C’est avec joie et fierté que notre pays s’est honoré d’accueillir, du 13 au 14 janvier dernier, sur son sol, autant de chefs d’Etat (35) et de chefs de délégation (une soixantaine), de chefs d’entreprises, de leaders politiques, des représentants de la jeunesse d’Afrique et de France ainsi que les plus hauts dirigeants de la communauté africaine et internationale à savoir l’UEMOA, la CEDEAO, l’UA, l’OIF, le FMI, la Banque mondiale, les Nations Unies, l’Union Européenne, accourus sur les rivages du fleuve Djoliba, pour échanger sur leurs expertises, leurs expériences et leurs ressources sur la problématique du partenariat, de la paix et de l’émergence.
Juste choix du thème
Le triptyque « Partenariat – Paix – Emergence » n’est pas seulement dans l’air du temps, mais il est, également, en parfaite adéquation avec les préoccupations les plus légitimes des pays africains : crises économique et sécuritaire.
Cette double crise affecte de manière prononcée les Etats africains et compromet gravement leurs projets et programmes de développement. Partout les chantiers de la construction du grand projet rêvé pour l’Afrique subissent les contrecoups du marasme mondial.
Or, pour construire la paix et la sécurité, créer la richesse, la répartir équitablement pour engager les pays dits en développement sur la voie de l’émergence, il faut nécessairement développer des partenariats robustes et innovants lesquels sont devenus une exigence du moment et au regard de nombreux défis auxquels la plupart de nos pays sont malheureusement confrontés et parfois de la façon la plus dramatique. C’était tout l’intérêt du Sommet de Bamako qui adresse ces questions complexes dans une vaste approche systémique.
La cérémonie inaugurale du 27è Sommet Afrique-France, placée sous la co-présidence du Président IBK et du chef de l’Etat français, s’est déroulée en deux temps forts.
La première séquence a été meublée par trois allocutions : celle du Président de la république, Ibrahim Boubacar KEITA, puis l’intervention du Président français, François Hollande, et enfin le discours du Président tchadien, Idriss Deby Itno, en sa qualité de président en exercice de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine.
Le second temps fort a été consacré à la remise des prix par les chefs d’Etat à de jeunes dirigeants de start-up.
Un président sincère
En ouvrant le bal des discours de ce sommet Afrique-France, le président IBK, après avoir souhaité la bienvenue à ses illustres hôtes de marque, a rendu un hommage appuyé à un homme : François Hollande, qui arrive à la fin de son mandat dans quatre mois.
Pour le président de la république, Hollande aura été le président français « le plus sincère et le plus loyal » dans son rapport avec l’Afrique.
«Lorsque les esprits auront digéré rancœurs et ressentiments, la France et l’Histoire vous feront la seule place qui convienne, celle d’un homme, qui à l’Elysée, n’a pas cessé de respirer à hauteur simplement humaine », a-t -il poursuivi en se disant persuadé que le « courage » de M. Hollande « finira pas être reconnu » et que l’on saura admettre qu’il a pour l’essentiel, «agi au pouvoir avec honnêteté et droiture».
En louant toutes ces qualités de celui qui vient de participer certainement à son dernier grand rendez-vous sur le continent africain avant son départ de l’Elysée, IBK avait à cœur et à l’esprit l’opération militaire française ordonnée, quatre ans plus tôt presque jour pour jour, le 11 janvier 2013, par François Hollande pour stopper net une offensive de groupes djihadistes. Liés à Al-Qaïda, ceux-ci s’étaient emparés du nord du Mali et menaçaient de déferler sur Bamako.
Autre geste de solidarité qui a été appréciée à sa juste valeur par le locataire de Koulouba : la marque de confiance du président Hollande manifestée en faveur de notre pays en lui confiant, le 7 novembre 2013, à l’occasion du Sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique, l’organisation de ce Sommet alors que le Mali n’était pas définitivement sorti de la grave crise politico-sécuritaire qui l’avait ébranlé jusque dans ses fondements.
En outre, le président IBK a également renouvelé la reconnaissance et la gratitude du peuple malien envers les pays amis et les partenaires qui l’ont soutenu et accompagné dans le règlement de la crise la plus douloureuse de notre histoire récente.
IBK et ses axes prioritaires
En renouvelant une fois de plus sa volonté politique de faire du retour à la paix, de la réhabilitation de la cohésion sociale et de la reconstruction du pays, les axes prioritaires de mon mandat, le chef de l’Etat s’est félicité des résultats significatifs obtenus par notre pays depuis la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. D’où son appel aux parties signataires à s’inscrire sans arrière-pensées, ni calculs dans la mise en œuvre de l’Accord. Car, dit-il, en dehors de celui-ci, il n’y a aucune perspective crédible pour le retour de notre pays à la normale.
« L’Accord oriente en effet nos efforts vers les évolutions indispensables que sont l’acquisition et la consolidation d’une vision commune de la Nation malienne et une gouvernance territoriale prenant en charge la diversité de nos réalités socio-économiques tout en préservant le caractère unitaire de notre Etat », a rappelé le président IBK.
Sur la thématique proposée à la réflexion du sommet, il se dit convaincu que l’Afrique et la France ont la possibilité de les prendre en charge en s’appuyant sur leur longue tradition de coopération et sur leur volonté éprouvée de cheminer ensemble ; tout en rappelant aux participants de ne pas perdre de vue sur l’état de fait malheureusement qui se confirme de plus en plus : la menace terroriste.
Du haut de la tribune du sommet, le président Hollande a assuré que la « France restera toujours au côté du Mali jusqu’à l’aboutissement du processus de paix, jusqu’à ce que l’Etat malien puisse avoir son autorité respectée sur l’ensemble du territoire malien ».
«Il y a quatre ans, presque jour pour jour, le forces maliennes, françaises, africaines étaient engagées pour reconquérir le Nord-Mali» alors que «la ville de Bamako était sous la menace d’une offensive terroriste de grande ampleur», a-t-il rappelé.
Tandis que «le peuple malien tremblait», l’Europe «regardait parfois avec distance ce qui se passait au Mali, ne saisissant pas toujours l’enjeu», a-t-il relevé.
Les engagements français
Mais à présent, s’est félicité François Hollande, les terroristes ne contrôlent plus aucun territoire, la démocratie a repris son cours, les élections ont eu lieu, l’économie repart et la réconciliation avec les accords d’Alger est en cours.
«C’est une leçon que vous adressez à la communauté internationale» mais aussi un message pour les «peuples martyrs» de Syrie, d’Irak ou de Libye, a-t-il enchaîné : «il y a de l’espoir, regardez vers le Mali !».
En route pour la capitale vendredi, François Hollande avait effectué une escale symbolique sur la base militaire française de Gao, une ville martyre qui a subi les affres de l’occupation terroriste la plus brutale. Mais aussi Gao, la résistante qui dans les heures les plus sombres, a courageusement défendu son appartenance au Mali. Mais également Gao, l’emblématique qui a été la première grande ville malienne libérée par l’opération Serval et les troupes maliennes.
Depuis la cité des Askia et répété lors de son discours devant les chefs d’Etat africains, le président français a souligné que «les Africains» doivent assurer «la sécurité des Africains» et à ce propos, l’engagement pris par la France en 2013 de former 20 000 militaires africains par an a, selon lui, été «tenu» et «même dépassé». Leur nombre, a-t-il précisé, sera porté à plus de 25 000 au cours des trois prochaines années.
Au chapitre du développement, même ambition que sur le plan militaire : l’Agence française de développement (AFD), a précisé François Hollande, va augmenter de 15% ses engagements pour mobiliser 23 milliards d’euros pour le continent dans les cinq ans à venir.
Le président français a aussi annoncé le lancement d’un Fonds d’investissement franco-africain doté de 76 millions d’euros sur 10 ans, le tout premier du genre.
François Hollande a achevé son discours par une anaphore, sa figure de style de prédilection.
«Ensemble, la France, l’Afrique nous avons été capables de relever des défis et de faire avancer le monde (…), ensemble, l’Afrique, la France, nous avons été capables, aux Nations unies, de porter des objectifs de développement durable, l’Afrique, la France, ensemble, nous portons le message d’une réduction des inégalités à l’échelle planétaire», s’est-il exclamé.
Le président français a poursuivi en évoquant une volonté «d’indépendance» partagée et la jeunesse qui est une «chance».
François Hollande s’est aussi souvenu des «32 visites officielles» effectuées sur le sol africain au cours de son mandat.
«Disant cela, je ressens un goût d’inachevé qui aurait dû, finalement, justifier d’autres prétentions», a-t-il poursuivi dans une allusion à son renoncement à un second mandat.
Un sommet d’espoir
«Je n’oublierai jamais les liens que nous avons pu tisser, personnels, humains, politiques» a-t-il ajouté, concluant ce discours-testament applaudi debout par les participants au sommet.
Pour sa part, le président Deby a indiqué que la tenue de ce sommet, à l’orée de l’année nouvelle, est assurément pleine de promesses et porteuse d’espoirs. Car, au-delà de la symbolique de l’agenda, il y a bien évidemment la pertinence de la thématique des assises qui résume les attentes du continent.
Tout comme le président IBK, il a souligné que l’Afrique est aujourd’hui l’espace où la paix et la stabilité sont les plus fréquemment menacées. Il a de ce fait cité la situation chaotique en Libye, l’instabilité récurrente dans l’espace sahélo-saharien et dans la corne de l’Afrique ; la détresse humanitaire au Soudan du Sud, le cycle de violences et d’insécurité dans les pays des Grands Lacs et d’Afrique Centrale nous rappellent, sans cesse l’ampleur des défis à relever.
A ce tableau déjà sombre, s’ajoutent, selon le président en exercice de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, le terrorisme et la criminalité transfrontalière, les trafics des humains, la piraterie maritime, le commerce de la drogue et autres stupéfiants, le commerce illicite des armes, les financements occultes des déviances idéologiques les plus criminelles, les plus sordides.
Tous ces vecteurs de la mort et de la désolation dont les premières victimes sont les populations civiles, les femmes et les enfants en particulier, appellent, a-t-il indiqué, à une solidarité plus agissante, forte et constante.
Par Mohamed D. DIAWARA