’ont parlé des objectifs du club puisque le Djoliba est une équipe qui a toujours joué les premiers rôles, ils m’ont parlé de la phase de poule de la coupe d’Afrique (ligue des champions ou Caf), la Coupe du Mali ainsi que le championnat. Mais pour vous répondre et être honnête, on ne peut pas atteindre un objectif ou bien des objectifs majeurs sans avoir les moyens de sa politique. Je pense que dans n’importe quel pays, organisation, association, club même professionnel, s’il n’a pas les moyens de sa politique, il n’ira nulle part. Moi, je ne peux pas demander plus à mes joueurs. Je dirai qu’on appelle cette saison Bis. Comme l’année dernière, le Djoliba a été deuxième au classement du championnat et en demi-finale de la coupe du Mali. Mais avec un effectif quand même jeune; un effectif qui manque un peu de maturité pour atteindre ces objectifs là. Il ne faut pas l’oublier, on avait 13 blessés au départ. On avait quelques joueurs sur la liste de la Caf pour aller jouer la coupe d’Afrique, mais on a été amoindri. Peut être, les responsables ont cru que ces joueurs vont être rétablis le plus vite possible pour être opérationnels, voir le match de février dernier pour la Coupe de la Caf. Mais ça n’a pas été le cas. Alors on a été privé des joueurs chevronnés, des joueurs d’expérience. La plupart des joueurs sont des jeunes sans expérience et beaucoup plus récemment avec le manque de moyens. S’agissant de la défaite de l’équipe contre le COB en demi finale de la coupe du Mali, il faut savoir qu’on a joué notre carte. La preuve en est qu’on est allé jusqu’aux tirs aux buts après les prolongations qui est du 50/50. A l’issue, le COB a eu plus de chance que nous. Mes joueurs manquaient de confiance, de maturité. Personnellement, je ne leur en veux pas. La jeunesse de cette équipe nous a fauchés. En plus, il y avait beaucoup de blessés, tous les titulaires au milieu de terrain étaient absents. On a aussi le facteur des suspensions.
Vous parlez de manque de moyens pour l’équipe et de l’inexpérience de vos joueurs. Pensez- vous que ces deux facteurs sont la cause de l’échec du club cette année?
Vous savez, je ne peux pas demander plus à un joueur qui vient de commencer de jouer en ligue 1. Il y a certains joueurs qui sont à leur première année comme Salif Coulibaly, Mahamane Cissé, Souleymane Bancoura etc. Par contre, il y a d’autres qui ont l’habitude de jouer même les confrontations sur le plan international comme la coupe d’Afrique comme Moussa Diop, Ousmane Cissé, Alou Bagayoko. Pour construire une équipe, ça prend du temps. Il faut être patient pour être efficace. Et tout le monde le sait, c’est la crise financière qui nous a secoué depuis le mois d’avril d’ailleurs. On n’a aucun sou dans les poches, ni staff, ni les joueurs. Malgré tout je félicite les joueurs, parce qu’on a tenu le coup. Mais on n’a pas baissé les bras, on a travaillé, on a été sérieux. L’autre facteur, c’est aussi la petite présence de certains dirigeants qui devaient veiller au manque, parce qu’on était en manque. Il n’y avait pas beaucoup plus de communication entre l’équipe dirigeante, le staff et les joueurs. Cela nous a privés, parce qu’en football, il n’y a pas qu’une seule personne qui travaille, c’est une cellule élargie, c’est un organisme, c’est des personnes, chacun à son rôle. Il n’ya pas que l’entraîneur en chef, il y a l’entraîneur, le staff. Alors tout cela reflète un peu l’amateurisme dans la gestion. Et je pense qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Les années précédentes, le Djoliba inscrivait beaucoup de buts. Ce qui n’a pas été le cas cette année. Il a eu d’énormes difficultés de scorer plus. Qu’est-ce qui justifie cette inefficacité de votre attaque ?
Moi je vous renvoie juste à la phase aller du championnat. On a été bon, on a été premier avec des jeunes. Moi, je ne parlerai pas des autres années, car je ne sais pas comment elles étaient. Je parle de cette année et je vous dis que l’équipe est rajeunie à 80%. Ce sont ces derniers temps qu’on n’a pas été beaucoup plus efficace devant les buts. Je pense que la réponse à cette question, c’est beaucoup plus le moral des joueurs. Ça se comprend quand un joueur n’a aucun sou financièrement dans sa poche. C’est difficile. On est dans le football amateur, si c’est comme ça, ça ne sera pas facile pour le joueur de se concentrer sur son sujet.
Vous faites une bonne lecture de jeu. Vos changements apportent généralement du succès à l’équipe. Malgré tout, le résultat n’est pas là.
Vous savez, quand on est un entraîneur ou technicien, il faut quand même connaître son métier, il faut être sûr que le joueur apportera plus. On ne fait pas le changement rien que pour le faire. Certes tous les remplacements que je fais, on a eu des fruits, mais le football n’est pas une science exacte. Il y avait même un certain moment où je voulais faire jouer un joueur, et c’est en ce moment qu’il marque. Récemment, je fais sortir Bancoura, il a marqué des buts, je fais sortir Ousmane Cissé, il a marqué des buts. Mais des fois, il y a certains détails ou paramètres au cours du jeu que le supporter ou quelqu’un de l’extérieur ne peut pas voir. Il y a aussi la réalité de connaître ces joueurs, il y a le potentiel athlétique du joueur, combien de temps peut il jouer ?
Quels sont les voies et moyens selon vous qu’il faut envisager pour corriger les erreurs commises cette année ?
Je crois que c’est au staff de voir ça. Moi je fais un constat, écrire avec mon staff. Chez le Directeur technique, on a parlé, on a fait la réunion sur ça. Je pense que nous avons tiré les conclusions, les enseignements par rapport à cette année qui vient d’être écoulée. Nous avons cité les points beaucoup plus négatifs et nous allons voir aussi comment améliorer certains trucs. Bon, si les responsables veulent maintenant m’écouter, il n’y a pas de problème, il n’est jamais trop tard pour bien faire, pour qu’on puisse élaborer et détailler sur cette mauvaise performance. Il y a certaines postes où nous avons souffert comme le cas du gardien de but. On n’avait à chaque fois le problème de gardien. Tout cela est à améliorer pour faire une bonne saison en 2012. Il suffit que les dirigeants se réunissent. S’ils veulent ma présence, on peut se mettre à table pour discuter, pour leur expliquer exactement le manque par rapport à cette année. J’envisagerai mon départ pour entrer chez moi en Allemagne juste après le dernier match du championnat. Je suis prêt à répondre à leurs questions pour qu’on puisse mieux reprendre, pour qu’on puisse mieux être d’accord pour l’avenir du club surtout pour la saison 2011-2012.
Vous voulez dire malgré que vous ayez tout perdu cette année avec l’équipe, vous êtes prêt à rester encore ?
Je ne vois pas comme ça les choses. Le métier d’entraîneur n’est jamais stable. Aujourd’hui je suis là, je me concentre plus sur le dernier match. On doit quand même honorer les couleurs du club, on ne doit pas être ridicule lors de cette journée. On doit jouer pour remporter les trois points même si les choses sont déjà faites concernant le championnat. Je ne peux pas décider mon sort. Un entraineur, ce n’est pas à lui de décider s’il reste ou s’il part. Si maintenant les responsables du Djoliba jugent que c’est utile qu’on discute encore davantage sur mon avenir à la tête du club, je pense que je suis tout à fait ouvert à toute proposition. Mais il y a toujours des conditions de part et d’autre, je poserai les miennes pour qu’on puisse continuer. Je ne dirai pas non. Je trouve une équipe jeune, d’avenir, il faut que ces jeunes restent ensemble deux ou trois ans. Si les dirigeants trouvent aussi qu’il est inutile de parler, de discuter, moi je respecte leur décision. D’ailleurs, je les remercie, on va se serrer les mains à l’amiable et se séparer.
Quelle idée faites-vous du niveau du championnat malien ?
Si vous voulez prendre le niveau du championnat, je dirai qu’il est moyen. Parce qu’il y avait quatre équipes en coupe d’Afrique. Aucune de ces équipes n’a pu franchir une ligne ou bien aller plus loin dans la compétition. On ne peut pas juger le niveau par rapport au club. On ne peut voir entre le Djoliba, le Stade, le Réal qui est bon ou qui est mauvais. Pour juger un championnat, il faut voir la performance des équipes en coupe d’Afrique. C’est là que vous pouvez juger votre championnat par rapport à d’autres championnats africains. On ne peut pas dire que le niveau est bon ou mauvais, il est moyen. Mais je parlerai de mon équipe. Je n’ai rien à reprocher à mon équipe puisque c’est une équipe jeune. Mais pourquoi les autres équipes ne sont pas allées plus loin ? Je ne sais pas. En le jugeant au niveau local, je dirai que c’est un championnat ou le niveau est souvent bon, des fois, moyennement bon, en dessous de la moyenne. Pour qu’il ait un bon niveau, il faut que les autorités locales prennent en considération toute cette jeunesse, toutes ces équipes en charge. Il faut améliorer aussi le sponsoring, en plus du sponsor officiel de la ligue 1 Orange, amener d’autres sponsors pour qu’ils investissent leur argent par rapport à d’autres équipes. Au niveau des équipes nationales, quand on a vu les cadets, les espoirs ou l’équipe de l’Uemoa. Ce n’était pas fameux. Sauf les juniors ont pu se qualifier à la coupe du Monde Juniors. La faute ce n’est pas les entraineurs qui sont sur place. Il faut faire un travail au niveau des clubs avec les moyens. S’il y a un bon championnat, automatiquement, il y aura des bonnes équipes nationales.
Un mot à l’endroit de vos supporters.
Je les remercie de nous soutenir dans les moments difficiles. Je voulais faire beaucoup pour le club, mais je n’ai pas pu. Seulement le football n’est pas une science exacte. Il faut être aussi réaliste. Cette année, l’équipe est jeune. Il faut être patient. L’avenir est devant le Djoliba. Je leur demande d’être encore plus solidaires car l’équipe a besoin d’eux en ces moments difficiles.
Hadama B. Fofana