Affaire CSK-Sékou Diogo Keïta : Domingo défraie la chronique

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CSK x
Les infrastructures du CSK (photo archives)

Mardi dernier, un événement digne d’un film western a attiré l’attention de plus d’un habitant de la commune IV du District de Bamako. Tôt le matin, plus de 300 éléments de la Garde nationale débarquent au complexe sportif LCBA de Lafiabougou et investissent les locaux et les alentours. Ils sont mandatés par Salif Kéïta « Domingo », via son huissier, pour expulser les occupants, enlever le matériel et mettre les scellés.

 

Informé, le maire de la commune IV vient mettre de l’ordre et engage, à la mairie, les discussions avec l’huissier. Au même moment, Sékou Diogo Kéïta, qui avait introduit une demande de discontinuation de poursuites auprès du juge des référés du tribunal de la commune IV, décroche la timbale à l’audience de ce 23 juin. Pour le bonheur du football malien, les 919 pensionnaires du centre de formation LCBA poursuivent allègrement leurs entraînements. Salif Kéïta a encore perdu. Mais, jusqu’où s’arrêtera-t-il dans son dessein      de sevrer la jeunesse de la commune IV du seul vrai cadre d’expression sportive dont elle dispose ?

 

 

La commune IV est le lieu de résidence du président de la République et du Premier ministre et leur circonscription électorale. Mais, si Ibrahim Boubacar Kéïta et Moussa Mara aux manœuvres de Salif Kéïta « Domingo », ils risquent de voir leur bastion électoral transformé en un chaudron. Car, aujourd’hui les populations de la commune IV commencent à manifester leur ras-le-bol de voir Domingo s’entêter à vouloir occuper coûte que coûte le centre de formation de leur jeunesse et le terrain d’entraînement de leur club phare : Lafia Club de Bamako. Une véritable bombe à retardement.

 

Autre mise en garde : elle s’adresse au procureur général près la Cour d’Appel de Bamako. Daniel Amagouin Tessougué, qui justifie d’une très bonne réputation, doit fondamentalement s’impliquer dans cette affaire CSK-Sékou Diogo Kéïta dans laquelle sa juridiction vient de créer un véritable imbroglio juridique en rendant deux décisions contradictoires pour un même dossier. Et justement, les remous de mardi dernier sont consécutifs à une décision rendue par le juge des référés de la Cour d’Appel de Bamako qui prend à contrepied une première décision du juge pénal.

 

Avant de revenir sur tout ce qui précède, il convient de rappeler les péripéties judiciaires de ce feuilleton entre Salif Kéïta, président du CSK et Sékou Diogo Kéïta, président de LCBA.

Les deux partenaires ont collaboré et cheminé ensemble au sein de l’équipe du CSK de 1995 à 2008. Le clash éclate entre le président du CSK et l’ancien président délégué du club à partir de 2008, pour des raisons suffisamment étayées par L’Aube.

Mais, c’est en 2010 que l’affaire se retrouve devant les tribunaux, et depuis, elle va de rebondissements à rebondissements, tous marqués par la phobie de Salif Kéïta d’exproprier le terrain, objet du litige.

 

 

Salif Kéïta perd tous les procès

En mai 2010, Salif Kéïta porte plainte contre Sékou Diogo Kéïta au tribunal de première instance de la commune IV pour abus de confiance, faux, usage de faux, tentative de disposition de bien d’autrui et escroquerie. Les deux partenaires se retrouvent devant la justice pour un feuilleton qui dure déjà quatre ans.

 

Première entorse : en pleine instruction, le juge ordonne Salif à effectuer des opérations sur le compte du club, pourtant placé sous scellé. Domingo profite de cette ordonnance pour vider tous les comptes du club (BICIM, BOA). Ce qui bloque la procédure d’instruction, car cet argent devait servir à pourvoir à la provision liée à l’expertise comptable et immobilière.

Salif va plus loin : il ouvre un compte à la BMS où les avenants des contrats des joueurs sont régulièrement versés.

 

Le 05 novembre 2012, Salif Kéïta saisit le juge d’instruction pour saisie et apposition de scellés du terrain, objet du litige. Le juge d’instruction refuse par ordonnance du 26 décembre 2012.

 

Salif Kéïta fait appel de cette décision devant la Chambre d’accusation de la Cour d’appel. Nouvel échec : cette Chambre confirme l’ordonnance du juge d’instruction par arrêt du 28 mai 2013.

 

Avec cette succession d’échecs devant le juge pénal, Domingo s’oriente vers le juge civil. Il s’adresse alors au juge des référés pour avoir gain de cause. Enième revers, car celui-ci, par ordonnance de référé rendue le 07 juin 2013, se déclare incompétent.

Mais, Salif Kéïta ne se décourage pas. Dix mois après, il introduit un Contredit devant la Chambre de référé de la Cour d’appel. Cette chambre, contre toute logique juridique et judiciaire, tranche en sa faveur en son audience du 4 avril 2014. Elle « ordonne l’expulsion de Sékou Diogo Kéïta tant de sa personne que de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef du terrain… 

».

 

Les gardes débarquent au terrain LCBA

Le 30 avril 2014, Sékou Diogo Kéïta reçoit une signification-commandement de vider les lieux dans un délai de 72 heures.

 

Rompu à ce genre d’exercice, le Conseil de Sékouba se pourvoi aussitôt en cassation. Et pour contrecarrer la signification-commandement, il dépose tout d’abord une demande de prorogation de délai de commandement assortie d’une mesure d’exécution sur minute avant enregistrement auprès du juge des référés du tribunal de la commune IV du District de Bamako.

 

A l’appui de sa requête, Sékou Diogo Kéïta appose un argument imparable : son expulsion du complexe sportif serait d’une exceptionnelle dureté quand on sait que les jeunes qui s’y entraînent participent aux différentes compétitions de la ligue de football de Bamako et de la fédération malienne de football, et ne trouveraient plus de terrain d’entraînement et de compétition.

 

Il se trouve qu’au sens des dispositions de l’article 711 du CPCCS, « lorsque l’expulsion aurait pour la personne concernée, des conséquences d’une exceptionnelle dureté, notamment en raison de la période de l’année, considérée ou des circonstances atmosphériques, le délai peut être prorogé par le juge pour une période n’excédant pas six mois ».

 

Conformément à cette disposition, le 02 mai 2014, le juge des référés ordonne la prorogation du délai de commandement de vider les lieux et l’exécution de cette ordonnance sur minute avant enregistrement. Cela veut dire clairement que Sékouba Kéïta et les siens peuvent rester sur le site et poursuivre tranquillement leurs entraînements au moins jusqu’au mois d’octobre 2014. Un autre revers cinglant pour Salif Kéïta et son Conseil qui se voient débouté de leur exception soulevée, tirée de l’incompétence du juge des référés et d’une fin de non recevoir. Néanmoins, ils font appel de cette décision

.

Ensuite, comme la loi le lui permet, Sékou Diogo Kéïta fait une assignation aux fins de rétraction d’arrêt (il s’agit de l’Arrêt du 04 avril ordonnant son expulsion du terrain) auprès de la Chambre des référés de la Cour d’appel de Bamako pour la simple raison qu’un nouvel élément est intervenu dans le dossier. A savoir que la mairie de la commune IV affirme et prouve que le protocole d’entente (et non un contrat de bail) qui la liait au Centre Salif Kéïta est expiré depuis le 23 octobre 2013 et qu’il n’a jamais été reconduit. Par conséquent, il ne peut produire d’effet. Mieux, dans un récent démenti apporté à un journal de la place, le maire de la commune IV écrit qu’il ne souhaite même plus le renouveler.

 

Là aussi, il se trouve que l’article 494 du CPCCS donne la possibilité au juge de rétracter son arrêt en cas de nouvelles circonstances. Donc, les conditions sont suffisamment réunies pour que le juge d’appel rétracte l’Arrêt du 04 avril. Cet arrêt aurait été d’ailleurs tout autre si le démenti de la mairie de la commune IV avait été porté à la connaissance de la Cour plus tôt.

 

Mais, que va-t-il se passer ? Un coup de tonnerre. Il y a de cella quelques jours, la Chambre des référés de la Cour d’Appel de Bamako rend un arrêt contrenature qui risque d’éclabousser cette noble juridiction dirigée aujourd’hui par le magistrat l’un des magistrats les plus honnêtes du pays, en la personne de Daniel Amagouin Tessougué.

 

En effet, non seulement le juge civil de la Cour d’Appel rejette purement et simplement la requête en rétraction mentionnée plus haut au motif que Sékou Diogo Kéïta s’est déjà pourvu en cassation (le juge n’a même pas étudié le dossier). Mais aussi, il casse l’arrêt de prorogation de délai de commandement de six mois du 02 mai et ordonne l’expulsion de Sékouba Kéïta. C’est le comble qui prouve qu’au Mali le ridicule ne tue pas.

 

Mais en plus, et c’est ce qui est dommage pour la justice malienne, cette affaire CSK étale au grand jour un véritable imbroglio juridique au niveau de la Cour d’Appel de Bamako. En effet, pour un même dossier, le juge pénal, à savoir la Chambre d’accusation a opté (logiquement d’ailleurs) pour le statu que ante en refusant de mettre sous séquestre le terrain de football querellé ; et le juge civil, en l’occurrence la Chambre des référés, choisit de procéder à l’expulsion d’une des parties. D’où l’existence d’une patente contradiction entre deux décisions de la même cour, la Cour d’Appel de Bamako.

 

Le Procureur général près cette cour, le très réputé homme d’une grande probité morale, Daniel Tessougué, doit reprendre les choses en main pour sauver ce qui peut l’être encore. Le connaissant, les fans du football espèrent bien que Tessougué redressera la barre.

 

Un juge qui dit le droit

C’est le vendredi 20 juin dernier que la décision du juge des référés de la Cour d’Appel fut notifiée à Sékou Diogo Kéïta. Très prompt à saisir les opportunités que lui offre la loi malienne, il demande la discontinuation des poursuites au juge des référés du tribunal de la commune IV. L’audience est fixée au mardi 22 juin. C’est justement, ce même mardi à la première heure que les gardes ont investi le terrain LCBA, commencé à enlever le matériel quand le maire est intervenu.

 

Comment Salif a-t-il procédé ? Muni de son ordonnance d’expulsion du juge des référés de la Cour d’Appel de Bamako, il instruit son huissier (une femme) à agir aussitôt. Celle-ci refuse de torpiller les textes qui lui commandent une procédure à suivre. Elle est remerciée sur le champ et remplacée par un autre huissier. Celui-ci tente de mobiliser la gendarmerie nationale, qui lui réclame un mandat. Alors, l’huissier fait recours à la garde nationale qui, curieusement et sans condition, envoie un contingent faire le western sur le site querellé.

Heureusement pour le football, pour la jeunesse et pour le Mali, il existe des juges qui savent lire et dire le droit.

 

Pendant que les gardes faisaient la java au terrain LCBA et que le maire s’entretenait avec l’huissier, l’audience des référés prenait fin au tribunal de la commune IV avec la victoire éclatante et sans bavure de Sékou Diogo Kéïta, qui terrasse à nouveau son frère ennemi, Salif Kéïta. Le juge n’a fait qu’appliquer l’article 491 du CPCCS, stipule que : « le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

 

Et puis, avance le juge, toute expulsion précipitée est risquée, si la Cour suprême venait à faire droit aux prétentions de Sékou Diogo Kéïta.

 

Enfin, s’agissant du terrain de football sur lequel s’entraînent de jeunes footballeurs, engagés dans des compétitions, et s’agissant d’un arrêt qui fait l’objet de pourvoi et qui, à tout moment, peut être remis en cause, l’exécution de l’arrêt, dans ces conditions, constitue un trouble manifestement illicite, le juge des référés pense qu’il doit y mettre fin. C’est pourquoi, il ordonne la discontinuation des poursuites sur minute avant enregistrement jusqu’à ce que la Cour suprême se prononce sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 04 avril.

 

Sékou Tamboura

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