Le sommet Afrique-France de Bamako doit commencer ce vendredi 13 janvier dans la capitale malienne. Plus de trente chefs d’Etat et de gouvernement africains sont attendus aux côtés du président français, François Hollande, pour débattre autour des thèmes de « paix et d’émergence ». Un rendez-vous qui se veut très économique avec la présence des patronats malien et français, et pour lequel la société civile se sent mise à l’écart. Alors pour faire entendre leurs voix, les militants africains ont organisé leur propre rencontre à Bamako.
« Ce type de sommet de dirigeants, c’est toujours un moyen de faire passer un message. Et tous les cadres où ce message peut passer, c’est important de le faire. Maintenant, on ne sait pas si l’impact sera immédiat ». Et comme Floribert Anzuluni, du mouvement congolais Filimbi, ils sont plusieurs centaines de militants de la société civile réunis à l’ombre de la pyramide des jeunes dans le centre-ville de Bamako. Il leur reste tout juste quelques heures pour mettre la touche finale à une grande déclaration commune qui doit être publiée avant le lancement du sommet Afrique-France ce vendredi. Trois axes principaux ont guidé leurs travaux : foncier et souveraineté alimentaire, gouvernance et fiscalité, mais aussi migration, mobilisation et paix. Avec un objectif : celui de donner au peuple le moyen de faire entendre sa voix.
« Nous, maintenant, on veut participer au développement. Le peuple a trop longtemps été laissé en marge de ce développement. Alors que sans peuple, il n’y a pas de développement, estime Massa Koné, le porte-parole de la Convergence malienne contre l’accaparement des terres à l’initiative de ce contre-sommet. On estime que le peuple doit se réunir en amont et les chefs d’Etat seulement en aval. Nous devons leur faire part de nos recommandations ». Pour ces militants de la société civile, ce contre-sommet, c’est de toutes les façons la seule chance de se faire entendre. En effet, ils regrettent qu’une part importante du rendez-vous ait été consacrée au patronat, qu’il soit français ou malien, mais que la société civile ne soit pas reçue par les chefs d’Etat.
La société civile, un contre-pouvoir
Il a donc fallu s’organiser « avec les moyens du bord » insiste bien Massa Koné. Le contre-sommet, intitulé « Sommet pour les peuples », a entièrement été autofinancé par les participants et les milliers de militants sont venus de plusieurs pays d’Afrique par leurs propres moyens. « Chacun a apporté ce qu’il pouvait et ça nous permet de nourrir tout le monde, tous les participants. Ici, les produits viennent des producteurs qui sont aussi des militants et l’on peut dire que c’est bio », se félicite Massa Koné qui a été, comme tous les membres de l’organisation, surpris par le succès du rendez-vous. La preuve pour lui que la société civile, c’est aujourd’hui un véritable contre-pouvoir.
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Un contre-pouvoir qui se doit désormais d’alerter les chefs d’Etat. Janvier Bigirimana vient du Burundi. Il fait partie du mouvement « Halte au troisième mandat » qui s’oppose toujours au maintien du président Pierre Nkurunziza au pouvoir. Pour lui, la société civile doit informer des vrais problèmes des sociétés africaines pour que ce sommet Afrique-France ne soit pas seulement un énième rendez-vous de dirigeants : « Les dirigeants africains doivent ramener le débat sur les questions qui hantent la vie des populations. Ils doivent savoir que l’on est comptable de leurs actions, sinon ce sera encore un sommet qui n’aura servi à rien ».
Dérive de l’obsession sécuritaire
Pour certains, le rendez-vous est déjà manqué. « La société civile n’attend rien de ce sommet », tranche Laurent Duarte, le coordinateur de Tournons la page. Son mouvement compte dix coalitions réparties dans autant de pays africains et européens et il a été invité à se joindre au contre-sommet pour évoquer « un autre modèle économique et politique possible ». Avec cette rencontre d’activistes à Bamako, Laurent Duarte pense que c’est par exemple « l’occasion de questionner la communauté internationale sur ses actions », notamment après l’importante période électorale qu’a connue le continent, ces deux dernières années.
L’occasion aussi et surtout de faire le bilan de la politique africaine de François Hollande, le président français, dont c’est le dernier sommet sur le continent. Et l’on ne peut pas dire que pour Laurent Duarte ce bilan soit positif : « Pour nous, cette politique, elle a été alignée sur la défense. Et à nos yeux, cette problématique a primé sur tout le reste et notamment sur la démocratie ». Guidé par une obsession sécuritaire, François Hollande aurait sacrifié les droits peuples au profit de la stabilité pour nombre de participants. Il fait d’ailleurs fausse route pour Massa Koné: « La sécurisation, elle ne passe plus par la militarisation, mais par les communautés. C’est l’indignation d’une partie du peuple qui fait apparaître des situations de conflit. Redonner sa voix au peuple, c’est donc indispensable pour un développement inclusif et pour une paix durable ».
Publié le 12-01-2017