La population de Konsiga exige le départ du maire Tamassa Kébé de l’Urd, l’organisation d’une nouvelle élection municipale spéciale ou la mise en place d’une autorité intérimaire. Présentement, plus de 90 manifestants sont arrêtés et en détention à Bafoulabé.
Réélu en novembre 2016, le maire de la commune rurale de Konsiga, dans le cercle de Yélimané, Tamassa Kébé, a dû faire face à une contestation de son autorité par sa population qui l’estime imposée. Le vendredi 15 janvier 2017, des manifestants composés de jeunes et vieux ont pris d’assaut la mairie de Konsiga pour exiger son départ, l’organisation d’une nouvelle élection municipale spéciale ou la mise en place d’une autorité intérimaire.
Les manifestants dénonçaient également l’illégitimité de Tamassa Kébé et sa carence à jouer pleinement la responsabilité qui lui incombe. Des négociations initiées par le sous-préfet de Tambacara ont tourné court. C’est ainsi que, pour la première fois, les forces de l’ordre sont intervenues à coup de matraques et de gaz lacrymogène pour libérer la mairie de ses occupants «illégaux».
Très vite, la jeunesse de Konsiga va bénéficier du soutien de Dagakané (une association de la société civile) très influente. La manifestation va s’étendre, d’abord à Bamako, puis au-delà des frontières maliennes. C’est ainsi que l’ambassade du Mali en France sentira la colère des jeunes de Konsiga et leurs alliés.
Des sit-in ont continué devant la mairie pour empêcher le maire Tamassa Kébé de rejoindre son bureau. Le vendredi 15 décembre 2017, cinq véhicules des forces de l’ordre ont débarqué à Kersigané (chef-lieu de commune). Tout d’un coup, la devanture de la mairie s’était remplie comme cela n’avait jamais été le cas depuis le début du sit-in, nous apprend le porte-parole de la jeunesse de Konsiga, Lassana Coulibaly.
Le capitaine de l’équipe des forces de l’ordre a d’abord rencontré les leaders du mouvement. Après une heure de discussion, le capitaine a donné un ultimatum (jusqu’à 12h00) aux jeunes pour quitter la mairie. Exactement à 11h 59mn, la foule a reçu les premiers tirs de gaz lacrymogène. Femmes et hommes déterminés ont résisté aux tirs.
Coup de malheur, les forces de l’ordre étaient à court de gaz lacrymogène. Les manifestants ont alors pris le dessus, des corps habillés sont frappés par les jeunes. En situation de repli, les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur les manifestants. Le bilan est lourd : beaucoup de blessés dont des cas graves.
Le Cscom de Kersigané est débordé, le Csref de Yélimané et le Cscom de Dogofri viennent en appoint. Les cas graves sont évacués à l’hôpital Fousseyni Dao de Kayes. Le dimanche 17 décembre, Kersigané se réveille avec les nouvelles du décès de Boulaye Sira Coulibaly, un vieux de 63 ans, qui a succombé à ses blessures, laissant derrière lui trois veuves et onze enfants.
Face à la situation devenue très inquiétante, le président de la République a réagi en envoyant son ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, Tiéman Hubert Coulibaly, pour calmer la tension. Comme on pouvait s’y attendre, en dehors des promesses, rien n’est sorti de ce déplacement ministériel.
Après la présidentielle de juillet et août 2018, et dans l’espoir de trouver un terrain d’entente entre la population et le camp du maire Tamassa Kébé, le gouverneur de la région de Kayes s’est rendu à Konsiga, le mercredi 19 décembre 2018. Selon le porte-parole de la jeunesse, Lassana Coulibaly, «le gouverneur a demandé à ce qu’on laisse le maire reprendre ses fonctions et cela avec effet immédiat. Quand deux à trois personnes ont manifesté leur désapprobation vis-à-vis des doléances du gouverneur, ce dernier a demandé de mettre fin à la rencontre, puis il est retourné à Kayes. La délégation du gouverneur était accompagnée des seuls organes de presse de l’État. Il s’agit de l’ORTM et de l’Essor pour couvrir le déplacement du gouverneur».
Des rumeurs à la réalité, le village de Kersigané s’est réveillé le jeudi 20 décembre 2018, encerclé par les forces de l’ordre. Joint au téléphone, l’un des porte-paroles de la jeunesse, Aboubacar Siby, témoigne : «les forces de l’ordre sont venues tôt ce matin. Le chef de village nous a dit de ne pas nous rassembler devant la mairie, mais de venir chez lui. C’est dans ce mouvement qu’ils ont commencé à gazer les gens dans les rues. Ils rentraient maison par maison pour tabasser les gens et beaucoup de gens ont été interpellés. Certaines personnes jugées responsables de la contestation ont été arrêtées et emmenées à Yélimané. Présentement, ils sont au nombre de 67 en détention à Bafoulabé».
Contacté au téléphone, M. Nouhoun Babi Sow, chargé à la communication au gouvernorat de Kayes, nous a confirmé le nombre exact de personnes interpellées lors de l’opération des forces de l’ordre. Dans la foulée des évènements, le gouverneur de la région de Kayes a animé un point de presse pour annoncer que les populations ont reconnu leur tort et acceptent désormais de reconnaître la légitimité du maire Tamassa Kébé.
Cependant, selon Aboubacar Siby, l’un des représentants de la jeunesse de Konsiga, «cela est faux et archifaux». Pour lui, la population n’a rien à se reprocher et ne va jamais reconnaître Tamassa Kébé comme le maire de la commune. Il promet de ne jamais payer les taxes et impôts tant Tamassa sera à la mairie.
Rappelons qu’une manifestation de soutien aux personnes arrêtées a eu lieu à Magnambougou, la semaine dernière, organisée par le mouvement «Faso ni dambé». Beaucoup de responsables de l’association Dagakané sont pris pour cible dans cette affaire.
Gabriel TIENOU