Le 27ème sommet Afrique-France tant attendu s’ouvre demain au Centre international de Conférence de Bamako avec un ordre du jour marqué par de grands enjeux stratégiques et de quête de réponses aux préoccupations de paix, de sécurité et d’accès aux financements. Il est placé sous le thème : « Pour le partenariat, la paix et l’émergence ».
La capitale malienne, Bamako, vibrera demain au rythme du 27 ème sommet Afrique-France. Deuxième du genre organisé au Mali, cette rencontre de haut niveau réunira autour du chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keïta et son homologue français, François Hollande, une quarantaine de chefs d’Etat du continent africain. En plus de ces personnalités, plusieurs ministres, des responsables des organisations régionales et internationales, et près de 3 000 participants sont attendus à Bamako lors de ce sommet.
Au programme, on retient qu’il est prévu du 11 au 13 janvier le forum de la jeunesse au Palais de la culture Amadou Hampâté Bah; le vendredi 13 janvier se tiendra la conférence des ministres des Affaires étrangères, et le samedi 14 janvier, la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que celle des premières dames.
Faut-il le rappeler, l’organisation de ce sommet après la crise multidimensionnelle qu’a connue notre pays en 2012 est un symbole fort. Elle marque à plus d’un titre la ferme volonté du chef de l’Etat français François Hollande et de son homologue Ibrahim Boubacar Kéita de donner un souffle nouveau à la coopération multiforme entre l’Afrique et la France. En effet, l’organisation du sommet a failli un temps soit peu échapper à notre pays en faveur de la Côte d’Ivoire, jugée plus stable et avec une croissance économique de 9% qui intéresse beaucoup les entreprises françaises. Notre pays et son coorganisateur de l’événement, la France, ont tenu bon, car organiser ce sommet est avant tout stratégique pour les deux pays. Le chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keïta n’a manqué de rappeler à plusieurs occasions l’importance que revêt ce sommet pour la stabilité et l’émergence de notre pays. « La tenue du 27ème sommet Afrique-France à Bamako manifeste la confiance octroyée au Mali par la communauté africaine et la France. En accueillant ainsi ces illustres hôtes, le Mali veut d’abord et surtout réaffirmer, aux yeux du monde, sa volonté de poursuivre sa marche vers la paix et le progrès. Ce sommet confirme et consolide la relation singulière qui lie les Etats d’Afrique à la France… », a déclaré le Président IBK.
Contexte difficile
Le choix du Mali pour abriter ce sommet n’est pas fortuit. Il intervient dans un contexte où notre pays sort progressivement de la crise la plus profonde de son histoire. Sur un plan plus général, ce sommet se tient à un moment ou l’Afrique est confrontée à des enjeux et des défis très énormes à savoir : la persistance des crises, des foyers de tensions, des incertitudes géopolitiques ; l’explosion démographique et un taux de croissance dont l’impact social reste extrêmement limité sur le bien-être des populations.
Défis politiques
Ce sommet, maintenu malgré les enjeux sécuritaires, est hautement politique et stratégique. Le Mali veut revenir sur la scène internationale après la longue traversée du désert liée à la crise multidimensionnelle en redevenant un allié phare pour l’Europe. Et pour François Hollande, ce sommet représente le dernier rendez-vous africain, quatre ans après le lancement de l’opération Serval et entend faire du Mali une vitrine pour le bilan de sa politique africaine. Par ailleurs, il entend redessiner les nouveaux contours des relations de partenariat entre l’Afrique et la France. Car, l’idée du sommet Afrique-France est diversement appréciée à travers le continent africain. Le contexte géopolitique mondial actuel et l’ampleur des défis internes en Afrique imposent à ce partenariat une urgente révision des pratiques courantes entre les deux acteurs. Conscient de cette réalité, l’ex-Président français, Nicolas Sarkozy, a fixé le cap en 2008 lors d’une allocution devant le Parlement sud-africain, au Cap, en ces termes : « L’ancien modèle de relations entre la France et l’Afrique n’est plus compris par les nouvelles générations d’Africains, comme d’ailleurs par l’opinion publique française », avant d’appeler à de nouveaux rapports fondés non plus sur l’inégalité, l’exploitation et le ressentiment, mais sur le respect et la reconnaissance des intérêts mutuels. Et quatre ans après, François Hollande n’a pas dérogé à cette ligne politique de son prédécesseur. « Le temps de la Françafrique est révolu… Il y a la France et il y a l’Afrique, deux entités distinctes dont les rapports devraient être désormais fondés sur le respect, la clarté et la solidarité », avait promu François Hollande à Dakar, en octobre 2012.
Sur le plan sécuritaire Les attentes des plus hautes autorités du Mali sont fortes sur le plan sécuritaire. Car, notre pays, en dépit de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, a de la peine à résoudre les équations sécuritaires. Des zones entières échappent encore au contrôle des forces armées maliennes et étrangères, régulièrement visées par des attaques meurtrières des groupes djihadistes. Cette rencontre de haut niveau offrira une opportunité pour conforter la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale et peut signer un nouveau départ pour le Mali. Aujourd’hui, force est de constater que la Minusma est ainsi devenue l’opération de l’ONU la plus coûteuse en vies humaines depuis la Somalie en 1993-1995, avec plus de 70 Casques bleus tués en 3 ans. A l’instar de notre pays, la menace terroriste plane sur plusieurs pays africains. Sans nul doute, le débat sera houleux lors de la conférence des chefs d’Etat entre certains chefs d’Etat africains et le président français. En effet, il s’agit des chefs d’Etat de certains pays anglophones qui n’ont pas leurs langues dans leurs poches, tels Robert Mugabe, président du Zimbabwe, et Omar el Béchir, à la tête du Soudan. Certains sujets brûlants tels que les interventions militaires de la France en Libye, en Centrafrique et au Sahel referont surface; les questions liées au terrorisme en France et notamment au traitement de l’islam radical et à l’encadrement de certaines libertés publiques feront l’objet d’interpellations; les problèmes des flux migratoires; la diminution de l’aide au développement. Aur regard de la menace sécuritaire, la France et les Etats d’Afrique doivent résolument tirer les leçons des échecs observés ces dernières années dans la gestion des conflits, des situations de transition et de reconstruction post-conflit en Afrique. Sur le plan économique Le relèvement économique de notre pays constitue pour les autorités maliennes l’un des enjeux majeurs de ce sommet. Car, la crise qui perdure depuis 2012 a affecté tous les secteurs d’activités. Outre une réunion ministérielle, le sommet Afrique-France 2017 sera marqué par l’organisation d’un forum économique, d’un forum des jeunes et d’un autre sur les femmes et l’entrepreneuriat ainsi que de plusieurs activités culturelles pour permettre à la société civile de prendre part à cette rencontre internationale. L’arrivée de 3000 participants, venant de 60 pays, dont une trentaine de chefs d’Etat et de gouvernement, des dirigeants des organisations internationales comme le secrétaire général de l’ONU, le président de la Banque mondiale, la directrice générale du FMI, va inévitablement booster le secteur de l’hôtellerie et du tourisme. Pour la circonstance, 2198 chambres d’hôtel et de villas ont été aménagées dans une soixantaine d’hôtels et une trentaine d’établissements pour loger les hôtes de marque, les invités spéciaux et les autres participants. Plus de 200 journalistes sont également attendus. Ce sommet sera l’occasion pour les chefs d’Etat et de gouvernement de se pencher sur la situation économique générale de l’Afrique et ses relations de partenariat avec la France. Certes, l’Afrique enregistre des taux de croissance et des indicateurs macro-économiques positifs du fait d’entrées de nouveaux capitaux, de financements « innovants » et d’importantes remises de dette, mais l’impact social de cette croissance reste extrêmement limité sur le bien-être des populations. Et pourtant, le continent africain est perçu par beaucoup d’observateurs comme le continent de l’avenir, eu égard à ses richesses inexploitées et sa population particulièrement jeune dans un contexte de vieillissement de la population mondiale à l’horizon 2030. Et ces dernières années, l‘Aide publique au développement (APD) de la France en direction de l’Afrique a connu une baisse. La tendance à la hausse a été notée dans la loi de finances 2017 (9,4%, contre 8,4 milliards d’euros en 2016). Selon les données statistiques, les échanges commerciaux entre la France et l’Afrique avoisinaient 54 milliards d’euros en 2014. En outre, il importe de préciser que les échanges commerciaux de la France en Afrique représentaient en 2014 près de 54 milliards d’euros : 27 milliards d’euros d’importation vers le continent et 26 milliards d’euros d’exportation africaines. L’affaiblissement des échanges économiques entre la France et le continent africain s’explique par la fluctuation des prix du pétrole et la concurrence féroce de la Chine. L’occasion semble offerte à la France, lors de ce sommet, de renforcer ses échanges économiques avec l’Afrique. En tout cas, à l’issue du sommet, les chefs d’Etat africains et français doivent redéfinir le partenariat Afrique-France à partir d’un diagnostic clair des enjeux géopolitiques, démographiques et des perspectives géoéconomiques qui s’offrent à l’Afrique.
Boubacar SIDIBE