Car le Qatar, initialement choisi pour accueillir une compétition à 32 équipes, ne peut structurellement pas organiser une compétition au format élargi. Des matches supplémentaires pourraient donc être organisés au Koweït et à Oman, deux pays qui se sont tenus à l’écart de la crise du Golfe qui a éclaté en 2017 entre l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte d’un côté et le Qatar de l’autre.
Et “l’idée d’une Coupe du monde qui inclurait le Koweït et Oman mais pas l’Arabie saoudite ou les Emirats serait probablement une cause d’amertume considérable à Ryad et Abou Dhabi”, dit-il. Pour passer de 64 rencontres (dans un format à 32 équipes) à 80, des matches devront être disputés en dehors du Qatar, dans un pays voisin. Problème. “Aucun pays n’est favori, selon une source proche de la Fifa. Cinq pays peuvent se manifester: Bahreïn, Koweït, Arabie saoudite, Oman et Emirats”. Cependant, en raison de la crise politique, il semble exclu à ce stade que Ryad, les Emirats et Bahreïn puissent co-organiser un quelconque événement avec le Qatar.
Embargo diplamatique
En juin 2017, le Qatar a été visé par un embargo diplomatique et économique par Ryad et ses principaux alliés régionaux qui ont accusé Doha de soutenir des groupes islamistes radicaux et lui ont reproché son rapprochement de l’Iran, rival de l’Arabie saoudite. Le Qatar a rejeté les accusations de soutien à des groupes extrémistes et accusé en retour ses adversaires de chercher à le réduire à un Etat vassal.
Le Koweït et les Etats-Unis ont tenté des médiations mais sans succès. Andreas Krieg du King’s College de Londres, qui a été conseiller du gouvernement qatari, relève que le Koweït et Oman “ont tous deux des problèmes avec l’Arabie saoudite et les Emirats”. Des tensions sont apparues entre Koweït et Ryad sur le partage de champs pétroliers, et Oman a été critiqué pour avoir semble-t-il fermé les yeux sur des livraisons d’armes iraniennes via son territoire à des rebelles yéménites hostiles à Ryad.
“La dispute dans le Golfe serait encore exacerbée”, estime M. Krieg. Le projet de la Fifa de partager la Coupe du monde renforcera le sentiment que le Golfe s’est divisé en deux blocs concurrents de trois pays (Qatar-Koweït,Oman face à Arabie saoudite, Emirats, Bahreïn), ajoute-t-il. Même si le Qatar est contraint de partager son Mondial, le premier à se tenir au Moyen-Orient, il est peu probable que Ryad ou Abou Dhabi s’en accommodent, martèle l’expert.
“Pas en jouant au football”
Pourtant, le projet de la Fifa semble gagner du terrain. Les résultats d’une étude de faisabilité de la Fifa, annoncée la semaine dernière à Miami, sont allés dans le sens d’une expansion en 2022. “Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il est possible de passer de 32 à 48 équipes en Coupe du monde si certaines conditions sont remplies”, a déclaré M. Infantino. Une décision finale sera annoncée en juin. L’instance dirigeante européenne, l’UEFA, a elle jugé l’expansion “pas réaliste”.
Par ailleurs, depuis des années, des ONG accusent le Qatar d’ignorer les droits des travailleurs migrants qui construisent les stades pour le Mondial 2022. Des progrès ont été accomplis dans ce domaine dans le riche émirat gazier, mais des militants des droits humains pressent la Fifa de ne pas négliger les normes qu’elle vient d’imposer lorsqu’elle accorde le statut d’hôte de la Coupe du monde. Toute expansion se traduirait par 16 matches supplémentaires disputés au cours des 28 jours du tournoi et des experts se demandent si les stades et infrastructures de Koweït et d’Oman répondront aux standards rigoureux de la Fifa.
Avec tant d’inquiétudes, il est peu probable que la Coupe du monde soit la panacée politique, affirme James Dorsey, chercheur à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour et auteur de “The Turbulent World of Middle East Soccer”. “La crise du Golfe ne se résoudra pas en jouant au football”.